Jim Flaherty est sur une lancée. Après s'être attaqué aux fiducies de revenu, voilà que le ministre fédéral des Finances veut examiner de plus près le recours aux paradis fiscaux.

Jim Flaherty est sur une lancée. Après s'être attaqué aux fiducies de revenu, voilà que le ministre fédéral des Finances veut examiner de plus près le recours aux paradis fiscaux.

Voilà une déclaration qui fait plaisir à entendre.

Les propos du ministre étaient plutôt vagues, c'est vrai. Il n'a pas donné beaucoup de détails sur ce qu'il avait l'intention de faire. Quand même, l'homme a prouvé avec les fiducies que, lorsqu'il se penche sur un dossier, aussi compliqué soit-il, il arrive à ses fins.

Jim Flaherty dit vouloir s'assurer que tous les Canadiens paient leur juste part d'impôt. On appelle ça l'équité fiscale. C'est ce principe qui l'a motivé à revoir la fiscalité des fiducies et c'est ce qui l'anime dans le cas des paradis fiscaux. Il y a vraiment matière à fouiller. L'utilisation des paradis fiscaux par les contribuables canadiens a littéralement explosé au cours des dernières années.

Dans une étude publiée en mars 2005, Statistique Canada nous apprenait que les actifs canadiens dans ce qu'on appelle des centres financiers offshore (ou CFO) étaient passés de 11 milliards à 88 milliards de dollars de 1990 à 2003. Les paradis fiscaux les plus populaires auprès de nos entreprises étaient la Barbade, l'Irlande, les Bermudes, les îles Cayman et les Bahamas.

On ne parle pas ici d'évasion fiscale, mais bien d'évitement. C'est-à-dire l'utilisation de stratégies fiscales tout à fait légales pour payer le moins d'impôt possible. Si les experts s'entendent pour dire qu'interdire l'accès aux CFO est une mesure difficilement efficace si elle ne fait pas l'objet d'un consensus à l'échelle internationale, Ottawa peut très bien limiter l'accès à ces fameux paradis.

Une bonne façon de le faire est de regarder du côté des fiscalistes un peu trop audacieux qui interprètent les lois à la limite de la légalité. Ces experts se font une spécialité de dénicher les trous dans la législation. Ils exploitent toutes les zones floues pour mettre au point des stratégies de planification fiscale extrêmement audacieuses. C'est de ce côté que le gouvernement doit mettre ses efforts. Il faut absolument resserrer les règles et clarifier la loi de l'impôt sur les paradis fiscaux. En se faisant plus vigilant, Ottawa peut certainement endiguer le flot de capitaux qui sortent du pays et même réussir à récupérer une partie des sommes mises à l'abri du fisc canadien.

Le meilleur exemple en est ce qui se passe actuellement avec Merck Frosst. Le géant pharmaceutique a confirmé la semaine dernière avoir reçu un avis de cotisation de l'Agence de revenu du Canada de deux milliards de dollars. Selon ce qu'a appris mon collègue Francis Vailles, cet avis porte sur des redevances mondiales de 5 milliards de dollars que Merck a encaissées entre 1998 et 2004 avec le médicament Singulair. Ce médicament a été mis au point à Montréal, mais la pharmaceutique a transféré le brevet à la Barbade pour réduire sa facture d'impôts. Le transfert de brevets de médicaments vers les paradis fiscaux est légal. Tout indique cependant que Revenu Canada contesterait la valeur accordée au brevet au moment du transfert, il y a quelques années. Voilà un bon exemple d'application plus serrée des lois existantes.

En plus de revoir et de resserrer la loi de l'impôt sur les paradis fiscaux, Ottawa devra aussi consacrer plus de ressources à la lutte contre l'évasion fiscale, une fraude qui prive le gouvernement de sommes faramineuses.

Jim Flaherty a fait connaître son intention. Le signal est clair, il veut faire le ménage dans les paradis fiscaux. Reste à voir maintenant comment il passera de la parole aux actes.