Lancée dans la foulée du scandale Norbourg, la Commission des finances publiques sur la protection des épargnants du Québec vient de reporter ses travaux pour la troisième fois.

Lancée dans la foulée du scandale Norbourg, la Commission des finances publiques sur la protection des épargnants du Québec vient de reporter ses travaux pour la troisième fois.

Mise en place en décembre 2005 par le ministre Michel Audet, cette commission devait initialement tenir des audiences en mai.

Pour toutes sortes de raisons, notamment des conflits d'horaires, ces audiences ont été remises à plus tard et le dernier report nous amenait au 21 septembre.

En raison des problèmes de santé de Rosaire Bertrand, vice-président de la Commission, les audiences sont mises en veilleuse une fois de plus.

On ne peut pas en vouloir aux élus pour ce délai supplémentaire. Cela dit, peu importe la date, cette Commission doit absolument poursuivre ses travaux. Il y va de la protection des épargnants québécois.

Norbourg, Norshield, Mount Real, l'ampleur des scandales qui ont ébranlé la confiance des investisseurs québécois est la preuve par neuf qu'il y a des failles dans le système et qu'il est urgent de colmater les brèches. Comment le faire? Voilà toute la question sur laquelle se sont penchés de nombreux groupes qui étaient prêts à débattre de leur mémoire devant les membres de la Commission. Pour en avoir parcouru certains et discuté avec leurs auteurs, je peux vous assurer qu'on a pris les travaux de cette commission au sérieux. C'est ce qui ressort notamment du rapport préparé par le Conseil des fonds d'investissement du Québec, le CFIQ, une organisation qui représente les sociétés gestionnaires de fonds communs de placement et les courtiers en épargne collective qui font affaire au Québec. Pierre Hamel, le président du CFIQ, nous en a révélé les grandes lignes.

Le plus grand intérêt de ce mémoire est qu'il est le résultat d'un examen approfondi des scandales qui ont durement frappé l'industrie de l'épargne et du placement. Pendant plusieurs mois, sept experts ont décortiqué neuf cas précis. Le but était de mieux comprendre les stratagèmes mis en place pour voir si l'on pouvait en dégager des traits communs. Il en résulte une liste intéressante des principaux signes avant-coureurs, des pratiques précises décelées dans la plupart des cas étudiés. Parmi celles-ci, la concentration du pouvoir entre les mains d'une seule personne figure en tête de liste. " Trop souvent, ce one man show favorise les conflits d'intérêts ", souligne Pierre Hamel. Les investisseurs floués par Norbourg en savent quelque chose. Pour éviter de tels abus, le CFIQ recommande que soit rehaussé le rôle du fiduciaire d'un fonds. " Il faut que le rôle du fiduciaire soit confié à une société de fiducie soumise à un filet réglementaire ", précise M. Hamel.

La complexité du produit offert est un autre indice. " L'analyse des cas de scandales a permis de dégager qu'il devenait plus facile pour les dirigeants de masquer des stratagèmes malhonnêtes derrière un produit complexe et nébuleux qui offrait des rendements intéressants ", poursuit le président du CFIQ. L'organisme qu'il dirige recommande donc la création d'un répertoire des produits d'investissement collectif.

C'est là une idée très intéressante et tellement simple qu'on se demande pourquoi on n'y a pas pensé avant. Il s'agit en fait de numéroter tous les produits d'investissements en vente au Québec. " Tout comme les factures comportent le numéro de TVQ du marchand, chaque produit d'investissement devrait comporter son numéro de l'AMF- Autorité des marchés financiers- pour être légal " précise M. Hamel. Tout individu qui investirait dans un produit non répertorié s'aventurerait donc en terrain inconnu et le saurait. " Ce système de numérotation est facile à comprendre et peut constituer une bonne mesure de base à établir pour la protection de l'épargnant ", soutient le président.

Le recours à des structures faisant affaire dans des paradis fiscaux offshore devrait aussi, selon les experts du CFIQ, être le déclencheur d'un feu jaune. La suspicion devrait également être de mise pour toute information financière inadéquate, comme l'omission de déposer les états financiers vérifiés, par exemple. De telles situations devraient faire l'objet d'un suivi rigoureux de la part des responsables de l'autorité réglementaire chargée de la surveillance.

À discuter avec Pierre Hamel et à la lecture des mémoires portés à notre attention, il apparaît évident que le CFIQ et bien d'autres organismes ont à coeur l'amélioration de la protection des épargnants québécois. C'est loin d'être désintéressé, remarquez. Plusieurs des intervenants qui veulent se faire entendre devant les membres de la Commission des finances publiques vivent de cette industrie et ont tout intérêt à conserver la confiance des investisseurs. Il n'en demeure pas moins qu'ils proposent un certain nombre de solutions intéressantes, des suggestions que le gouvernement devra sérieusement considérer.

Mboisver@lapresse.ca

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