Des usines qui ferment, une inflation alarmante, la Bourse qui chute de moitié. Les ratés s'accumulent pour l'économie chinoise. Et le doute s'installe.

Des usines qui ferment, une inflation alarmante, la Bourse qui chute de moitié. Les ratés s'accumulent pour l'économie chinoise. Et le doute s'installe.

Ce n'est pas le genre de lamentations qu'on a l'habitude d'entendre en provenance de la Chine.

Pourtant, jeudi dernier, le président de la Chambre de commerce pour l'importation et l'exportation de textiles, M. Du Yuzhou, déplorait lors d'une conférence à Shanghai que la plupart des usines de textile de son pays sont déficitaires depuis le début de l'année.

Qui plus est, 30% des 10 000 usines de textile situées dans le bastion manufacturier de Changshu, près de Shanghai, auraient fermé leurs portes, ajoutait un représentant de la Changshu Shengtian Kinitting&Clothing interrogé par l'agence Bloomberg.

Des déclarations plutôt étonnantes, surtout pour des oreilles occidentales, mais qui confirment de récents soupçons: le textile chinois file un mauvais coton.

Le problème, au dire du milieu manufacturier, se situe surtout à deux niveaux: la hausse du yuan - +7% par rapport au dollar américain cette année et +16% depuis 2005 - rend les produits chinois moins compétitifs, et la spirale inflationniste - causée par la hausse des coûts de l'énergie, des matières premières et de la main d'oeuvre - gruge les marges de profit.

Autrement dit, la Chine - l'«usine du monde» - n'est plus le paradis des bas prix. En fait, il y a de plus en plus de grains de sable dans l'engrenage chinois. Ainsi, on vient d'apprendre que l'excédent commercial de la Chine a chuté de 12% au premier semestre par rapport à la même période l'an passé.

De janvier à juin, les exportations ont progressé nettement moins vite que les importations (+21,9% contre +30,6%).

Le bureau des douanes chinoises explique ce décalage par les prix des matières premières, la montée du yuan et le ralentissement américain.

Les importations chinoises ont été affectées par le prix des ressources naturelles. Le pétrole et le minerai de fer se sont envolés au premier semestre, des biens pour lesquels la Chine est largement dépendante.

Aussi le dragon chinois ralentit. Au deuxième trimestre, l'économie a crû de 10,1% (taux annuel) - sa plus faible progression en trois ans.

Rien d'alarmant, dira-t-on, la Chine demeurant l'économie ayant la plus forte croissance au sein du G-20. Mais des économistes craignent que le gouvernement abandonne sa lutte contre la surchauffe des prix. «Les autorités monétaires sont de plus en plus préoccupées par les menaces à la croissance, affirme dans une étude la Barclays Bank. L'inflation n'est pas la seule priorité.»

Souvenons-nous que le gouvernement chinois a adopté cette année des mesures pour freiner le crédit et l'arrivée massive de capitaux en Chine, qui attisent l'inflation. Mais ses efforts pourraient s'arrêter là.

La bataille n'est pourtant pas gagnée. La hausse des prix à la consommation a atteint 7,1% en juin, apprenait-on la semaine dernière.

Cela représente une baisse par rapport au mois précédent (+7,7%), mais les experts redoutent un regain de l'inflation avec la tenue des Jeux olympiques.

La Bourse chute

D'ailleurs, la flambée des prix et la baisse des profits dérangent beaucoup les investisseurs.

L'indice CSI 300, qui retrace les titres vedettes des Bourses de Shanghai et Shenzhen, a fondu de près de la moitié (-49%) depuis le début de 2008.

C'est la pire performance parmi les grandes places boursières de la planète. Après deux ans d'euphorie, les investisseurs chinois goûtent à leur tour au dégonflement d'une bulle boursière.

Pour leur part, les entreprises étrangères s'interrogent sur le miracle chinois.

Selon un récent sondage, les deux tiers des membres de la Chambre américaine de commerce en Chine pensent que le pays est en train de perdre de son attrait au profit de ses voisins, comme l'Inde et le Vietnam.

Le cas du Guangdong témoigne d'une perte de confiance. Cette province chinoise, voisine de Hong Kong, qui assure un tiers des exportations du pays, a perdu de gros locataires étrangers.

Réduction de production

Au début de 2008, le fabricant de jouets japonais Tomy a annoncé son intention de réduire sa production chinoise au profit de nouvelles usines en Thaïlande et au Vietnam.

Olympus est aussi en voie d'implanter une nouvelle usine d'appareils photo au Vietnam, qui rapatriera une partie de la production des installations de Shenzhen et Canton.

En somme, le doute s'installe. Le monde a choisi à un moment donné de faire assembler ses produits en Chine, attiré par les faibles coûts de production.

Mais l'inflation risque d'ériger une nouvelle muraille autour de l'empire du Milieu.