Est-ce les journées qui raccourcissent ou la perspective de devoir recommencer à porter des bas? Toujours est-il que la déprime rôdait la semaine dernière.

Est-ce les journées qui raccourcissent ou la perspective de devoir recommencer à porter des bas? Toujours est-il que la déprime rôdait la semaine dernière.

Au fond, l'automne n'est qu'un prétexte. C'est bien connu, la température, les changements de saison ont bon dos au Québec, quand il s'agit d'expliquer un malaise qu'on ne souhaite pas vraiment identifier. Pour tous ceux que l'économie québécoise intéresse, ce qui a assombri le paysage la semaine dernière est l'accumulation de signaux pointant tous dans la même direction: les temps sont durs et vont le rester pendant un bon bout de temps.

Le sondage annuel des manufacturiers canadiens le dit noir sur blanc. L'année 2006 a été difficile et 2007 n'augure rien de bon. La vigueur du dollar canadien, la montée des coûts de l'énergie, la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et le ralentissement au sud de la frontière font mal aux entreprises qui doivent se débattre dans un environnement de plus en plus compétitif.

Plus rien n'est acquis. Les pays émergents nous font une chaude lutte, tant au pays que sur nos marchés d'exportation traditionnels. Aux États-Unis, la part de marché des manufacturiers canadiens a reculé de 16 % au cours de la dernière année. Ce sont les exportateurs chinois qui nous causent le plus de dommages.

Au total, 36 % des manufacturiers interviewés ont vu leurs profits stagner en 2006. Pire, 23 % d'entre eux ont subi un recul par rapport à 2005. Avec des résultats pareils, il ne faut pas se surprendre qu'au chapitre des priorités, la diminution des coûts prenne le dessus sur l'investissement. Au Québec, on parle même d'un recul de 0,5 % des investissements privés par rapport à 2005.

Un sondage mené auprès de filiales de multinationales établies au Québec va dans le même sens. Le tiers des multinationales sondées jugent leurs activités québécoises menacées et 45 % d'entre elles se disent incapables de convaincre leur maison mère d'investir au Québec.

Cette situation est inquiétante, pour ne pas dire alarmante. Il faut comprendre que la croissance d'une économie repose essentiellement sur deux piliers: la démographie et la productivité. Dans les deux cas, la situation n'est pas très brillante. Côté démographie, notre population vieillit plus rapidement qu'ailleurs au pays et nous avons de la difficulté à garder nos immigrants.

Dans le cas de notre degré de productivité, il faudrait, pour l'améliorer, investir davantage tant dans les équipements que dans la formation de la main-d'oeuvre et la recherche et le développement. Difficile d'investir quand on n'en a pas les moyens.

La crise qui frappe l'industrie forestière québécoise en est le meilleur exemple. Des mesures, sous forme de prêts à l'investissement, ont été prévues dans le dernier budget Audet pour venir en aide aux entreprises. Mais les forestières sont tellement mal en point qu'elles ne se qualifient même pas pour y avoir droit. Le gouvernement Charest en est à revoir sa politique et à élaborer un plan d'urgence. Plusieurs ministres sont au chevet du patient.

Faudra-t-il attendre que l'économie du Québec soit en aussi mauvais état que l'industrie forestière pour élaborer une stratégie de développement économique digne de ce nom? Ce n'est pas avec L'Avantage québécois, le document pondu l'an passé par Claude Béchard, ministre de l'Industrie de l'époque, que l'on va aller bien loin. Cette politique ratissait tellement large qu'on était incapable d'en identifier les priorités.

L'absence de clarté de la politique économique du gouvernement québécois est d'ailleurs le plus grand irritant que les dirigeants des filiales des multinationales établies au Québec ont identifié. Avant même la syndicalisation et la rigidité du marché du travail. Même discours chez les manufacturiers et exportateurs québécois, qui se plaignent de l'absence d'une stratégie pour les aider à traverser la tourmente.

C'est bien sûr plus facile à écrire qu'à faire, mais il faut absolument trouver les moyens d'encourager les entreprises à investir. La formation de la main-d'oeuvre doit devenir une obsession. Il est par ailleurs impératif d'encourager la mobilité des travailleurs.

Pourquoi ne pas faire comme l'industrie du porc et organiser une table de concertation avec les principaux acteurs de l'économie québécoise pour chercher les moyens et les compromis nécessaires pour relancer la croissance sur de nouvelles bases.

Peu importe le moyen retenu, il est clair qu'il faut faire quelque chose. Parce que le blues de l'économie québécoise ne disparaîtra pas de lui-même et n'a rien à voir avec l'automne.

Mboisver@lapresse.ca

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