Un travailleur québécois qui gagnait 30 000 $ en 1985 en empoche aujourd'hui 52 903 $ si ses augmentations salariales, au fil des années, ont été identiques à la moyenne. En 23 ans, son salaire a donc augmenté de 76%, ce qui paraît fort impressionnant.

Un travailleur québécois qui gagnait 30 000 $ en 1985 en empoche aujourd'hui 52 903 $ si ses augmentations salariales, au fil des années, ont été identiques à la moyenne. En 23 ans, son salaire a donc augmenté de 76%, ce qui paraît fort impressionnant.

Ces chiffres, et ceux qui vont suivre, sont calculés à partir de données publiées hier par le ministère du Travail et l'Institut de la statistique du Québec.

Or, ces montants ne tiennent pas compte de l'inflation. C'est ce que les experts appellent des chiffres nominaux. Ils ne reflètent donc pas la réalité, puisque l'inflation, année après année, vient gruger les augmentations salariales. Si vous obtenez 2% d'augmentation, mais que les prix à la consommation grimpent également de 2%, votre pouvoir d'achat demeure inchangé.

En soustrayant la croissance de l'inflation de la croissance salariale nominale, on obtient un portrait fidèle de la situation. Par exemple, en 1986, les augmentations salariales moyennes au Québec ont atteint 3,7%. Cette année-la, par contre, l'indice des prix à la consommation a grimpé de 4,7%. En termes réels, le pouvoir d'achat des travailleurs, en dépit de leurs hausses salariales, a donc diminué en moyenne de 1%.

Et voici maintenant ce qui s'est passé, en termes réels, entre 1985 et 2008. Le salaire moyen, au Québec, a augmenté d'à peine un dixième de un pour cent ! Cela signifie qu'en tenant compte de la hausse des prix à la consommation, le salarié qui gagnait 30 000$ en 1985 en gagne aujourd'hui 30 033$. Autrement dit, les travailleurs québécois ont réussi à préserver leur pouvoir d'achat, ce qui est bien, mais ils ne se sont pas enrichis, ou si peu.

La nouvelle n'est pourtant pas aussi sombre qu'il n'y paraît.

Les montants que nous venons de voir sont exprimés avant impôts. Depuis 1985, Québec et Ottawa ont annoncé d'importantes baisses d'impôts, en grande partie ciblées sur les ménages à revenus faibles ou moyens. Pour les contribuables dont les revenus sont inférieurs à 50 000$, le revenu personnel disponible (l'ensemble des revenus de toutes provenances, moins les ponctions fiscales et contributions sociales de toutes sortes) a donc augmenté, ce que confirment d'autres études.

Au Québec, les baisses d'impôts étaient particulièrement axées sur les familles. Un jeune couple à revenus moyens, avec deux ou trois enfants, a donc toutes les chances d'avoir augmenté son pouvoir d'achat même si l'inflation est venue gruger ses augmentations salariales. En revanche, un cadre célibataire qui gagne 75 000$ a très probablement un pouvoir d'achat inférieur à celui de 1985.

Comme le montre clairement le tableau dans la page, la croissance salariale en termes réels est demeurée négligeable, et parfois même négative, pendant toute la période étudiée.

Au début des années 80, alors que l'inflation dépassait les 4%, les hausses salariales ne parvenaient pas à rattraper les hausses de prix. Ainsi, un salaire de 30 000$ en 1985 se situait en moyenne à 35 230$ quatre ans plus tard; mais sous l'effet de l'inflation, ce montant ne valait en réalité que 29 788$. Ainsi, malgré des hausses salariales de 17% en quatre ans, les travailleurs se sont légèrement appauvris à cette époque.

Pendant toute la période, 1994 ressort comme la meilleure année, alors que les 30 000$ de 1985 valaient en termes réels 30 650$. Mais ce chiffre est un leurre qui camoufle une mauvaise nouvelle. Cette année-là, l'économie québécoise a connu une période de déflation, c'est-à-dire que les prix, au lieu de monter, descendaient. Ainsi, les augmentations sala riales moyennes de 1994 se situaient en moyenne à 0,4%, mais comme les prix à la consommation ont reculé de 1,4% à la même époque, le pouvoir d'achat des salariés a augmenté de 1,8%.

Au premier coup d'oeil, on peut se dire que c'est bien agréable de voir les prix descendre, mais en réalité, la déflation est un véritable fléau, pire que l'inflation. En période de déflation, tout le monde (consommateurs, entreprises) reporte ses achats à plus tard en espérant que les prix vont continuer à chuter. Les stocks invendus s'accumulent . Les entreprises ferment, l'économie est paralysée.

À travers toutes ces variations, ce qu'il importe de retenir, c'est qu'en 2008, les salaires, à quelques poussières près, sont en termes réels au même niveau que 23 ans auparavant.