«Il y a des choses qui ne sont pas aussi claires que d'autres, et c'est pourquoi nous croyons que les audiences publiques seront un processus très positif qui nous permettra de clarifier les choses que les gens n'ont pas comprises.»

«Il y a des choses qui ne sont pas aussi claires que d'autres, et c'est pourquoi nous croyons que les audiences publiques seront un processus très positif qui nous permettra de clarifier les choses que les gens n'ont pas comprises.»

Ce blabla vient d'une entrevue que Michael Ptasznik, cochef de la direction par intérim du Groupe TSX, accordait au quotidien Globe&Mail à la mi-février.

Michael Ptasznik ne croyait pas si bien dire. Les audiences publiques sur le projet d'achat de la Bourse de Montréal par la Bourse de Toronto, qui ont eu lieu cette semaine, nous ont effectivement permis de clarifier des choses incomprises. Soit que certaines des fameuses «garanties québécoises» vantées par Luc Bertrand, président de la Bourse de Montréal, ne semblent pas tenir à grand-chose.

Aussi, loin d'être «positives», ces audiences ont plutôt semé de gros doutes dans l'esprit de ceux qui pensaient que cette transaction était somme toute intéressante. Moi la première.

Les dirigeants des deux Bourses nous ont en effet réservé plusieurs surprises lors de leurs témoignages, surprises qui font monter la moutarde au nez.

Depuis l'annonce de cette transaction, le 10 décembre, Luc Bertrand répète à qui veut l'entendre que la Bourse de Montréal aura l'exclusivité au Canada pour la négociation et le développement des produits dérivés. C'est aussi inscrit noir sur blanc dans la circulaire qui détaille la transaction.

Luc Bertrand avait même affirmé, lors d'une entrevue téléphonique accordée au moment de l'annonce, que Montréal mettait le grappin sur le Natural Gas Exchange (NGX), une Bourse spécialisée en transactions énergétiques établie à Calgary.

Il nous demandait de ne pas trop l'ébruiter puisque la haute direction de NGX n'en était pas encore informée!

Or, lors des audiences de cette semaine, Michael Ptasznik a affirmé que certains produits dérivés pouvaient être lancés ailleurs qu'à Montréal, notamment à Calgary. Luc Bertrand a de son côté affirmé qu'il fallait reconnaître que "cette expertise là n'est pas à Toronto, n'est pas à Vancouver, n'est pas à Montréal: elle est à Calgary".

Cette affirmation est pour le moins curieuse quand l'on sait que Montréal comptait se lancer dans les produits dérivés liés à l'énergie et se mordait les doigts d'avoir laissé la Bourse de Toronto acquérir NGX.

Comme l'a souligné Alban D'Amours, président sortant du Mouvement Desjardins, l'expertise albertaine peut très bien s'associer à celle qui se trouve déjà à Montréal. Pourquoi laisser le développement en Alberta?

Mais l'élément qui fait le plus sursauter, c'est la possibilité que la Bourse BOX, une Bourse d'options sur actions affiliée à la Bourse de Boston, se rapporte directement à Toronto plutôt qu'à Montréal.

Or, c'est la Bourse de Montréal qui a fait de BOX ce qu'elle est aujourd'hui. Et c'est la Bourse de Montréal qui contrôle BOX avec une participation de plus de 53%.

«Si on contraint trop la structure, bien à ce moment-là, cela peut nous nuire au niveau concurrentiel», a justifié Luc Bertrand dans un point de presse en marge des audiences, mercredi.

La circulaire de la transaction stipule bien que l'exclusivité de la Bourse de Montréal tient uniquement au Canada. Mais lorsque cette question avait été évoquée lors d'une rencontre éditoriale à La Presse, à la mi-janvier, Luc Bertrand avait assuré que Montréal conservait la main haute sur BOX et sur le développement des produits dérivés à l'étranger.

Bref, ces audiences nous laissent avec la très désagréable impression que Luc Bertrand parle des deux côtés de la bouche. Et que nous avons été bernés.

Ces consultations ne font que renforcer l'urgence de resserrer le texte de l'entente qui est intervenue entre la Bourse de Toronto et la Bourse de Montréal. Il faut colmater les brèches.

Si c'est vrai que Montréal est seule responsable du développement des produits dérivés, et bien les promoteurs de cette transaction ne devraient pas avoir de problème à le coucher par écrit.

Et si la Bourse de Toronto devait se saisir de ce prétexte pour annuler la transaction, so be it! comme on dit sur Bay Street. Ce sera à elle de porter l'odieux de cet échec.

En ce sens, Jacques Parizeau a tout à fait raison de noter que les intérêts du Québec ne coïncident pas avec les intérêts personnels de la haute direction de la Bourse de Montréal, qui touchera le pactole une fois la transaction entérinée.

Certains, et non les moindres, affirment que ce n'est pas à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de poser des conditions à cette transaction au nom du développement économique du Québec.

C'est ce que croit Marcel Côté, associé fondateur de Secor Conseil, qui s'exprimait toutefois en son nom personnel.

«L'AMF n'est pas une agence de développement économique», a-t-il écrit dans son mémoire. Selon lui, le rôle de l'AMF se limite à la protection des intérêts des actionnaires de la Bourse et à l'encadrement des marchés.

La loi constitutive de l'AMF indique toutefois assez clairement que l'Autorité doit s'en soucier. En effet, l'AMF doit «assurer la mise en place d'un cadre réglementaire efficace favorisant le développement du secteur financier».

Elle en a aussi fait l'un de ses six principes directeurs dans l'examen de cette transaction.

Ainsi, l'AMF doit «s'assurer que la Bourse de Montréal aura toutes les ressources (...) afin de poursuive sa croissance, son développement et le rayonnement du groupe dans les (...) produits dérivés à l'échelle nord-américaine et internationale».

Dans la décision qu'il devrait rendre d'ici deux semaines, le PDG de l'AMF, Jean St-Gelais, doit tenir son bout. Après tout, la Bourse de Montréal ne se vendra qu'une fois.