Le ministre Claude Béchard a certainement voulu se rendre populaire, la semaine dernière, en voulant obliger les détaillants d'essence à informer la Régie de l'énergie lors de chaque changement de prix.

Le ministre Claude Béchard a certainement voulu se rendre populaire, la semaine dernière, en voulant obliger les détaillants d'essence à informer la Régie de l'énergie lors de chaque changement de prix.

Par les temps qui courent, tout le monde aime haïr les pétrolières, et le ministre l'a facilement compris.

Le relevé le plus récent (décembre 2006) montre que le Québec compte 3854 détaillants d'essence. Les prix à la pompe varient constamment; on peut même voir, à l'occasion, deux ou trois changements la même journée.

Soyons prudents, et tenons pour acquis qu'il y a en moyenne quatre ou cinq changements par semaine. Cela veut dire que la Régie devra s'équiper pour recueillir, traiter, interpréter et entreposer plus de 900 000 nouvelles données par année.

Bonjour la bureaucratie, dans l'administration publique qui détient déjà le record de la sur-bureaucratisation en Amérique du Nord!

Le pire, c'est que cette mesure ne changera rien. Aucun gouvernement, même pas ceux de grandes puissances comme le Japon, l'Allemagne ou les États-Unis, même pas ceux de grands pays exportateurs comme l'Arabie Saoudite, le Venezuela ou l'Iran, aucun, donc, ne peut contrôler les prix.

La recette a déjà été essayée, elle ne marche pas. Les prix montent parce que la demande augmente, c'est aussi simple que cela. Remplacez vos VUS par des Smart, ou mieux, utilisez les transports en commun, et vous verrez les prix baisser.

Les automobilistes québécois, par ailleurs, peuvent se compter chanceux, en grande partie parce que la force du dollar canadien contribue à atténuer la hausse des prix du brut.

Lundi, le baril de brut valait 97 $ US, contre 60 $ US il y a un an. La hausse est de 62%. Pendant ce temps, le prix à la pompe, à Montréal, est passé de 96 cents à 1,10$ (lundi matin), une hausse de 15%.

Le monitoring des prix suggéré par M. Béchard servira, dans la meilleure des hypothèses, à informer les clients des changements, comme s'ils n'étaient pas assez grands pour les constater eux-mêmes.

Heureusement, il semble bien que ni l'ADQ ni le PQ ne suivront le ministre sur ce terrain, et que son projet aussi inutile que coûteux soit défait en Chambre.

La ministre Line Beauchamp a certainement voulu se rendre populaire, la semaine dernière, en bloquant le projet d'un promoteur immobilier qui veut construire 2500 unités de condos dans l'île Charron, sur un bout de terrain situé près du pont-tunnel LaFontaine.

Effectivement, la ministre a été félicitée par les groupes écologistes; après tout, le terrain est situé juste à côté du Parc des Îles-de-Boucherville, un milieu naturel exceptionnel juste aux portes de Montréal.

Pourtant, il est loin d'être certain que c'est la bonne décision. Cela fait plus de 30 ans que la banlieue montréalaise s'étale dans toutes les directions, au détriment des meilleures terres agricoles, des rares étendues boisées qui survivent encore, et des milieux humides de la plaine de Montréal.

Dans ces conditions, il semblerait tout indiqué que les administrations publiques devraient favoriser le développement résidentiel de haute densité, le plus près possible de Montréal.

Le projet de l'île Charron, collé sur le pont-tunnel, n'empiétait aucunement sur le parc des Îles, d'autant plus, comme l'a souligné le biologiste Michel Labrecque dans les pages Forum de La Presse, que la valeur écologique du terrain est discutable.

Mais il a fallu qu'un quarteron d'écolos s'agite un tant soit peu pour faire reculer la ministre. Ces écolos pourraient peut-être nous dire où il faut construire ces 2500 unités de logement.

Mascouche? Deux-Montagnes? Verchères? Toutes des localités qui seront probablement trop heureuses de céder des bonnes terres aux promoteurs. Brillant!

Le ministre Raymond Bachand a certainement voulu se rendre populaire, la semaine dernière, en annonçant un plan d'action de 600 millions (dont beaucoup d'argent recyclé) pour venir en aide aux entreprises manufacturières durement touchées par la hausse du huard et la concurrence chinoise.

Vrai, le Québec a perdu des dizaines d'emplois manufacturiers, et l'hémorragie est loin d'être terminée. En revanche, on oublie souvent de le dire, les emplois perdus dans le secteur manufacturier sont amplement compensés par la création d'emplois dans les services.

Au bout de compte, le taux de chômage québécois est à son plus bas niveau en 30 ans.

Alors, pourquoi engloutir des centaines de millions dans l'espoir de concurrencer les Chinois quand on sait qu'on n'arrivera jamais à les battre sur leur propre terrain?

D'ailleurs, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) ne s'y est pas trompée: «Plutôt qu'un ensemble de mesures disparates», a déclaré la FCEI, «les entreprises manufacturières québécoises auraient souhaité l'élimination de la taxe sur le capital».

Tous les experts s'entendent pour dire que la taxe sur le capital, exigible même quand l'entreprise perd de l'argent, est une des formes les plus contre-productives de taxation.

Il serait évidemment facile d'accuser les trois ministres de régler les dossiers à courte vue, de manquer de leadership, de céder aux lobbies. Attention.

Si M. Béchard était resté impassible devant la hausse des prix à la pompe, si Mme Beauchamp ne s'était pas opposée au projet de l'île Charron, si M. Bachand ne s'était pas précipité au secours des PME manufacturières, il n'aurait pas manqué de lobbies pour les clouer au pilori.

Ils ont tous les trois choisi la moins pire des voies. Ainsi en est-il dans une société qui a permis à quelques braillards d'occuper tout l'espace.