C'est la question qui brûle toutes les lèvres. C'est d'ailleurs la première qui a été posée aux dirigeants de Bombardier Aéronautique, lors de la téléconférence pour discuter des résultats financiers -par ailleurs épatants- du deuxième trimestre. Qu'est-ce qui passe avec la CSeries? Les commandes fermes, c'est pour bientôt?

C'est la question qui brûle toutes les lèvres. C'est d'ailleurs la première qui a été posée aux dirigeants de Bombardier Aéronautique, lors de la téléconférence pour discuter des résultats financiers -par ailleurs épatants- du deuxième trimestre. Qu'est-ce qui passe avec la CSeries? Les commandes fermes, c'est pour bientôt?

Mais lorsque les analystes financiers et les journalistes ont coupé la communication, une heure et demie plus tard, ils n'avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent, sinon que du vent aussi recyclé que de l'air climatisé.

«Il y a toujours un intérêt soutenu pour la CSeries, a expliqué Guy Hachey, président et chef de l'exploitation de Bombardier Aéronautique. Nous finalisons les détails avec Lufthansa (client de départ présumé de la CSeries) et nous sommes confiants d'en arriver à une entente cette année. Nous espérons aussi dévoiler de bonnes nouvelles avant la fin de 2008 concernant plusieurs autres clients.»

Au flou s'est ajoutée une certaine confusion, lorsqu'un analyste a rapporté les propos de dirigeants de Lufthansa, selon lesquels ce transporteur allemand ne prendra pas possession des premiers avions de la CSeries qui sortiront de l'usine de Mirabel. Lufthansa est-il en train de se défiler ou est-ce que d'autres clients le précéderont?

«Il y a des clients qui sont impatients de prendre possession du premier avion», a expliqué Guy Hachey.

Ah bon. Mais, où sont-ils au juste? La confiance exprimée par les dirigeants de Bombardier contraste fortement avec les seules informations connues. Le conseil d'administration a donné le feu vert en juillet au lancement d'une nouvelle famille d'avion de 110 et de 130 passagers.

Deux mois plus tard, il n'y a toujours qu'un seul client pressenti, et encore celui-ci ne s'est-il pas véritablement commis. Lufthansa a seulement signé une lettre d'intention pour acheter 30 appareils et en réserver 30 autres, ce que l'analyste américain Richard Aboulafia compare à une "lettre d'intention pour aller luncher" !

Il semble inconcevable que Bombardier (ses dirigeants, son conseil d'administration) ait pu faire preuve de légèreté avec un projet nécessitant un investissement de 3,3 milliards US. Mais, en même temps, les commandes pour la CSeries se font attendre avec de plus en plus d'anxiété, notamment à Montréal, lieu d'assemblage final de ces avions.

En effet, la bonne performance de Bombardier Aéronautique (revenus en hausse de 13,8%, bénéfice d'exploitation en hausse de 45%) dissimule les succès inégaux des gammes d'appareils de l'avionneur.

Ces jours-ci, ce sont les jets d'affaires et les avions turbopropulsés de la série Q (moins gourmands en carburant) qui se vendent comme des petits pains chauds. Pendant ce temps, les commandes pour les jets régionaux se font beaucoup plus rares.

Montréal profite en partie du boom en aviation d'affaires. C'est ici que sont assemblés les Challenger 605 et 300, tandis que des travailleurs montréalais mettent la touche finale au Global Express. Mais la métropole ne profite pas de l'engouement pour les turbopropulsés. C'est Toronto qui tourne à plein régime pour livrer des Q400 -elle peine d'ailleurs un peu à y arriver.

Montréal est le berceau des jets régionaux. Or, ces jets sont les victimes collatérales de la crise chez les transporteurs aériens, surtout nord-américains, qui souffrent de l'explosion des coûts du carburant et du ralentissement de l'économie. Ainsi, les pertes des sociétés aériennes s'élèveront à 5,2 milliards US en 2008, selon les dernières prévisions de l'Association du transport aérien international (IATA). C'est une fois et demie les pertes que l'IATA anticipait il y a seulement quatre mois.

«Nos clients travaillent à l'interne, à revoir leurs façons de faire, et ils n'ont pas la tête à commander des avions», a dit Guy Hachey. C'est un euphémisme.

Or, tandis que les commandes se raréfient, Bombardier maintient sa décision de relever sa cadence de production, à un avion aux trois jours; avant, c'était un aux quatre jours. Guy Hachey prévoit que les commandes se replaceront.

«Les choses reviendront à la normale au troisième et au quatrième trimestre», prévoit Guy Hachey. Il le faudra puisque, à ce rythme, le carnet se dégarnira.

Pour les jets régionaux comme pour les avions de la CSeries, Bombardier vit d'espoir. Et Montréal avec.