Sacré Mario Dumont! Encore une fois, il a fait montre d'un opportunisme assez peu subtil.

Sacré Mario Dumont! Encore une fois, il a fait montre d'un opportunisme assez peu subtil.

Au mépris de ses propres croyances, il réclame une intervention plus musclée de l'État pour protéger les «fleurons» de l'économie québécoise d'une mainmise étrangère.

Le chef de l'ADQ avance qu'il est possible de sauvegarder la propriété québécoise des entreprises sans tomber dans «l'interventionnisme à l'extrême».

Et pourtant, le sauvetage d'entreprises aussi imposantes que BCE et Alcan n'autorise pas de demi-mesure. Même si la Caisse de dépôt et placement du Québec n'agissait pas seule et s'entourait de partenaires, elle aurait pris un risque financier considérable, voire démesuré.

Et si ces fameux partenaires étaient originaires du Québec, le risque se serait concentré dans la province comme dans les petites bouteilles de détergents à lessive. Bonjour la catastrophe nationale en cas de déconfiture.

Mario Dumont a plutôt flairé qu'il serait politiquement rentable d'exploiter l'insécurité des salariés de Bell Canada et d'Alcan, qui craignent pour leur avenir sous un nouveau proprio. Cette inquiétude est bien légitime.

Elle trouve d'ailleurs un écho chez tous ceux qui se préoccupent de l'avenir de Montréal. Pour répéter une évidence, le siège social d'Alcan est irremplaçable.

Mais de là à réclamer une Caisse de dépôt plus interventionniste, il y a un pas que le Québec doit bien se garder de franchir.

Faut-il rappeler le flop Vidéotron? La Caisse a englouti des milliards dans ce «sauvetage»; les radiations subséquentes ont totalisé 2,5 milliards, même si plusieurs jugent que les comptables de la Caisse ont pesé fort sur le crayon.

Et pourquoi? Pour s'assurer que le câblodistributeur dirigé par la famille Chagnon soit vendu à Quebecor plutôt qu'au groupe torontois Rogers Communications.

Quebecor a-t-elle moins sabré dans le siège social de Vidéotron que Rogers ne l'aurait fait? Pas si sûr.

Faut-il rappeler les flops de Provigo et de Steinberg? C'est en voulant jouer les épiciers que la Caisse a commis ses plus belles gaffes, dans les années 80 et 90.

Les gestionnaires désignés par la Caisse, Pierre Lortie et Michel Gaucher, inexpérimentés dans le commerce du détail, ont ruiné ces deux chaînes de supermarchés.

Bref, comme le veut le dicton, l'enfer est pavé des meilleures intentions.

Cela ne veut pas dire que les pouvoirs publics doivent rester totalement impassibles devant la vague de fusions et d'acquisitions qui déferle actuellement au pays.

Les dernières données sont particulièrement préoccupantes. Alors que le Canada avait l'habitude d'acheter des entreprises étrangères d'une valeur qui surpassait celle des entreprises canadiennes vendues, le pays se trouve en déficit depuis 2005. Pis, l'écart se creuse de plus en plus.

Ainsi, au cours des huit premiers mois de 2007, les sociétés étrangères ont acquis pour 90 milliards d'entreprises au Canada. C'est près de 29 milliards de plus que les emplettes canadiennes à l'étranger, indiquent les résultats préliminaires d'une étude actuellement menée par la firme Secor.

Peut-être s'agit-il d'un sommet. La vigueur du dollar canadien, qui vient d'atteindre la parité avec le dollar américain, devrait favoriser les achats d'entreprises au sud de la frontière.

Les fonds d'investissements privés américains qui finançaient leurs rachats d'entreprises au moyen d'emprunts à des taux d'intérêt très bas vont aussi perdre de l'appétit avec le resserrement des conditions de crédit.

Il n'empêche que le Canada doit s'assurer que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Ce qui n'est pas le cas actuellement.

Dans un énoncé de politique très attendu, le nouveau ministre fédéral de l'Industrie, Jim Prentice, a indiqué mardi que le gouvernement se doterait de nouveaux critères pour examiner les acquisitions d'entreprises canadiennes par des intérêts étrangers.

Ainsi, les conservateurs espèrent faire adopter dès cet automne un nouveau «test de protection de la sécurité nationale».

Ce test vise à empêcher des pays étrangers de ravir des technologies ou des ressources clefs du Canada au moyen d'acquisitions réalisées par des sociétés d'État opaques qui n'obéissent pas aux lois du marché.

Si le ministre Prentice n'a identifié aucun pays, il est sous-entendu que le gouvernement conservateur pense à la Chine ainsi qu'à certains régimes pétroliers du Moyen-Orient.

En revanche, le ministre Prentice ne compte pas faire de la réciprocité une condition pour l'approbation de la vente d'une entreprise canadienne.

Aux yeux des conservateurs, ce serait faire preuve de protectionnisme. Le gouvernement privilégie plutôt les négociations commerciales pour s'assurer que toutes les entreprises se trouvent sur un pied d'égalité.

Pourtant, la réciprocité est de première importance, comme l'a démontré cet été le feuilleton Alcan. En effet, si l'entreprise montréalaise avait voulu riposter à l'offre publique d'achat (OPA) hostile d'Alcoa par une contre-attaque de même nature, elle n'aurait pas pu le faire.

Le producteur américain, domicilié à Pittsburgh, est protégé par le bouclier anti-OPA de l'État de la Pennsylvanie.

Ces mesures protectionnistes ne datent pas d'hier. Cet État américain les a adoptées au cours des années 80, à la suite d'une vague de fusions et d'acquisitions qui avait mené à des licenciements sauvages.

Or, aucune des rondes de négociations sur le libre-échange en Amérique du Nord n'a réussi à faire disparaître ces barrières protectionnistes.

Par un libéralisme dogmatique, il ne faudrait pas que le Canada tente de devenir plus catholique que le pape.