Mario Dumont a reproché la semaine dernière à la Caisse de dépôt et de placement de n'avoir rien fait pour protéger, en partie du moins, la propriété québécoise de Bell Canada et d'Alcan, lesquelles viennent de tomber entre les mains de sociétés «étrangères».

Mario Dumont a reproché la semaine dernière à la Caisse de dépôt et de placement de n'avoir rien fait pour protéger, en partie du moins, la propriété québécoise de Bell Canada et d'Alcan, lesquelles viennent de tomber entre les mains de sociétés «étrangères».

Prenant la défense de la non intervention de la Caisse dans les dossiers de Bell et d'Alcan, le premier ministre Jean Charest y est allé d'une charge à fond de train en accusant le chef adéquiste de vouloir jouer au «Monopoly» avec l'argent de la Caisse.

Et pour étoffer son accusation, il a rappelé à Mario Dumont qu'au début des années 2000, le PQ avait joué avec le mandat de la Caisse avec, dit-il, des résultats désastreux.

M. Charest faisait ici allusion à l'investissement de 3,2 milliards $ de la Caisse dans la création, de concert avec la famille Péladeau, de Quebecor Média, laquelle société regroupe Vidéotron, TVA, le Journal de Montréal, Sun TV, Canoë, etc.

À la suite du dégonflement de la bulle Internet, la Caisse avait, en date du 31 décembre 2002, dévalué cet énorme placement à seulement 435 M$.

Depuis ce moment-là, on laisse entendre que le placement de la Caisse dans Quebecor Média fut un véritable flop, la Caisse y ayant englouti des pertes de 2,5 milliards.

Il est vrai qu'au 31 décembre 2002, la Caisse avait, par suite d'une solide radiation d'actif, diminué la valeur comptable de son placement dans Quebecor Média à seulement 435 millions de dollars.

Mais en date du 31 décembre dernier, la Caisse donnait à son investissement dans Quebecor Média une valeur comptable d'un peu plus de 1,6 milliard de dollars, soit presque quatre fois supérieure à celle de décembre 2002.

Comme Quebecor Média enregistre d'une année à l'autre une belle croissance de ses revenus et de ses bénéfices, la valeur du placement de la Caisse dans Quebecor Média devrait continuer de croître au fil des années.

Lors d'une récente étude sur le titre de Quebecor, réalisée par le service de recherche de la Financière Banque Nationale, les analystes Adam Shine et Greg MacDonald prévoyaient que la valeur «boursière» de Quebecor Média devrait atteindre l'an prochain près de 6,2 milliards.

Comme la Caisse détient 45,3% de Quebecor Média, cela donnerait à son placement dans Quebecor Média une valeur boursière de quelque 2,8 milliards.

Cette valeur boursière est certes encore au-dessous de l'investissement initial de la Caisse dans Quebecor Média...

Toutefois, non seulement la Caisse est-elle en train de récupérer le montant initial de son investissement mais en plus, si Quebecor Média continue sur sa belle lancée de croissance, la Caisse pourrait même y réaliser un coup d'argent un de ces beaux jours!

Bien sûr, la création de Quebecor Média a, initialement, coûté trop cher à la Caisse. Mais à la décharge de l'ancienne direction de la Caisse, cet investissement a été effectué en pleine bulle de la haute technologie, des communications et de l'Internet.

Tous les placements effectués à l'époque dans les entreprises de ce secteur se sont par la suite dégonflés dramatiquement. Toutes les caisses de retraite, les fonds de placement et les gros investisseurs institutionnels du monde entier ont épongé de lourdes pertes avec ces placements.

Étonnamment, Quebecor Média est l'une des rares créatures de la bulle de la haute technologie qui est en train de récupérer sa pleine valeur!

Évidemment, ce n'est pas là une raison en soi pour demander à la Caisse de dépôt d'acquérir toutes les entreprises québécoises menacées de passer un jour entre les mains d'intérêts étrangers.

Pas une obligation

Cependant, j'aimerais rappeler au premier ministre Jean Charest qu'investir dans les multinationales québécoises peut être en soi un aussi bon placement pour la Caisse que ses nombreux placements dans les multinationales étrangères.

Et la Caisse n'est pas obligée d'acquérir d'immenses blocs d'actions pour faire sentir sa présence et ainsi assurer une certaine protection des intérêts du Québec.

Cela dit, le principal acquéreur de Bell Canada, c'est Teachers, le régime de retraite des enseignants de l'Ontario. Teachers n'a pas la réputation de jouer au «Monopoly» avec ses placements.

Si Teachers a décidé d'investir massivement dans Bell Canada, c'est parce que cette entreprise québécoise représente aux yeux de ses dirigeants un solide placement.

Au cours des 11 dernières années, les gestionnaires de portefeuilles de Teachers ont battu ceux de la Caisse de dépôt et de placement à neuf reprises.