Les banques japonaises traversent une tempête sans précédent. Libérées de leurs créances douteuses accumulées durant les années 80, elles résistent mieux, cependant, que les autres banques. Une leçon pour Wall Street.

Les banques japonaises traversent une tempête sans précédent. Libérées de leurs créances douteuses accumulées durant les années 80, elles résistent mieux, cependant, que les autres banques. Une leçon pour Wall Street.

Les visiteurs qui se rendent au Japon maugréent parfois contre les banques nippones.

La principale doléance: il est difficile de retirer de l'argent de certains guichets automatiques ou de régler une addition avec sa carte bancaire.

Ces problèmes, disent les analystes, sont emblématiques d'un système financier qui n'a pas suivi les tendances de l'industrie mondiale.

Mais les «archaïques» banques japonaises ne semblent pas à ce point ridicules aujourd'hui.

Le retour

Alors qu'une crise financière sans précédent secoue le monde, les banques japonaises ont mieux résisté jusqu'ici à la tempête. Leurs titres ont moins baissé en Bourse et leurs finances demeurent solides.

Libérées du fardeau de leurs créances douteuses accumulées dans les années 80 et 90, voici qu'elles tirent même profit de la crise américaine.

La faillite du crédit américain a déjà fait trois gagnants: Mitsubishi UFJ (MUFG), Sumitomo Mitsui et Nomura. En un coup de sabre, le premier établissement bancaire nippon, le géant Mitsubishi UFJ (une des plus grosses banques du monde, derrière l'américain Citigroup) vient d'acquérir 21% du capital de Morgan Stanley, seconde banque d'investissement américaine, pour 9 milliards US.

Quant au conglomérat Sumitomo Mitsui Financial, il a injecté des milliards de dollars dans la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, très affaiblie.

Un autre gagnant, la banque d'affaires Nomura Holdings, symbole de la finance nippone, a racheté les activités asiatiques, européennes et de la région du Golfe de Lehman Brothers.

Les leçons

Le Japon se remet à peine d'une crise qui comporte des similitudes avec la situation actuelle de la finance américaine et européenne.

En 1990, après avoir atteint des sommets, les prix de l'immobilier et des actions ont chuté, précipitant les banques nippones vers la faillite. Encouragées par une politique monétaire accommodante, celles-ci avaient prêté abondamment à des débiteurs qui, soudainement, ont vu fondre leurs avoirs. Comme c'est le cas depuis un an aux États-Unis, les défauts de paiement se sont multipliés. À partir de 1991, le Japon s'est enfoncé dans la récession et la déflation.

En 1996, Tokyo a créé une «banque poubelle» afin de gérer les actifs des institutions financières en difficulté. Sans grand succès. En 1998, l'État a averti les 18 plus grandes banques japonaises qu'elles étaient sous-capitalisées.

Tokyo en est venu à nationaliser de force les établissements les plus mal en point, comme la Long Term Credit Bank of Japan et la Nippon Credit Bank. En 2001, les banques n'arrivant pas à se débarrasser de leurs mauvaises créances et l'économie tardant à redémarrer, le gouvernement a donné cinq ans aux banques pour éliminer ces créances totalisant alors 1200 milliards CAN, soit 22% de l'ensemble des crédits.

Finalement, en 2002, 12 ans après le début de la crise, le gouvernement a annoncé la création d'une institution financière qui a racheté les mauvais crédits des banques, ce qui leur a permis d'assainir leur bilan. Parallèlement, les banques nippones se sont restructurées, ont réduit leurs effectifs et ont continué à limiter le crédit aux entreprises.

Les banques sont sorties du rouge en 2006, les six principaux établissements ayant dégagé des profits en hausse de 330%.

Le banking prudent

Outre ce remue-ménage douloureux, les banques japonaises ont aussi modifié leurs façons de faire.

Auparavant, elles prêtaient de l'argent en contrepartie de garanties sur l'actif de l'emprunteur, comme nos banques le font souvent. Maintenant, les banques nippones analysent le «cash flow» - les fonds générés du client - avant de consentir un prêt important.

Le résultat est probant. En trois ans, les encours de crédits douteux ont été réduits de moitié et 70% des fonds publics ont été remboursés, selon l'agence Bloomberg.

Devenues ultra prudentes, les banques de l'Archipel ont peu investi, donc peu perdu, dans le subprime américain. «Je suis fier que le Japon n'ait pas participé à ces jeux d'argent», se targuait la semaine dernière le nouveau premier ministre japonais, Taro Aso. Beaucoup de chefs d'État aimeraient pavoiser ainsi.

La crise financière américaine/européenne et la crise japonaise ont donc en commun leur point de départ: l'immobilier.

À la différence que les autorités occidentales ont été plus promptes à réagir à la crise. «La réaction du gouvernement (américain) est bien plus rapide que celle du gouvernement japonais», affirmait la semaine dernière à l'agence AFP Masatoshi Moriyama, analyste chez MUFG.

Voilà au moins une bonne nouvelle dans cette grisaille. Espérons que la période de convalescence des banques occidentales sera aussi moins longue.