Exode de capitaux, violente chute de la Bourse... les investisseurs viennent de servir une sévère réprimande au gouvernement russe après son offensive militaire en Géorgie. Les pays émergents peuvent en témoigner au Kremlin: on ne joue pas avec le feu sur les marchés financiers, ces temps-ci.

Exode de capitaux, violente chute de la Bourse... les investisseurs viennent de servir une sévère réprimande au gouvernement russe après son offensive militaire en Géorgie. Les pays émergents peuvent en témoigner au Kremlin: on ne joue pas avec le feu sur les marchés financiers, ces temps-ci.

Adieu l'euphorie. La fructueuse Bourse russe, dont la poussée, l'hiver dernier, témoignait d'une économie en plein essor, est tombée brutalement la semaine dernière.

Les principaux indices boursiers, le RTS et le Micex, ont perdu, en l'espace de trois petites séances, tous les gains accumulés en deux ans. Un plongeon d'environ 15% en trois jours - la semaine "des trois coups de massue", au dire d'un analyste russe cité par l'agence AFP.

Depuis son record historique de mai dernier, la Bourse russe a chuté de 40%!

La chute des prix du pétrole, qui a aussi ébranlé la Bourse canadienne, a évidemment contribué à cette débâcle. La Russie, faut-il le rappeler, est très dépendante des hydrocarbures, qui représentent un bon tiers de son PIB et la moitié de ses exportations.

Outre la glissade de l'or noir, l'économie russe fait aussi face à une vive inflation et au ralentissement mondial.

Or, le repli boursier russe a débuté avant que le pétrole ne flirte avec les 100$US le baril, la semaine dernière.

L'offensive militaire en Géorgie au tout début des Jeux olympiques de Pékin, le 7 août, a eu l'effet d'une bombe dans les milieux financiers. Depuis l'entrée des chars russes en territoire géorgien, on assiste à un exode des capitaux étrangers de la Russie, ce qui n'est pas sans rappeler la crise des devises de 1998.

24 milliards US s'envolent

Selon le Financial Times et certains courtiers, les sorties de capitaux de la Russie ont atteint de 20 à 24 milliards US depuis environ un mois, quoique le Kremlin parle plutôt d'un retrait de 4,6 milliards. Une chose est certaine, la banque centrale russe a dû allonger des milliards de dollars la semaine dernière pour soutenir le rouble, qui est en forte baisse.

La Russie a gagné son pari au plan géopolitique, la Géorgie ayant été amputée d'une bonne partie de son territoire depuis un accord conclu lundi dernier. Mais ce coup de force a fait peur aux investisseurs, qui, pour se rassurer, exigent maintenant des rendements plus élevés sur la dette russe.

Outre la chute boursière, le coût du crédit est donc en forte hausse et menace le secteur immobilier. Une grosse tuile pour l'économie russe, qui était promise à une croissance de 8% cette année, selon les experts.

Le jugement des marchés a donc été cinglant. Le Kremlin n'aurait pu choisir pire moment pour jouer les va-t-en-guerre. Avec la récession qui menace l'Occident, la peur du risque est devenue une obsession mondiale. Et les investisseurs préfèrent, dès lors, sortir leurs capitaux des marchés trop incertains, surtout de la belliqueuse Russie.

Les pays émergents y passent

L'aversion au risque est d'ailleurs ce qui pousse les investisseurs à tourner le dos aux pays émergents, naguère les enfants chéris des spéculateurs et dont les problèmes s'accumulent au plan économique.

Ainsi, les sorties nettes d'argent (les ventes moins les achats) des fonds d'actions et d'obligations des pays émergents ont atteint les 30 milliards US depuis trois mois, un sommet depuis 1995, évalue la firme EPFR Global.

Le mouvement semble aussi s'accélérer. Dans la seule journée de lundi dernier, les sorties nettes de ces fonds ont atteint 1 milliards US, s'ajoutant à des ventes nettes de 1,6 milliards US enregistrées la semaine précédente.

Nick Chamie, spécialiste des marchés émergents aux Marchés des capitaux RBC, n'est pas surpris.

"Les investisseurs ont finalement pris conscience de la sévérité du ralentissement (économique) mondial, alors ils vont naturellement liquider ces titres."

En fait, ça ressemble à une vente de feu. L'indice MSCI des marchés émergents a plongé de 24% en trois mois. Certains replis enregistrés depuis le début 2008 traduisent l'état d'esprit actuel: la Bourse d'Ukraine: -59%; celles du Pakistan: -47%; le Vietnam: -46%. Même la Chine y passe, avec un plongeon de 49%.

Les marchés financiers sont à bout de nerfs. Toutes les raisons sont bonnes pour fuir les zones à risque. Certes, la Russie fera encore beaucoup d'argent avec ses exportations de brut et de gaz naturel. Mais le Kremlin aurait dû le savoir: on n'éteint pas un feu avec du pétrole.