Cher Léo, tu me dis que ton père est intraitable, abuse de son autorité et ne se comporte pas en «bon père de famille» en refusant de reconsidérer sa décision d'augmenter graduellement de 80% ta contribution aux dépenses d'essence de l'auto familiale.

Avant d'intercéder en ta faveur, selon une vieille habitude, je suis allé aux informations.

J'ai compris que tu utilises l'auto familiale allégrement depuis que tu as ton permis de conduire et que, comme qu'entendu, tu payes de ta poche environ 15% du coût de l'essence que tu dépenses. Par une complaisance que je déplore, ton père a accepté de geler ta contribution qui est restée la même depuis des années, malgré le fait qu'entretemps, le prix de l'essence a doublé. Comme le budget familial, ainsi que tu le sais, est très serré, ton père, pour compenser son déboursé additionnel, a dû réduire l'allocation de dépenses de tes deux jeunes frères.

Il y a plusieurs mois, ton père t'a avisé qu'il se devait de corriger la situation et qu'en conséquence, à compter de l'an prochain, ta contribution serait graduellement augmentée de 75%.

Tu as d'abord refusé l'invitation d'en discuter et, à l'approche de la mise en vigueur de l'ajustement, tu as fait une colère noire, réclamant le gel absolu de ta contribution et même, la gratuité complète. Tu l'as fait avec une éloquence et une détermination remarquables, ce dont je te félicite. Tu as même proposé de revoir le budget familial pour réduire ou, si possible, effacer totalement l'augmentation décidée. Malgré l'énormité de ta suggestion, ton père a montré une étonnante ouverture.

Ton entêtement a porté ses fruits et, pour acheter la paix, ton père, sans doute influencé par l'intervention efficace et discrète de ta mère, a accepté d'étaler la hausse sur une plus longue période et même d'augmenter ton allocation personnelle de sorte qu'en fait, à tout prendre, tu t'en trouves mieux qu'avant. Malgré ces concessions, tu persistes dans ton entêtement et refuses la main tendue, réclamant avec plus d'insistance le gel absolu.

Ton père, déçu, a temporisé, espérant que tu serais finalement plus conciliant. Finalement, il a dû se résoudre à trancher et à imposer d'autorité sa décision considérablement adoucie, sans remettre en question ton droit acquis d'utiliser l'automobile familiale à si peu de frais, situation que bien d'autres t'envieraient.

Léo, depuis toujours, tu as pu compter sur moi en toutes circonstances. Indirectement, à ma façon, j'ai contribué volontiers à ta formation. J'ai suivi ton évolution avec attention. J'ai encouragé tes initiatives et applaudi à tes succès. Sache-le, je suis fier de toi.

Mais là, je ne puis te suivre. Je pense que tu vas trop loin, que tu exagères en refusant de te conformer à la juste décision de ton père, que tu forces ainsi à exercer sa pleine autorité en «bon père de famille». C'est là mon avis.

Signé: ton grand-père, convaincu que tu entendras raison et sauras profiter de l'expérience.