Dans Don't Worry, He Won't Get Far on Foot, le nouveau film de Gus Van Sant (Good Will Hunting, Elephant...), Joaquin Phoenix interprète John Callahan, un dessinateur satirique et alcoolique devenu tétraplégique après un grave accident de voiture en 1972. La Presse a pu lui parler quelques minutes au téléphone, juste avant la finale de la Coupe du monde, alors que l'acteur avait une bonne pensée pour ses potes français.

Vous êtes un excellent acteur de composition. Est-ce bien différent quand vous préparez le rôle d'un personnage tiré d'une histoire vraie, comme c'est le cas ici?

Lorsqu'on incarne une personne réelle, comme acteur, j'ai une responsabilité de plus que de bien jouer le rôle. Il y a des gens qui ont bien connu John Callahan (il est mort en 2010) et qui vont aller voir le film avec des attentes. En commençant par Gus Van Sant: il a ce projet dans ses cartons depuis une vingtaine d'années et il a déjà réalisé un documentaire sur John. (NDLR : Robin Williams avait sensibilisé le cinéaste au parcours du dessinateur de Portland, Oregon, et devait jouer le rôle.) De plus, puisque John était tétraplégique, il y a la question de la vraisemblance, du langage corporel, sans tomber dans le mimétisme. Pour préparer le rôle, j'ai travaillé avec un physiothérapeute et j'ai appris à bien utiliser un fauteuil roulant. John étant paralysé sous son diaphragme, je devais trouver comment exprimer sa douleur, sa souffrance, avec mon visage, la position de mon corps...

Alcoolique, John Callahan a commencé à boire à 13 ans avec excès. Il n'a pas arrêté après son terrible accident de voiture, à 21 ans. Qu'est-ce qui le poussait à consommer autant?

John a été abandonné par sa mère. Mais un alcoolique se trouve toutes sortes de bonnes raisons pour boire. Au-delà de son manque, sa vraie souffrance, c'était de trouver son but dans la vie, sa place dans le monde. Le jour où John, après plusieurs démarches, cesse de chercher, il commence à s'épanouir spirituellement et à vivre de son art. Il cesse de lutter contre ses vieux démons, il se pardonne à lui-même - c'est la sixième étape des AA - pour mieux se connecter sur sa vie et s'accepter enfin comme il est, comme être humain.

Parmi les films qui vous ont permis d'être finaliste pour l'Oscar du meilleur acteur dans un premier rôle (Gladiator, Walk the Line et The Master), duquel des trois gardez-vous le meilleur souvenir?

C'est difficile de répondre... mais je dirais The Master. Je suis un grand fan du cinéma de Paul Thomas Anderson (Boogie Nights, Magnolia, There Will Be Blood). Et je garde un très bon souvenir de l'atmosphère de travail sur son plateau.