Pour son cinquième long métrage à titre de réalisateur, le premier dans lequel il ne s'est donné aucun rôle, Yvan Attal orchestre une rencontre entre un professeur de droit conservateur aux propos odieux et une élève très douée, issue de la cité, qu'il prendra finalement sous son aile. Daniel Auteuil et Camélia Jordana sont les vedettes d'un film qui évoque d'emblée le questionnement identitaire français.

Compte tenu de la nature de ses films précédents, rien ne prédestinait vraiment le cinéaste Yvan Attal à s'attaquer à un film comme Le brio, si ce n'est sa propension à tirer de l'humour de situations plus dramatiques.

«J'ai l'impression que les producteurs m'ont proposé ce scénario à cause de mes déclarations publiques, a expliqué Yvan Attal au cours d'un entretien accordé récemment à La Presse. Ils ont dû penser que les thèmes abordés dans ce film allaient me toucher. Ce fut le cas. Même si le scénario a beaucoup évolué ensuite, cette première version me donnait déjà l'envie d'aller là où je souhaitais me diriger.»

Campé principalement à l'Université d'Assas, un établissement spécialisé dans l'enseignement du droit et des sciences économiques, le récit s'inscrit d'emblée dans l'air du temps, à une époque où les idéologies semblent se radicaliser de plus en plus.

Sautant sur l'occasion alors qu'elle accuse un simple retard, l'éminent professeur Pierre Mazard (Daniel Auteuil), reconnu pour ses propos provocants et ses dérapages, prendra tout de suite en grippe la nouvelle étudiante Neïla Salah (Camélia Jordana, dont la performance lui a valu le César du meilleur espoir féminin). Même si son attitude odieuse envers elle révèle un bon fond d'intolérance et de racisme, le prof accepte pourtant de préparer Neïla à un prestigieux concours oratoire, histoire de se racheter un peu...

«On a poussé quelques curseurs pour mieux aborder les sujets que nous voulions traiter, indique le cinéaste. Ironiquement, ce film a un côté Pygmalion qu'on associe davantage au passé, mais il est clair que Le brio n'aurait pas pu être fabriqué de la même façon il y a 10 ou 20 ans, tout simplement parce que la société n'est plus la même. Les spécificités qui caractérisent ce film sont très contemporaines.»

Des questions importantes

La montée des idées d'extrême droite dans les sociétés occidentales, et les intolérances qu'elle entraîne, est préoccupante aux yeux d'Yvan Attal. Aussi trouvait-il important de placer au centre de son récit un dialogue entre deux êtres issus de milieux complètement différents, dont les idéologies sont en apparence irréconciliables.

«On a le sentiment que les rapports entre les gens se durcissent et se radicalisent, observe-t-il. Mais au-delà de ça, j'ai aussi l'impression que les individus se replient sur eux-mêmes. Les communautés aussi. On s'ouvre moins aux autres. Comment en sommes-nous arrivés là?»

«C'est comme si en France, présentement, on avait le réflexe de prendre la main d'à côté plutôt que de la tendre à l'autre devant soi. Ce sont des questions importantes auxquelles il faut réfléchir.»

Le brio repose aussi beaucoup sur les dialogues. La préparation d'un concours d'art oratoire comporte d'évidence l'apprentissage de l'argumentaire, de la prise de parole, de la discussion, bref, tous des éléments peut-être un peu moins «cinématographiques» a priori. Le réalisateur de Ma femme est une actrice n'a vu aucun écueil dans cette approche.

«Le brio est un film bavard et je le revendique ! dit-il. Les films bavards n'empêchent pas la mise en scène, ni d'avoir une forme intéressante. Au cinéma en général, je trouve d'ailleurs que la forme ne s'harmonise pas très souvent avec le fond. Ça déconcentre le spectateur. Quand on entre dans une histoire, la forme doit se faire discrète, au point de ne pas se faire remarquer. Évidemment, chaque film appelle son type de mise en scène, et chaque fois, on se demande comment on va filmer, comment on va faire. Des décors s'imposent. Cet immense amphithéâtre à l'université, dans lequel le prof s'adresse à ses étudiants au micro comme s'il se donnait en spectacle, a suscité en moi des envies de mise en scène, bien sûr.»

Le récit d'abord

Yvan Attal précise avoir grandi en regardant des films où les cinéastes se concentraient sur l'histoire à raconter, d'abord et avant tout.

«Leur cinéma était entièrement au service du récit. Vous ne verrez jamais de plans hallucinants chez Francis Coppola ou Sidney Lumet, jamais d'esbroufe en tout cas.»

Il estime d'ailleurs que son propre cinéma est en train de se dépouiller de plus en plus, au gré de l'expérience et de la maturité.

«L'envie de faire du cinéma est la même qu'à mes débuts, ma motivation aussi, mais j'ai maintenant envie de raconter des histoires différentes. Tout simplement parce que le temps passe, et que ma vie d'homme évolue. Mon goût également. Forcément, beaucoup de choses changent au fil des ans. Quand on commence à réaliser des films, on veut convaincre. C'est normal. Après, on s'en fout un peu. On fait moins de "cinéma" pour accéder à plus de vérité. On est moins dans le cirque!»

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Le brio prendra l'affiche le 23 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Photo fournie par AZ Films

Camélia Jordana et Daniel Auteuil