Annihilation pourrait n'être qu'une autre grosse production de science-fiction intelligente et visuellement flamboyante, mais sa véritable audace, c'est d'avoir misé sur un casting entièrement féminin.

Les films de femmes, presque un genre en soi, sont encore rares et généralement relégués à la comédie (Mes meilleures amies, Girls Trip, The Hit Girls...), qu'elle soit musicale ou romantique.

Dans Annihilation, Alex Garland - déjà applaudi pour Ex Machina, un long métrage sorti en 2015 sur les robots qui prennent le dessus sur les hommes - met en scène un groupe de femmes scientifiques. Elles sont recrutées pour une mission dans la «Zone X», une partie sinistre et mystérieuse de la côté américaine, autour d'un site secret où se sont écrasés des extraterrestres.

Natalie Portman y joue une biologiste et ex-militaire, qui rejoint l'expédition pour découvrir ce qu'il est advenu de son mari, un membre de forces spéciales qui a été grièvement blessé en enquêtant sur cette région et son phénomène étrange.

«C'est juste du jamais vu» cette «possibilité de travailler dans un film avec cinq rôles incroyables de femmes», s'est réjouie la star, oscarisée pour Black Swan, lors de la première du film mardi à Los Angeles.

«Entre les prises, on s'asseyait ensemble et on s'amusait, en discutant et racontant des blagues. Pour moi, ça restera l'image de ce film, nous cinq, dans une tente à plaisanter», a dit du tournage la comédienne de 36 ans, qui a déploré avoir été tant de fois la seule femme sur un plateau.

Féministe revendiquée, elle a été l'une des fondatrices du mouvement Time's Up créé par des centaines de femmes influentes d'Hollywood pour lutter contre le harcèlement et les agressions sexuelles au travail.

«Demoiselle en détresse»

Alex Garland, qui avait déjà écrit le thriller apocalyptique 28 jours plus tard de Danny Boyle, a ici adapté à l'écran la série de romans acclamés de Jeff VanderMeer, Southern Reach Trilogy.

Le réalisateur suit le groupe de scientifiques découvrant un monde à la beauté éthérée et aux dangers mortels, avec des paysages mutants où des créatures menacent de leur faire perdre la raison.

L'histoire se situe dans les marais de Floride, recréés pour le tournage en Angleterre en utilisant Windsor Great Park, jadis un terrain de chasse privé pour la famille royale.

Les compagnes de Natalie Portman sont incarnées par Jennifer Jason Leigh (JF partagerait appartement, Les huit salopards), Gina Rodriguez (Jane The Virgin, Ferdinand), Tessa Thompson (Creed: l'héritage de Rocky Balboa, Selma) et Tuva Novotny (Mange, prie, aime).

Le mari de Natalie Portman est joué dans Annihilation par Oscar Isaac, 38 ans, qui tenait l'un des principaux rôles d'Ex Machina. Il est depuis l'un des acteurs les plus en vue à Hollywood en partie grâce à son rôle dans la dernière trilogie Star Wars, mais il est réduit ici à rester inconscient dans un lit d'hôpital pendant la plupart du film.

Il a plaisanté que «d'habitude, un groupe de mecs vont quelque part et ils (sauvent) le seul personnage féminin, et ici c'est le contraire, c'est moi qui joue la demoiselle en détresse, c'était bien».

Tessa Thompson, 34 ans, a fait remarquer que les trois films aux plus grosses recettes d'Amérique du Nord l'an dernier avaient une femme comme personnage principal: Star Wars: Les derniers Jedi, La belle et la bête, et Wonder Woman.

Même avec une affiche essentiellement féminine, dont des actrices hispanique et noire, Annihilation n'est toutefois pas exempt de polémiques dans une industrie du cinéma montrée du doigt pour son conservatisme et ses discriminations persistantes sous couvert de discours progressistes.

Le film a été accusé d'avoir «blanchi» certains personnages car les rôles de Natalie Portman et Jennifer Jason Leigh étaient à l'origine écrits pour des femmes asiatique et amérindienne.

Il sort aux États-Unis le 23 février mais le studio Paramount, après des tests qui ont décrit le film comme «trop intellectuel», a vendu les droits internationaux à Netflix, sauf pour la Chine et le Canada, présageant un échec en salles.

Les premières critiques sont pourtant enthousiastes: «c'est le genre de science-fiction que nous avons toujours envie de voir» a tweeté Ben Pearson, du site Slash Film: «audacieuse, complexe, singulière, visuellement éblouissante».