Nahuel Pérez Biscayart fut révélé aux cinéphiles cette année grâce au film français 120 battements par minute. L'acteur argentin est aussi la vedette d'Au revoir là-haut, le nouveau film d'Albert Dupontel, dans lequel il donne la réplique au cinéaste, mais aussi à Niels Arestrup et à Laurent Lafitte. Pour celui qui parcourt sans cesse le globe, il n'est pourtant pas question de s'installer dans une cinématographie en particulier.

Il y a quelques années à peine, Nahuel Pérez Biscayart ne parlait ni ne comprenait un traître mot de français. Visiblement doué pour l'apprentissage des langues, l'acteur argentin peut aujourd'hui jouer en espagnol (sa langue maternelle), en anglais, en français, en italien, en portugais, en allemand et en... chinois!

«En fait, j'ai étudié le mandarin pendant deux ans, mais je ne le maîtrise toujours pas!», a précisé l'acteur lors d'un entretien réalisé lors du passage de ce dernier au festival Cinemania, où Au revoir là-haut a remporté le prix du film le plus apprécié du public.

Au-delà de sa facilité naturelle, la vedette de 120 battements par minute, qui a grandi à Buenos Aires, réfute la notion de frontière et parcourt le monde sans domicile fixe.

«Je n'ai plus de maison, explique-t-il. Je suis complètement nomade. Je m'installe là où les projets m'amènent. Et s'il n'y a rien, ce n'est pas grave. Je n'ai pas d'ambitions matérielles. Si je ne reçois plus de propositions à titre de comédien, je peux me diriger vers autre chose, je crois.»

Un peu d'air

Autrement dit, même si Nahuel Pérez Biscayart est incroyablement doué, le jeu n'a jamais été une question de vie ou de mort pour lui. À l'âge de 13 ans, on a imposé au préadolescent rebelle un choix: ou il acceptait d'aller suivre des séances chez un psy, ou il s'inscrivait à un cours de théâtre.

«Je ne peux pas dire que mon inscription à ce cours de théâtre fut un choix délibéré! rappelle celui qui n'est toujours pas vraiment convaincu d'être un acteur. Mes années au collège furent atroces. J'ai abordé l'atelier de théâtre de façon très instinctive et j'ai eu l'impression de trouver enfin là un peu d'air. Dès lors, j'ai reçu un prix et tout s'est un peu passé malgré moi, car je n'avais pas l'ambition de devenir un comédien professionnel du tout. Quand tu commences à constater que les autres semblent apprécier ce que tu fais, tu te dis qu'il y a peut-être là un chemin. Trois ans plus tard, j'ai commencé à passer des auditions et tout s'est enchaîné. Pour moi, le jeu est quelque chose de très physique. C'est comme si c'était lié à un plaisir intime, égoïste même.»

Une notoriété nouvelle

En 2008, Nahuel Pérez Biscayart se fait remarquer dans La sangre brota, film de Pablo Fendrik présenté à La Semaine de la critique du Festival de Cannes. Benoît Jacquot lui offre alors un rôle dans Au fond des bois. L'acteur se distingue aussi dans le film de David Lambert Je suis à toi, une coproduction entre la Belgique et le Québec. 120 battements par minute, Grand Prix du Festival de Cannes, lui vaut une nouvelle notoriété.

«Il est certain que cette année marque un tournant, observe-t-il. Mais moi, je suis toujours le même acteur, la même personne. Il se trouve que j'ai été regardé de manière plus soutenue, c'est tout. On s'intéresse davantage à mon travail, ce qui est bien, mais j'avoue avoir du mal avec cette notion de notoriété qui, à mes yeux, n'a strictement rien à voir avec le travail, l'exercice du métier, le côté artisanal du jeu. On se retrouve dans des festivals hyper glamour alors que pendant les tournages, on mange debout et on dort par terre. Ce contraste est à la fois étrange et très marrant. Si tu ne parviens pas à t'y habituer ni à gérer ce genre de situations, ça peut être un peu drainant.» 

Parler sans voix

Dans Au revoir là-haut, le nouveau film d'Albert Dupontel, Nahuel Pérez Biscayart incarne un jeune soldat tout juste rentré du front après la guerre de 14-18 qui, en plus d'avoir perdu l'usage de la parole, porte des masques afin de camoufler sa gueule cassée. Au coeur de cette adaptation du roman de Pierre Lemaitre, lauréat du prix Goncourt en 2013, réside l'amitié improbable entre un commis de banque et un brillant designer, tous deux survivants des tranchées.

«L'agente qui m'avait obtenu le rôle dans le film de Benoît Jacquot m'a convoqué en m'envoyant une petite note à propos de ce que j'aurais à faire: parler sans voix ! Mais qu'est-ce que ça veut dire? Je me suis présenté à l'audition et j'ai fait une petite impro avec Albert [Dupontel], que je ne connaissais pas du tout. Il m'a aussi fait danser sur une table. On n'a pas idée à quel point les castings peuvent être horribles parfois! On nous demande de faire des choses dans un environnement qui n'est pas du tout approprié, sans éclairage, rien. Enfin, bref...»

Une question de regard

Le cinéaste, qui tient aussi le rôle principal dans le film, lui a alors donné à lire le scénario. Les deux hommes se sont ensuite revus deux ou trois fois avant que Dupontel fixe son choix. Ce dernier voulait s'assurer que toute la personnalité du personnage puisse passer à travers son regard.

«Comme il pensait que je ne pouvais pas lire en français, Albert m'a conseillé de ne pas m'occuper du livre. Mais je l'ai lu quand même. Ce bouquin de Pierre Lemaitre, très bien écrit, m'a accompagné pendant tout le tournage. Il me fut très utile, car on trouve dans un roman des descriptions psychologiques qu'un scénario ne peut pas se permettre d'élaborer.»

En plus d'avoir eu l'occasion d'arborer des masques qui sont de véritables oeuvres d'art, Nahuel Pérez Biscayart a pu jouer son rôle de façon très libre, grâce au fait que cette partie de l'histoire du monde n'a pratiquement aucune résonance chez lui.

«En Argentine, on nous enseigne l'histoire essentiellement par le prisme national, en relation avec l'histoire de l'Espagne. Albert aimait bien que le poids de l'histoire de la France ne pèse d'aucune façon sur moi.»

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Au revoir là-haut prendra l'affiche le 22 décembre.

Photo fournie par AZ Films

Dans Au revoir là-haut, Nahuel Pérez Biscayart incarne un jeune soldat tout juste rentré du front après la guerre de 14-18 qui, en plus d'avoir perdu l'usage de la parole, porte des masques afin de camoufler sa gueule cassée.