De passage à Montréal, Suzanne Clément nous parle de sa carrière en Europe qui lui donne un sentiment d'aventure, alors que nous la verrons bientôt dans la série Versailles et dans les prochains films de Pierre Godeau et de Frédéric Fonteyne.

Quand elle est au Québec, Suzanne Clément adore regarder Unité 9 avec sa soeur qui habite la campagne, lorsqu'elle va la visiter. Elle y tenait le rôle de la sulfureuse Shandy, repris depuis son départ par Catherine-Anne Toupin. Pour elle, Unité 9, qu'elle regarde maintenant comme une spectatrice enthousiaste, est un véritable terrain de jeu pour les actrices. « Danielle Proulx ! s'exclame-t-elle. Marie-Chantal Perron, avec sa coupe de cheveux, cette austérité, cette rigueur... C'est vraiment intéressant ! »

Elle n'aime pas quand on lui dit qu'elle a « abandonné » le rôle de Shandy. Elle avait convenu du temps de son implication dans la série dès le début. « J'avais fini, la porte était ouverte à autre chose, je m'en allais tourner à Vancouver à ce moment-là, ce n'était pas "je m'en vais en France", raconte-t-elle. Inconsciemment, dans le fond, c'était peut-être ma façon de dire qu'il fallait que je perce le terrain ailleurs. Ce rôle, c'était à la fois une sécurité, mais cela signifiait aussi des allers-retours qui pouvaient être limitants. »

Et puis, il y avait en même temps la visibilité offerte par le film Laurence Anyways de Xavier Dolan, qui lui a valu le prix d'interprétation féminine dans la catégorie Un certain regard à Cannes. Visibilité renforcée par le grand succès de Mommy. « Il y a vraiment des portes qui se sont ouvertes avec Laurence Anyways, c'est là que j'ai eu mon agent en France, mais avec Mommy, il y a eu un gros coup de coeur. »

« Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais pour le moment, il y a une espèce d'affection pour nous, pour Xavier, pour Anne [Dorval]. Une ouverture, vraiment. »

Une ouverture dans laquelle elle a décidé de se glisser, après quelques hésitations qui tenaient principalement à la maîtrise de l'accent français. « Parce que tu as envie d'être libre dans cet accent-là. Sur un tournage, je veux pouvoir improviser. Pour moi, créer, c'est une liberté dans un état de jeu, dans une folie du langage, le plaisir de la répartie. »

Versailles lui fait la cour

Depuis deux ans, elle a trouvé cette confiance, les projets se multiplient, et elle vit entre deux continents. En 2009, elle confiait à notre collègue Marc Cassivi avoir un sentiment d'urgence à l'approche de la quarantaine. « Je ne m'identifie plus vraiment à cela, dit-elle à ce sujet. Il y a eu une période d'urgence, vraiment, mais là, je ne sais pas, c'est devenu un mode de vie. J'ai vraiment senti ces dernières années qu'il se passait quelque chose en France ; avant, j'étais plus prudente. Mais j'aime jouer, j'aime créer, je vais donc aller vers ce qui me tente. C'est devenu une façon de travailler qui me stimule. Il y a eu de petits moments l'an passé où je me disais que ç'aurait pu être mieux si je n'avais eu que tel ou tel projet, mais sinon, c'est vraiment tripant. Les projets se répondent, les rôles sont différents, mais ils se nourrissent parfois. Tu arrives et tu es Madame Agathe dans Versailles, puis tu es ensuite dans un projet très contemporain. »

En effet, elle sera de la distribution de la deuxième saison de la grande série Versailles, production franco-canadienne tournée... en anglais. Elle y interprète Madame Agathe, personnage fictif qui combine quelques personnages réels de femmes qui ont été impliquées dans la célèbre affaire des poisons sous Louis XIV, un grand scandale de l'époque.

C'était un peu schizophrénique sur le plan du langage sur ce plateau, raconte-t-elle, puisqu'il fallait prendre l'accent britannique, tandis que plusieurs Québécois travaillaient sur la production, notamment le réalisateur Louis Choquette.

Ce serait le réalisateur Thomas Vincent, qui travaillait sur la première saison, qui aurait pensé à elle pour le rôle. La comédienne aura eu le plaisir de tourner une journée dans les décors naturels du château de Versailles et du château de Vincennes. « C'était fantastique d'être sur ce plateau avec Louis Choquette », se souvient-elle.

Dans la dernière année, elle a aussi tourné dans plusieurs films en France : La Taularde d'Audrey Estrougo, avec Sophie Marceau, Les Philosophes de Guilhem Amesland, avec Vincent Macaigne et Philippe Rebbot, ainsi que dans Le sens de la fête des réalisateurs d'Intouchables, Olivier Nakache et Eric Toledano.

Outre la passion de jouer, c'est aussi le plaisir de voyager que Suzanne Clément apprécie dans cette période de sa vie. « Il y a une forme d'attirance pour l'exotisme et l'aventure en moi, et cela répond à ça, aussi. On peut trouver son aventure au théâtre, mais il y a autre chose qui m'appelle. Les langues, les rencontres. J'aime voyager librement et j'ai beaucoup voyagé seule. Arriver dans une ville que je ne connais pas, trouver mes repères, être un électron libre, injecter tout ça dans la création d'un personnage. J'adore ça. »

Elle a bien failli incarner la fille de Catherine Deneuve dans un projet qui est malheureusement entré en conflit avec un autre, très prometteur : l'adaptation au cinéma d'un livre du génial dessinateur Sempé, Raoul Taburin, par Pierre Godeau. Elle y tiendra l'un des rôles principaux aux côtés de Benoît Poelvoorde et Edouard Baer. Ensuite, elle tournera pour Frédéric Fonteyne, le réalisateur d'Une liaison pornographique, dans un film qui raconte les histoires de trois femmes qui traversent la frontière pour travailler dans des maisons closes...

Bref, la prochaine année sera tout aussi chargée que la précédente pour Suzanne Clément. Son plus grand apprentissage dans ce tourbillon ? « Être disponible. Comme actrice, il faut tellement être disponible et ouverte à tout ce qui se passe. »

La deuxième saison de la série Versailles sera présentée à Super Écran à compter du 5 juin.

photo fournie par la production

Dans la série Versailles, Suzanne Clément interprète Madame Agathe, personnage fictif qui combine quelques personnages réels de femmes qui ont été impliquées dans la célèbre affaire des poisons sous Louis XIV.

photo fournie par axia films

Suzanne Clément était de retour derrière les barreaux dans La Taularde, avec Sophie Marceau.