Avant de tourner avec Xavier Dolan, Jessica Chastain s'est investie à fond dans un film qui rappelle l'histoire d'une héroïne polonaise anonyme, dont les actions ont pu sauver quelques centaines de vies pendant les plus sombres jours de la Seconde Guerre mondiale.

L'idée de porter à l'écran The Zookeeper's Wife, le livre à succès de Diane Ackerman, ne date pas d'hier. Jessica Chastain, qui a été liée au projet dès le départ, croyait même que le tournage allait commencer peu après avoir lu le scénario qu'a tiré Angela Workman de ce récit biographique. Il aura pourtant fallu patienter quelques années avant que le film, dont la réalisation est signée Niki Caro (Whale Rider), voie enfin le jour.

« Je crois que nos difficultés sont en partie dues au fait qu'une héroïne est au coeur de l'histoire, et que la réalisation a été confiée à une femme », a commenté l'actrice au cours d'un entretien accordé à La Presse la semaine dernière à New York.

« L'aspect positif de cette affaire, c'est qu'on sent maintenant une urgence, ou à tout le moins un appétit pour que s'expriment les points de vue féminins au cinéma. Mais à l'époque où j'ai signé, nous étions encore en territoire peu exploré. Voilà pourquoi j'agis aussi à titre de productrice exécutive. De cette façon, j'ai pu contribuer de toutes sortes de façons : tant sur le plan de la révision du scénario que du choix des acteurs. J'ai d'ailleurs insisté pour que Johan Heldenbergh joue le rôle du mari. C'est un acteur formidable. Il était tellement bon dans The Broken Circle Breakdown ! »

Un point de vue féminin sur l'holocauste

Dans ce drame biographique, l'actrice prête ses traits à Antonina Żabińska, une Polonaise qui, avec son mari Jan, a transformé le zoo de Varsovie en véritable refuge clandestin pour quelques centaines de juifs prisonniers du ghetto, à la suite de l'invasion de la ville par les nazis en 1939. C'est dire que The Zookeeper's Wife fait partie de ces films ayant pour cadre l'Holocauste, ce qui, de l'aveu même de la réalisatrice Niki Caro, constitue pratiquement un genre cinématographique en soi.

« La guerre n'a pas été qu'une affaire d'hommes. Antonina nous a montré que la féminité n'est pas une faiblesse, qu'elle peut symboliser aussi la force dans la douceur. »

« J'ai voulu que tout dans ce film comporte une touche de féminité. De la lumière jusqu'aux mouvements de caméra. Instinctivement, j'ai su que la façon de raconter cette histoire serait différente, qu'elle s'orienterait davantage vers la guérison et l'espoir. »

Il y a deux semaines, l'équipe s'est d'ailleurs retrouvée à Varsovie afin de présenter le film lors d'une soirée de première tenue au Palais de la culture et de la science, non loin de l'endroit où les véritables événements dépeints dans le film se sont déroulés.

« J'y étais déjà allée pour le travail de préparation, explique Jessica Chastain. J'ai rencontré la fille d'Antonina, j'ai vu le zoo, je me suis imprégnée de l'endroit avant d'aller tourner le film à Prague. Mais ce soir de première a été beaucoup plus émotif. Il faut dire que j'ai vécu avec cette histoire pendant des années à l'intérieur de moi. Certaines personnes à qui j'ai parlé avant le tournage m'ont dit à quel point elles avaient parfois du mal à comprendre pourquoi les Polonais sont souvent dépeints de façon plus négative quand on évoque cette époque. Plusieurs d'entre eux se sont pourtant battus. Ont résisté. 

« Grâce à ce film, l'occasion nous est offerte de raconter l'histoire d'un couple ordinaire de Varsovie qui ouvre sa porte à de purs étrangers en détresse, souvent au péril de sa propre vie. C'est un honneur de célébrer des valeurs humaines de cette nature avec le peuple polonais. »

Un changement de vie

Ayant trouvé sa vocation très jeune, Jessica Chastain a fait ses classes sur les planches avant de devenir l'une des actrices les plus sollicitées du monde du cinéma. « Ce que je vis maintenant dépasse de loin tout ce que j'aurais pu imaginer ! confie-t-elle. The Tree of Life a carrément changé ma vie. »

Il est donc loin le temps où, en compagnie de sa grand-mère, une fillette nommée Jessica a tout de suite eu l'impression d'avoir trouvé sa place dans le monde en voyant une pièce de théâtre. Presque aussi éloignée est l'époque où, collégienne, cette même Jessica a remporté un concours provincial d'art dramatique tenu à Sacramento grâce à un monologue pendant lequel elle décrivait le destin d'une jeune fille de 17 ans victime d'un accident de voiture. Et qui implore le ciel de la laisser vivre.

« Le texte était tellement douteux [rires]. Mais c'est quand même ce jour-là que j'ai senti dans le regard des autres que, oui, j'avais peut-être du talent. »

Aujourd'hui, Jessica Chastain possède sa propre boîte de production, dont la mission première est d'offrir du travail à des femmes de talent, tant devant que derrière la caméra. « Il est important de faire connaître toutes ces histoires qu'on ne raconte jamais, leur donner une place, faire écho à la diversité aussi. Autrement dit, j'aimerais donner à voir ce qu'on ne montre pas très souvent dans notre société. »

Très active sur les réseaux sociaux, l'actrice n'hésite pas à faire valoir son point de vue. Ce qui, on le devine, peut aussi générer son lot de critiques.

« Je ne vois pas cela comme un prix à payer, dit-elle. La vie est trop courte. Nous vivons une époque incroyable où les femmes peuvent définir elles-mêmes leur destinée. Elles peuvent maintenant se permettre d'afficher des traits qui ont depuis toujours été associés à la masculinité - être fort, être un leader, être dynamique. Des femmes comme Antonina nous poussent à prendre la parole pour plus de justice sociale et pour défendre les plus vulnérables. 

« Il faut combattre toutes les discriminations et les stéréotypes dont les femmes sont victimes. Et pas seulement les femmes, d'ailleurs, les hommes aussi ! Car ils doivent eux aussi se battre contre l'image qu'on se fait de la masculinité. Je crois que toutes les intolérances - le sexisme, l'homophobie, etc. - viennent de la crainte de la féminité. Plus nous serons visibles et entendues, plus la société sera saine. »

Hâte au prochain Dolan

Rappelons que Jessica Chastain fait partie de l'imposante distribution de The Death and Life of John F. Donovan, le prochain film de Xavier Dolan, dont la deuxième partie est en tournage à Londres. L'actrice a entièrement tourné sa partition l'été dernier à Montréal.

« J'ai tellement hâte de voir ce film ! », lance celle qui est maintenant une amie proche du cinéaste québécois.

The Zookeeper's Wife (La femme du gardien de zoo en version française) prendra l'affiche le 31 mars. Les frais de voyage ont été payés par Entract Films.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Jessica Chastain a joué aux côtés d'Al Pacino dans Salomé.

Photo fournie par Films Séville

Jessica Chastain et Brad Pitt dans The Tree of Life, un film de Terrence Malick

Cinq rôles marquants pour Jessica Chastain

Salomé, Al Pacino (2013)

Cette captation d'une pièce jouée à Los Angeles a eu lieu en 2006, alors que Jessica Chastain n'avait encore rien tourné pour le cinéma. Dans un message vidéo destiné aux spectateurs du Festival du nouveau cinéma en 2015, Al Pacino a déclaré ceci : 

« On dit que j'ai révélé Jessica, mais cela n'est pas tout à fait juste. Jessica s'est présentée à l'audition et ce fut l'évidence. C'est du prodige. Au point où je me suis retourné vers le producteur en lui demandant si je n'étais pas en train de rêver. C'est grâce à elle si j'ai eu envie de pousser le projet plus loin et de faire ce film. »

The Tree of Life, Terrence Malick (2011)

Ce drame à la fois intime et ambitieux, lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes, a véritablement révélé le talent de Jessica Chastain aux cinéphiles du monde entier.

The Help, Tate Taylor (2011)

Grâce à ce film relatant l'histoire d'une famille de Jackson, au Mississippi, dans les années 60, Jessica Chastain est citée aux Oscars dans la catégorie de la meilleure actrice de soutien.

Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow (2012)

Deuxième citation aux Oscars pour Jessica Chastain, cette fois dans la catégorie de la meilleure actrice. « J'ai voulu faire quelque chose de différent ensuite. C'est à ce moment que le scénario de The Zookeeper's Wife est arrivé. Le film Gorillas in the Mist ayant eu une importance monumentale pour moi dans mon enfance - il m'a fait aimer les animaux -, je n'ai pas hésité ! »

Miss Sloane, John Madden (2016)

Dans le rôle d'une lobbyiste à Washington, l'actrice fait de nouveau merveille. Et décroche une sélection aux Golden Globes dans la catégorie de la meilleure actrice dramatique.