Après Lone Survivor et Deepwater Horizon, Mark Wahlberg et le réalisateur Peter Berg refont équipe pour Patriots Day, où ils se penchent sur le double attentat survenu lors du 117e marathon de Boston, le 15 avril 2013. La Presse les a rencontrés, en compagnie de survivants du drame et de policiers qui ont participé à la traque des frères Tsarnaev.

La conférence de presse se tenait à Boston. C'était normal. C'était important que ce soit là. Et touchant. Parce que tout avait eu lieu là. Presque quatre ans plus tôt. Le 15 avril 2013, le jour des Patriotes. Deux bombes posées par Djokhar et Tamerlan Tsarnaev, près de l'arrivée du mythique marathon, avaient fait trois morts (dont Martin Richard, qui n'avait que 8 ans) et 264 blessés.

Certains de ceux qui participaient à l'événement de presse tenu à la mi-décembre avaient couvert l'attentat. D'autres en avaient été les victimes. D'autres avaient oeuvré à la traque des terroristes. Et d'autres encore, dont l'acteur-producteur Mark Wahlberg, natif de Boston, et le réalisateur Peter Berg, avaient décidé de porter cette douloureuse page d'histoire à l'écran.

Ces gens - journalistes, représentants des forces de l'ordre, victimes, producteurs - se retrouvaient à l'hôtel InterContinental donnant sur le Waterfront, le lendemain de la première de Patriots Day.

Être à Boston pour évoquer la blessure de Boston, donc. C'était normal. C'était important. C'était touchant. Touchant en particulier lorsque Jessica Kensky s'est avancée dans la salle. La précédant, Rescue, le labrador noir devenu son aide. À ses côtés, son mari, Patrick Downes. Ils ont tous les deux perdu leur jambe gauche dans l'explosion. Elle, après deux ans de souffrances atroces, a dû se résoudre à se faire aussi amputer la droite.

Sur l'estrade, il y a eu des accolades. Des étreintes. De l'émotion. Et c'est gravement qu'ils ont ensuite raconté leur démarche et les doutes qui les ont assaillis durant les premières étapes du projet.

«J'ai hésité un moment à m'investir. Puis, j'ai appris qu'il y avait trois projets dans les airs sur l'attentat du marathon [Jake Gyllenhaal sera la vedette de Stronger de David Gordon Green, qui sortira plus tard cette année] et j'ai compris que, d'une manière ou d'une autre, ça allait se faire», indiquait Mark Wahlberg, qui fait ainsi équipe une troisième fois avec le réalisateur Peter Berg.

«Tant qu'à ce que ça se fasse, je voulais être là, pour honorer ma ville, ma communauté, pour m'assurer qu'elles seraient traitées avec le respect et la sensibilité qu'elles méritent.»

Duo de choc

Ensemble, ils sont à l'origine des puissants et brutalement réalistes Lone Survivor et Deepwater Horizon. Ils appliquent semblable traitement à Patriots Day. Le drame et le courage racontés par un traitement quasi documentaire.

La proximité en temps et en distance des événements de Boston rendait cette vérité et cette exactitude encore plus importantes. Malgré cela, alors que les représentants des forces de l'ordre incarnés par John Goodman, J.K. Simmons ou Kevin Bacon sont basés sur les véritables hommes ayant participé à la traque des terroristes, celui que joue Mark Wahlberg est un composite de plusieurs policiers.

«Des hommes et des femmes bien réels ont tout donné pendant quatre jours pour secourir les victimes, puis épingler les coupables, mais nous ne pouvions pas tous les mettre dans un film de deux heures», explique Peter Berg qui, en même temps, ne se sentait pas le droit d'attribuer à un seul d'entre eux ce que plusieurs avaient réalisé.

Ainsi est né le personnage de Tommy Saunders, inspiré de plusieurs policiers bostoniens. «Mais nous n'en avons quand même pas fait un Jason Bourne - nous n'étions pas dans ce film-là - ni un Superman», note le réalisateur.

Pour lui, il était également important de donner du temps d'écran aux deux terroristes, incarnés par Alex Wolff et Themo Melikidze: «Cela a fait l'objet de beaucoup de discussions, mais à mon sens, il était nécessaire d'inclure les frères Tsarnaev à cause de leur histoire, différente de celle des terroristes venus de l'étranger pour perpétrer des attentats ici.

«Eux étaient des immigrés intégrés à la culture américaine. Il fallait le montrer. Il fallait également prendre le temps de les présenter correctement, c'est-à-dire pas comme des hommes vertueux. Car nous ne les considérons pas comme des hommes vertueux ni comme de bons musulmans. Leur comportement est celui de lâches, d'hypocrites, de psychopathes narcissiques.»

Le réalisateur, dans son désir d'exactitude, a tenté de communiquer avec Katherine Russell, la femme de Tamerlan Tsarnaev. Sans surprise, elle a refusé toute collaboration avec la production. Il s'est donc fié à la transcription de ses interrogatoires pour mettre des mots à la bouche de Melissa Benoist, qui la joue.

Parce qu'il le faut

À ceux qui se demandent pourquoi ce film devait être fait, Peter Berg, qui se trouvait d'ailleurs à Nice lors de l'attentat du 14 juillet, répond simplement: «Parce que ces attaques font aujourd'hui partie de la nouvelle réalité du monde et, aussi terrible que cela paraisse, il n'est plus choquant de se lever le matin et d'apprendre que quelque chose de terrible est arrivé quelque part.»

«Pourquoi cela se produit-il? Il y a certainement une raison, mais je ne sais pas si nous la connaîtrons un jour. Sauf que nous voulions, avec ce long métrage, montrer que le mal ne gagne pas nécessairement.»

En tout cas, pas totalement. «Je vois ces policiers, ces survivants, ils sont passés à travers et à autre chose avec dignité et élégance, avec amour et humour. C'est inspirant.»

Et Mark Wahlberg d'abonder. «L'amour est plus fort que la haine: c'est un message qui mérite d'être entendu et vu aussi souvent que possible, et dès maintenant.» Patriots Day a été fait dans le but de le livrer. Et c'est aussi une lettre d'amour à Boston.

«Je suis extrêmement fier de ma ville, j'ai vu combien ma communauté est forte et résiliente, conclut l'acteur. Ses membres ont redéfini pour moi le terme "héros".»

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Patriots Day (Le jour des Patriotes) est à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Les Films Séville.

Ils ont dit...

Le lendemain de la première de Patriots Day à Boston, victimes et policiers représentés dans le film réagissaient, en conférence de presse, à ce qu'ils avaient vu la veille. Et vécu, il y a près de quatre ans.

Jessica Kensky incarnée par Rachel Brosnahan

Après s'être fait demander si le film présentait une vision juste des évènements, celle qui, comme son mari, a perdu la jambe gauche lors de l'attentat répond que «les victimes peuvent s'y sentir respectées, elles peuvent se sentir fières et heureuses du résultat», mais qu'il est impossible de parler là de justesse: «Ce ne peut être "juste" parce que ce qui nous est arrivé n'est pas juste. Et ç'a été extrêmement difficile de voir les deux bombers à l'écran.» Deux ans après le drame, elle s'est fait amputer la jambe droite tant ses blessures la faisaient encore souffrir. Elle est aidée dans ses déplacements par Rescue, son chien d'assistance.

Patrick Downes incarné par Christopher O'Shea

Comme sa femme, Patrick Downes a été réticent à s'impliquer dans le long métrage. Ils ont changé d'idée devant ce qui leur a été présenté. Mais jusqu'à ce qu'ils voient le film, ils se sont demandé s'ils avaient eu raison. Ils savent maintenant que oui. «Le film fera réfléchir les gens à ce qui se passe autour du globe. Des bombes explosent, tuent, blessent. Nous devons en parler pour maintenir debout des sociétés paisibles.» Patriots Day, croit-il, est un moyen de poursuivre la conversation tout en faisant connaître la réponse de Boston à l'agression: «Par la gentillesse et la générosité de ceux qui ont aidé et aident encore les victimes.»

Dun «Danny» Meng incarné par Jimmy O. Yang

«Ç'a été une expérience terrifiante.» Alors étudiant en ingénierie, le jeune Chinois a été pris en otage pendant environ 90 minutes par les frères Tsarnaev, qui ont sauté dans sa Mercedes avec l'intention de se rendre à New York pour faire sauter d'autres bombes. Dun est parvenu à s'échapper, à composer le 911 et à donner le numéro de traçage de son GPS. «La décision la plus difficile de ma vie», dit-il au sujet de ce moment où il a décidé de s'évader du véhicule tandis qu'un de ses deux ravisseurs était dans un dépanneur. L'autre se trouvait au volant. Armé.

Ed Davis ancien commissaire de police de Boston incarné par John Goodman

«En voyant le film, je me suis rendu compte du soin qui avait été apporté aux détails et combien ils avaient réussi à en mettre, de ces détails, même en résumant quatre jours en deux heures. J'ai été pris de court en réalisant à quel point Jennifer et Patrick avaient souffert, mais qu'au bout du compte, pour moi, les voir, eux et Dun, est une expérience cathartique.»

William B. Evans commissaire de police de Boston incarné par James Colby

Tout de suite après avoir assisté à la première du film, le commissaire Evans a indiqué à quel point le fait de revoir certaines scènes ainsi recréées avait été douloureux. Il juge par contre que le film a été fait «de façon respectueuse» par des personnes très sensibles à ce qui s'est produit. «J'espère que les gens verront là un témoignage de la manière dont notre ville a su réagir, comment nous sommes parvenus à faire quelque chose de bien devant quelque chose de terrible.»

Richard DesLauriers ancien agent du FBI de Boston incarné par Kevin Bacon

«J'ai rencontré beaucoup de survivants dans les semaines qui ont suivi le drame et je n'en suis pas revenu de leur force et de leur courage», indique celui qui a dirigé l'enquête concernant l'attentat au niveau fédéral. Il a aussi été consulté quant à certains points précis du scénario concernant le travail du FBI. «Je pense [que les scénaristes] ont fait cela avec tous les corps policiers et avec les victimes, afin d'être le plus fidèles possible aux évènements.»

Jeff Pugliese sergent de police de Watertown incarné par J.K. Simmons

En réponse à un journaliste qui lui a demandé si l'affrontement final, à Watertown, n'avait pas été «enflé» de façon hollywoodienne, le sergent de police a assuré que la scène était fidèle à la réalité. Réalité qui dépasse parfois la fiction: «J'ai atteint Tamerlan Tsarnaev à cinq reprises et... il tenait encore debout. Je ne sais pas comment il faisait. Et je ne sais pas non plus comment il se fait qu'il m'ait raté, lui : nous étions proches l'un de l'autre.»

Photo AFP

En décembre dernier, au lendemain de la première de Patriots Day à Boston, victimes et policiers représentés dans le film ont réagi en conférence de presse à ce qu'ils avaient vu la veille. Et vécu, il y a près de quatre ans.