Dans Lolo, son sixième film en tant que réalisatrice, la Franco-Américaine Julie Delpy joue le rôle de Violette, la quarantaine, travaillant dans la mode, qui s'éprend d'un gars qui n'est, a priori, pas son genre. La relation se poursuivant, son fils, Lolo, fait tout pour qu'elle cesse. Et quand on dit tout, c'est tout... Sur fond de comédie, le film, dit Julie Delpy, évoque une société occidentale qui manque de plus en plus d'empathie.

D'où est venue l'idée de Lolo?

De discussions avec le producteur et la coscénariste. Je voulais faire une comédie très française. On est finalement arrivé à cette histoire d'enfant-roi et d'une mère de 40 ans qui rencontre quelqu'un. C'est parti aussi du film The Bad Seed, que j'ai vu quand j'étais petite, de thrillers et de films de sociopathes.

Comme dans Tatie Danielle, avec une grand-mère méchante, on a du mal, dans Lolo, à concevoir un fils qui nuit à sa mère...

Je trouvais intéressant de parler de l'enfant-roi qui, aujourd'hui, a pris le pouvoir. La nouvelle génération est sociopathique dans notre société capitaliste. Je montre d'ailleurs dans le film des images du Village des damnés (de John Carpenter) et de La jetée (Chris Marker) qui évoquent quelque part la fin de l'humanité, avec des enfants dénués d'émotion. J'ai l'impression qu'on évolue vers une société comme ça. Quand on voit Donald Trump, ça donne une idée du futur de l'humanité. On est déjà cernés par des sociopathes. Le capitalisme à outrance est l'expression de cette société psychopathe de destruction et de manque d'empathie. On voit des gens mourir à la télé. On n'a plus d'émotion. On devient des monstres.

Du coup, cette comédie est très malsaine...

C'est une comédie avec un fond très sombre. Lolo n'est pas Oedipe. Il n'est pas passionnel. Il est détaché. Sa mère le sert, mais il n'aime pas sa mère. Il la mange plutôt, la vampirise. Aujourd'hui, on est comme ça, dans une société qui prend, mais ne donne pas et n'aime pas.

Heureusement, tous les enfants ne sont pas comme Lolo...

Effectivement, mais il faut leur rappeler qu'être humain, c'est donner et penser aux autres.

Le film a quelques moments comiques... 

Oui, parce que chez Lolo, il y a quelque chose de ludique et d'enfantin. Quand il veut utiliser du polonium, c'est du poil à gratter qu'il choisit. Comme un gamin. En même temps, il est diabolique et manipule les émotions des autres. Mais au final, il perd. C'est normal. On ne peut que perdre quand on ne sait pas donner et qu'on est dans la destruction.

Vous avez toujours autant de plaisir derrière la caméra?

J'adore les deux. J'ai beaucoup de projets dans lesquels je ne joue pas. J'adore être derrière la caméra quand je ne joue pas.

Pour votre prochain projet, vous serez devant ou derrière la caméra?

Le prochain, c'est le dernier dans lequel je fais les deux (rires). C'est un drame que j'ai écrit il y a quatre ans, basé sur des discussions que j'avais eues il y a 26 ans avec Kieslowski. Pour l'instant, ça s'appelle Zoé. Encore un prénom! Chaque film est un enfant!

Un mot sur le débat sur la parité entre les sexes à Hollywood. Vous avez récemment déclaré que «personne ne pense que le prochain Kubrick sera une femme». Il y a encore beaucoup d'injustice envers les femmes réalisatrices?

Les injustices sont complexes, mais à l'Université Southern California, la moitié des étudiants qui veulent faire des films sont des femmes et au final, elles ne représentent que 1,9 % des réalisateurs de films. Ma phrase sur Kubrick était pour cibler les préjugés selon lesquels la femme n'est pas géniale et limitée à un rôle bien précis. Quand elle est réalisatrice, elle devrait se limiter à faire des comédies. Il y a un problème de perception de nos capacités. Les choses changeront quand on me laissera faire les films de science-fiction, de guerre et de drame que j'ai écrits. C'est alors que ça aura changé.

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Lolo est actuellement à l'affiche.