Cent ans après la publication de The Jungle Book, Mowgli et sa bande reviennent au cinéma dans un environnement technologique plus vrai que nature. Petit guide d'une grande métamorphose.

Il y a 100 ans, Rudyard Kipling publiait The Jungle Book. Un demi-siècle plus tard, Walt Disney en supervisait l'adaptation animée. «Il était temps de réactualiser l'histoire pour notre génération», a assuré Jon Favreau, à qui ce remake été confié, lors d'une conférence de presse à laquelle La Presse a assisté.

En compagnie de quelques-uns de ses acteurs (Sir Ben Kingsley, Lupita Nyong'o, Giancarlo Esposito et le jeune Neel Sethi), le réalisateur d'Iron Man et de Chef a expliqué comment il a fait passer «un dessin animé musical destiné aux enfants à un film d'aventures familial» où un garçon filmé en prise de vue réelle évolue dans un environnement et en compagnie d'animaux plus vrais que nature, mais créés en images de synthèse.

Survol des morceaux clés du casse-tête complexe qu'a constitué la fabrication de ce Jungle Book stupéfiant de réalisme.

L'écriture

En juillet 2013, le scénariste Justin Marks est engagé pour scénariser le remake du très aimé film d'animation datant de 1967. Quatre mois plus tard, Jon Favreau s'installe à la barre du projet à titre de réalisateur. «Le plus grand défi de cette aventure était de ne pas trahir les gens qui aiment encore tellement le film classique tout en offrant une nouvelle perspective de cette histoire grâce aux technologies auxquelles nous avons accès aujourd'hui», raconte Jon Favreau.

L'idée étant de créer un long métrage visuellement hyperréaliste, il allait falloir dévier du film d'animation fantaisiste «tout en préservant son charme». Justin Marks et lui ont donc puisé à même l'oeuvre de Rudyard Kipling afin d'intensifier le côté sombre du récit sans toutefois faire une croix sur son côté joyeux et son humour. Important aussi: que l'émotion soit au rendez-vous. «Le spectaculaire ne signifie rien si le public n'est pas émotionnellement touché par les personnages. Chaque histoire a besoin d'humanité.» Même si elle est portée par des animaux.

La voix de la jungle

À l'exception de Mowgli - le petit d'homme trouvé dans la jungle indienne par Bagheera la panthère, élevé pendant 10 années par les loups et à présent menacé par Shere Khan le tigre - , la distribution de The Jungle Book se compose d'animaux. Auxquels il fallait donner une voix. Très tôt dans le processus, Jon Favreau a cherché et trouvé ses acteurs, afin que ce soient eux qui inspirent les artistes chargés de créer les bêtes. Les voici.

Quand est venu le temps d'enregistrer leurs performances vocales, le réalisateur a, le plus souvent possible, convoqué ses «voix» en duo. «En tant qu'acteur, je sais à quel point nous nous appuyons sur notre partenaire dans une scène, le jeu de l'un influe sur celui de l'autre. C'est comme une partie de tennis. Cet échange d'énergie donne forme à la scène. C'est encore plus vrai si on ne peut s'appuyer que sur notre voix», fait Jon Favreau qui connaît cette chanson-là, il l'a jouée, et qui regrette que, souvent, «les directives du réalisateur se résument à: "Peux-tu la faire encore, mais plus fort?" Et c'est la plupart du temps ce "plus fort" qui se retrouve à l'écran. On perd d'autant en nuances et en subtilité». Il a donc visé autre chose.

Photoréalisme animal

S'inspirant des performances des acteurs - qui ont été enregistrées et filmées -, les artistes ont dessiné, modelé, animé des bêtes qui devaient être hyperréalistes. Pas question ici d'anthropomorphiser les alliés et ennemis de Mowgli. Mais il est possible de reconnaître le regard bleu et les manières de Christopher Walken dans King Louie ou encore le charme bourru de Bill Murray dans l'ours Baloo. Cela émerge en pointillé, ici et là, à travers le comportement de ces habitants de la jungle plus vrais que nature... bien que dotés de parole. Là encore, il a fallu y aller en subtilité, en limitant les expressions faciales et les mouvements de bouches/gueules afin de rester «vrai». «Nous avons toutefois un peu augmenté la taille des animaux pour que l'on sente bien à quel point Mowgli est vulnérable à leurs côtés», reconnaît le réalisateur qui a travaillé avec les artistes dont le travail a fait merveille sur Life of Pi, Avatar, Planet of the Apes et Gravity. Il a su que «son» Jungle Book n'était pas qu'un fantasme fou grâce à ces longs métrages-là.

Le petit d'homme

Restait une variable de taille. Sans le parfait Mowgli, l'aventure était vouée à l'échec. Il fallait donc trouver un gamin d'au plus une dizaine d'années capable de porter le récit sur ses épaules. Capable de jouer en l'absence de véritables partenaires, dans des décors quasi inexistants. Quelque 2000 garçons ont été vus. L'un des derniers était Neel Sethi. Expérience professionnelle inexistante. Il a pourtant convaincu Jon Favreau. Immédiatement. «Je n'ai passé qu'une audition. Jon nous a ensuite invités, ma mère et moi, à luncher avec lui. C'est là qu'il nous a dit que j'avais le rôle. Je me sentais bizarre parce que... ç'avait été trop facile», rigole le garçon. Ce qui allait l'occuper pendant les 9 mois suivants - «9 mois, c'était très long pour moi, le 12e de ma vie!» - le serait moins. Afin de lui faciliter la tâche, des marionnettistes ou Jon Favreau lui-même se tenaient à proximité de lui pendant le tournage, pour lui donner la réplique ou le faire réagir à des situations. «Vous ne pouvez pas provoquer ce que nous recherchions en émotions et naturel en réagissant à une balle de tennis au bout d'un bâton», s'amusait le réalisateur lorsque, en janvier, il a révélé et commenté quelques scènes du film à une poignée de journalistes nord-américains.

La jungle et ses habitants

Plus de 70 espèces animales ont été créées en images de synthèse pour peupler une jungle foisonnante en faune et en flore faite elle aussi de pixels. Les artistes ont étudié des photos (100 000 clichés des véritables lieux où se déroule l'histoire ont été pris pour servir de référence) et des heures de documents visuels afin de reproduire de façon hyperréaliste et dans le moindre détail l'environnement luxuriant, les bêtes et leurs déplacements. Aussi, des cascadeurs ont été filmés en capture de mouvement en train de planer comme un écureuil volant ou de se mouvoir comme un tigre. 

«Des décors minimaux ont également été construits, Neel pouvait y grimper, marcher, courir», fait Jon Favreau qui ramenait toujours le garçon à des choses qui lui étaient familières: «Comme il joue au baseball, quand il court avec les buffles, par exemple, je lui ai demandé de s'imaginer en train d'essayer de voler un but.» Ces amorces de décor, entourées d'écrans bleus, ont par la suite été « cousues » à la jungle virtuelle qui, au bout du compte, constitue 80 % de ce que l'on voit à l'écran.

Tournage

L'expérience de The Jungle Book est à ce point immersive que l'on sursaute en voyant, dans le générique, apparaître la mention: «Entièrement tourné au centre-ville de Los Angeles». C'est pourtant le cas. Tout a été fait dans un immeuble de 12 étages qui donne sur l'autoroute 110. Rien de glamour ni d'exotique. Ce sentiment de réalité et «d'être là», exacerbé par une 3D impeccable («Nous avons innové pour obtenir cette brillance et cette perfection dans les détails», indique le réalisateur), vient également de la décision, prise par Jon Favreau, de demeurer dans le plausible. Les caméras ont donc été placées dans des endroits où il aurait été possible qu'elles se trouvent dans un film en prise de vue réelle.

En avant la musique!

Le film d'animation de Wolfgang Reitherman est passé à l'histoire entre autres grâce à ses chansons. Que l'on songe à The Bare Necessities (Il en faut peu pour être heureux) de Terry Gilkyson ou I Wanna Be Like You (Être un homme comme vous) des frères Sherman. «Nous savions que nous devions incorporer au film ces airs auxquels les gens sont attachés, admet Jon Favreau. Mais il fallait que ce soit naturel, organique. Et puis... combien de musique pouvez-vous mettre avant que ça ne devienne un film musical?» C'est en étant conscient de ces possibles écueils que John Debney s'est attelé à la composition d'une trame sonore contemporaine, à l'image de la tonalité plus réaliste et dramatique du remake - tout en réinterprétant et en intégrant, ici et là, des fragments et des échos des chansons du classique. Il a ensuite dirigé un orchestre de 104 musiciens pour enregistrer le tout.

La fin... ou presque

«J'ai appris, avec Chef, que ce que l'on cuisine ne devient véritablement un plat qu'une fois servi et mangé», fait Jon Favreau. C'est ce qu'il vivra la semaine prochaine, lorsque son film sera au menu de milliers de salles. Tandis que, dans une «cuisine» anglaise, mijote une autre version de la même histoire. En effet, Andy Serkis est à la barre de Jungle Book - Origins, qui apprête l'histoire de Mowgli en capture de mouvement. Le résultat, produit par Warner, mettra en vedette Benedict Cumberbatch (Shere Khan), Christian Bale (Bagheera), Cate Blanchett (Kaa) et Serkis lui-même en Baloo, et est attendu le 6 octobre 2017.

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The Jungle Book (Le livre de la jungle) prend l'affiche le 15 avril.

Les frais de ce reportage ont été payés par Disney.