Les deux piliers de DC Comics entrent en collision dans Batman v Superman : Dawn of Justice de Zack Snyder. Fiche signalétique des deux icônes, rencontre avec les artisans du film et retour sur ces acteurs qui, comme Ben Affleck, ont été malmenés après avoir été choisis pour des rôles qui, selon les fans, ne leur convenaient pas.

Batman affrontant Superman. L'homme contre le « dieu ». Le superhéros sans pouvoir contre le Kryptonien tout-puissant. D'accord, l'affrontement a déjà été évoqué, raconté et illustré. Mais de là à en faire un film... Il fallait Zack Snyder, l'homme derrière 300 et le réputé inadaptable Watchmen, pour avoir la bravoure (l'inconscience, avanceront certains) de se mettre à la barre de telle aventure.

« Bizarrement, si le projet n'avait pas fait l'objet d'un long processus d'évolution, il aurait été plus intimidant. Par exemple, si quelqu'un m'était arrivé en me disant : "Hé, tu veux faire un film où Batman se bat contre Superman ?", j'aurais répondu : "O.K., on se calme, là..." Sauf qu'en réalité, le concept s'est installé graduellement à travers le temps et le jour où j'ai commencé à tourner, je l'avais apprivoisé », expliquait le réalisateur lors d'une conférence de presse où il était entouré des acteurs qui l'ont accompagné dans cette aventure aux proportions titanesques.

Ce qui n'a pas empêché le réalisateur, le jour où Ben Affleck en Batman et Henry Cavill en Superman se sont pointés devant sa caméra, de se dire : « Oh merde ! C'est vraiment en train d'arriver ! »

Les germes de Batman v Superman : Dawn of Justice, qui atteindront la maturité dans le diptyque The Justice League, ont été plantés à la fin de Man of Steel. Superman (Henry Cavill) affrontait le général Zod (Michael Shannon) et ses sbires.

Le combat sans merci des Kryptoniens avait causé la quasi-destruction de Metropolis, et la mort de bien des humains. Témoin de la chose, découvre-t-on en ouverture de BvS, Bruce Wayne (Ben Affleck) réalise que l'homme d'acier représente un danger réel pour l'humanité. Qui pourrait l'arrêter si jamais il retournait sa veste (ou plutôt sa cape) ? Batman. Peut-être.

Entrée dans Dawn of Justice. Aventure que Zack Snyder mène, comme à son habitude, à sa manière. C'est-à-dire sans concession à sa vision. Quitte à provoquer des remous. Et ce, dès l'annonce de la distribution.

Ç'avait été le cas pour Man of Steel, quand il avait choisi Henry Cavill, un Britannique, pour incarner le superhéros affichant les couleurs des États-Unis - l'acteur avait remis quelques pendules à l'heure en rappelant avec humour que Superman n'est pas un Américain, mais un extraterrestre. Et vlan !

LE CAS BEN AFFLECK/BATMAN

Cette fois - horreur ! -, Bruce Wayne/Batman serait incarné par Ben Affleck. Celui qui était en vedette dans l'un des pires films du genre, Daredevil, dans lequel il n'avait pas brillé, loin de là. Le tribunal populaire a immédiatement prononcé une sentence de mort. Ça n'a pas fait un pli à l'acteur : il a trouvé assez de chair au Bruce Wayne plus âgé, désabusé, et au Batman plus fatigué, usé - mais tous deux toujours aux prises avec les démons du passé - qui a émergé des pages du scénario de Chris Terrio et David S. Goyer.

« Il y avait là assez pour m'intriguer et m'attirer... même si c'était une expérience intimidante à cause du travail que Christian [Bale] et Chris [Nolan] ont fait récemment avec le personnage », indique Ben Affleck, qui n'a pas vu « une idée folle » dans l'idée de relater le combat entre Batman et Superman. « Enfant, j'ai lu The Dark Knight Returns dans lequel Frank Miller racontait cet affrontement, c'était original, intéressant, moralement très gris et ça a changé ma manière de voir les comic books. Quand j'ai lu ce scénario, j'étais familier avec cette idée que je trouvais déjà brillante et qui n'avait pas encore fait l'objet d'un film. »

LE CAS JESSE EISENBERG/LEX LUTHOR

Ben Affleck a donc foncé. Comme Jessie Eisenberg, lui aussi « média socialement » chahuté après qu'il eut accepté le rôle de Lex Luthor. Malgré son jeune âge. Et ses cheveux, puisque - ô anathème ! - il ne les a pas rasés.

« Il est certainement étrange et déconcertant d'être critiqué pour un rôle que vous n'avez pas encore eu le temps de bousiller », fait, sourire en coin, celui qui s'est parfaitement vu dans le Lex Luthor qu'il a découvert dans le scénario.

Un Lex Luthor qui diffère de celui auquel les fans sont habitués et qui, du coup, lui sied : « Si vous regardez le canon, la mythologie et l'histoire de Superman, je ne suis pas la première personne qui vient à l'esprit quand vous pensez à Lex Luthor. Mais si vous lisez ce scénario, vous comprenez que le personnage a été actualisé, adapté à l'ère moderne et ça, je pouvais le faire. J'espère que les gens, quand ils auront vu le film, comprendront que j'étais plus fait pour le rôle qu'ils ne l'ont initialement craint. »

LE CAS GAL GADOT/WONDER WOMAN

L'actrice et top model israélienne Gal Gadot a également été perçue comme un choix douteux, elle, pour incarner Diana Prince/Wonder Woman : on lui a reproché d'être trop maigre et pas assez plantureuse (!) pour être une princesse amazone crédible.

C'est avec humour qu'elle avait d'ailleurs rabroué ses détracteurs lors d'une entrevue à la télévision : « Des seins, n'importe qui peut en acheter ! Mais comme vous le savez sûrement, les Amazones n'en avaient qu'un, pour ne pas être gênées au tir à l'arc. Alors, si je prends le personnage au pied de la lettre, ça risque d'être un problème... »

Bref, la sculpturale jeune femme qui sera la première à jouer le personnage au grand écran ne s'en est pas laissé imposer. Elle perçoit comme un « grand honneur » d'incarner Wonder Woman et comme une « chance immense » de raconter son histoire (qui sera détaillée dans les prochaines incursions cinématographiques dans l'univers des DC Comics).

« J'ai une fille de 4 ans et elle adore les princesses. Mais en même temps, elle me dit : "Oh, celle-là, elle est tellement faible !" Je suis heureuse d'être celle qui va lui présenter une princesse forte. C'est une histoire importante pour les filles, mais aussi pour les garçons. Qu'ils soient en présence, filles et garçons, d'une superhéroïne solide. »

Batman v Superman : Dawn of Justice (Batman vs Superman :  L'aube de la justice) est actuellement à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.

LES POTS AVANT LES FLEURS

Un acteur ou une actrice est choisi pour interpréter tel ou tel rôle... et c'est le déferlement de protestations. C'est en particulier vrai dans le cas de personnages ayant existé au préalable sur un autre support, car des admirateurs s'en sont déjà fait une image. Le phénomène ne date pas d'hier, mais il s'est amplifié avec l'arrivée des médias sociaux. Jesse Eisenberg y a goûté après avoir décroché le rôle de Lex Luthor dans Batman v Superman : Dawn of Justice. Ben Affleck aussi, beaucoup ne le voyant pas en Batman. L'histoire prouve pourtant que bien de ces choix étaient plutôt éclairés. Quelques exemples.



DANIEL CRAIG: JAMES BOND DANS CASINO ROYALE DE MARTIN CAMPBELL (2006)

« Mon nom est Bland - James Bland. » Bland, c'est « terne » en anglais. C'est ainsi que la célèbre réplique de James Bond a été remaniée quand on a appris que Daniel Craig allait prendre la relève du très classe Pierce Brosnan. Les fans ont menacé de boycotter le film. Maintenant, ils tremblent à l'idée d'une possible défection de l'acteur autrefois mal aimé.

TOM CRUISE: LESTAT DANS INTERVIEW WITH THE VAMPIRE DE NEIL JORDAN (1994) 

Anne Rice a écrit son roman avec Rutger Hauer en tête. C'est finalement Tom Cruise, plus petit et moins blond, qui a décroché le rôle et les crocs du séduisant vampire. L'auteure elle-même s'est prononcée contre ce choix, appuyée en cela par ses lectrices. Mais tout ce beau monde a changé d'avis après avoir vu le film. Mme Rice a même écrit une lettre d'excuses à M. Cruise.

HUGH JACKMAN: LOGAN/WOLVERINE DANS X-MEN DE BRYAN SINGER (2000)

Franchement ! Un Australien de près de 2 m pour incarner un Canadien d'à peine plus de 1,5 m ! Disons que les « fanboys » sont montés aux barricades à l'idée que Hugh Jackman se glisse dans la peau de Wolverine. Mais le grand brun les a tellement convaincus qu'ils en redemandent : il en est à sa huitième apparition cinéma dans ce personnage. La neuvième sera la dernière. Ses anciens détracteurs le pleurent déjà.

VIVIEN LEIGH: SCARLETT O'HARA DANS GONE WITH THE WIND DE VICTOR FLEMING (1939) 

Il avait été question de Katharine Hepburn pour incarner Scarlett O'Hara. Mais c'est la Britannique Vivien Leigh qui a été choisie pour se glisser dans les crinolines de la Belle du Sud. Un journal a alors titré : « Un outrage à la mémoire des héros morts en 1776 pour libérer ce pays du joug anglais ». Imaginons l'équivalent, aujourd'hui, en « poids » médias sociaux.

JUDY GARLAND: DOROTHY DANS THE WIZARD OF OZ DE VICTOR FLEMING (1939) 

Elle est trop vieille, trop grosse, et ses dents... l'horreur ! Ces charmants commentaires ont été émis quand Judy Garland a été préférée à Shirley Temple pour chausser les souliers de rubis de Dorothy. L'oeuvre n'a pas fait un tabac à sa sortie, ce qui aurait donné raison aux détracteurs de l'actrice... si le temps ne s'en était mêlé : le film est à présent considéré comme un classique.

MARLON BRANDO: DON VITO CORLEONE DANS THE GODFATHER DE FRANCIS FORD COPPOLA (1972) 

Imaginons Laurence Olivier dans la peau de Don Vito Corleone ! Paramount était gagné à cette idée, qui ne déplaisait pas à Francis Ford Coppola. Sauf que l'acteur a décliné. Coppola a alors dû convaincre le studio d'y aller pour son autre choix : Marlon Brando. Réputation difficile, mais quel talent ! Sa performance a d'ailleurs été couronnée d'un Oscar ô combien mérité.

RENÉE ZELLWEGER: BRIDGET JONES DANS BRIDGET JONES'S DIARY DE SHARON MAGUIRE (2001) 

Helena Bonham Carter, Rachel Weisz et Kate Winslet ont été considérées pour incarner Bridget Jones, de même que l'Australienne (mais universelle en talent) Cate Blanchett. Que Renée Zellweger, une Américaine, se glisse dans la peau d'un personnage aussi typiquement anglais a été perçu comme une hérésie. Mais on s'est calmé : le film a été un succès critique et populaire.

JENNIFER LAWRENCE: KATNISS EVERDEEN DANS THE HUNGER GAMES DE GARY ROSS (2012) 

« Elle est trop vieille, trop grande, trop costaude ! » Les fans de la trilogie de Suzanne Collins n'ont pas été tendres envers Jennifer Lawrence, lui reprochant aussi sa blondeur et son teint pâle plutôt qu'olivâtre, quand il a été annoncé qu'elle incarnerait « leur » Katniss. Il est pourtant aujourd'hui impossible d'imaginer autrement le Mockingjay.

ROBERT PATTINSON: EDWARD CULLEN DANS TWILIGHT DE CATHERINE HARDWICKE (2008) 

Les fans voulaient un gros nom et une beauté plus « américaine » façon Tom Welling (de Smallville) pour incarner le vampire romantique. Le choix de Robert Pattinson a fait l'unanimité : « Elles ont été unanimement malheureuses », a déclaré le principal concerné. Qui, peu après la sortie du film, a fait face à des hordes de demoiselles déchaînées le suppliant : « Mords-moi ! »

HEATH LEDGER: LE JOKER DANS THE DARK KNIGHT DE CHRISTOPHER NOLAN (2008)

On l'avait vu en chevalier anachronique dans A Knight's Tale, en (pas si) mauvais garçon dans 10 Things I Hate About You et en cow-boy gai dans Brokeback Mountain. Rien dans le C.V. de Heath Ledger pour convaincre qu'il pouvait incarner le mythique sociopathe. On a prédit un désastre. Sa performance (couronnée d'un Oscar) l'a hissé dans les rangs des meilleurs méchants du cinéma.

Sources : Entertainment Weekly, The Observer, The Guardian, Real Style, The Sun