« Un tête-à-tête avec Christian Bale, c'est bon pour toi ? »

Heu... est-ce qu'on demande au skieur québécois s'il a envie qu'une bordée de neige vienne blanchir Noël et le reste des vacances ? Un tête-à-tête avec Christian Bale, en plus à l'occasion de la sortie du formidable (à plus d'un titre) The Big Short d'Adam McKay, c'était oui, oui. Oh, et OUI.

Malgré le caractère imprévisible de l'acteur dont les écarts de conduite sont bien « documentés » et dont la légendaire intensité vire parfois au laconisme extrême lorsque vient le moment de rencontrer les médias.

Mais vivons dangereusement... et OUI. « Tu auras 15 minutes. »

Cool. Habituellement, dans un tel contexte, on parle de 10. Alors, top chrono !

D'abord, l'heureuse surprise : Christian Bale en mode The Big Short est volubile, enthousiaste même. On croit sentir la présence de l'homme, pas de la movie star. Normal : il ne se voit pas ainsi. « Steve McQueen, lui, était une movie star. Il y avait quelque chose de viscéralement cool en lui, quelque chose qui ne peut être feint... au risque d'avoir l'air d'un idiot. Ce sont les gens comme lui que j'admire. »

Il ne pense pas être de ces gens-là. Et comme il ne semble pas abonné à l'autodépréciation, on va le croire. 

« Quand je crée un personnage, j'ai l'impression que ce doit être exténuant. Je cherche cet endroit de "vérité". Et cela n'est jamais facile. Je travaille comme un fou », dit Christian Bale.

Ce, même s'il n'a jamais planifié faire carrière au cinéma. « Mon fantasme, c'était de faire de la course à moto. » Sa soeur, elle, voulait jouer. La famille la suivait. Allait voir la pièce de théâtre, le spectacle. Le jeune Christian affichant une mine renfrognée.

Et puis, après quelques passages à la télévision, il a été remarqué par un certain Steven Spielberg. À 13 ans, il est devenu Jim dans Empire of the Sun. Les dés ont alors été jetés. Christian Bale s'est fait acteur. « Mes parents étaient derrière nous pourvu que nous fassions quelque chose de créatif. Ç'aurait été une autre paire de manches si j'avais parlé de devenir banquier. »

L'ANTIHÉROS

La perche est tendue pour revenir à The Big Short - bien que la relationniste responsable de l'horaire de l'acteur nous indique que dans deux minutes, notre entretien sera terminé. Re-top chrono.

Et les deux minutes ne seront pas suffisantes. Entre autres parce que Christian Bale a vu le film. Pas une, mais trois fois. Normal ? Oui. Mais non : il arrive régulièrement que les comédiens n'aient pas vu l'oeuvre où ils sont en vedette au moment d'en parler aux médias.

Il était impensable pour Christian Bale de faire ainsi cette fois... parce qu'il n'avait qu'une vague idée du film avant d'assister à une projection. Il a en effet travaillé à peu près seul, pendant neuf jours, avec le réalisateur Adam McKay.

« Il est la vraie star ici. Il est parvenu à faire quelque chose d'incroyablement divertissant avec un sujet à propos duquel il était impensable de faire un film ! », dit Christian Bale à propos du réalisateur Adam McKay. 

Sa mission était accomplie avant que le reste de la distribution (qui compte entre autres Steve Carell, Ryan Gosling et Brad Pitt) ne se mette à l'ouvrage.

Dans cette comédie grinçante retraçant les agissements de quatre financiers qui ont anticipé l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis et qui en ont profité, il incarne Michael Burry, ex-neurologue qui a créé le fonds spéculatif Scion Capital. Un être au tempérament particulier, « au cerveau exceptionnel », et atteint du syndrome d'Asperger. Un homme que Christian Bale trouve « merveilleux ».

« Bien sûr, dans le film, vous ne le voyez qu'à un moment où il l'est peut-être moins, et il est le premier à le reconnaître : il n'y a rien d'héroïque à ce qu'il a fait, il a gagné une fortune grâce à la chute de l'économie. »

L'ATTRAIT DU « DIFFÉRENT »

Pour saisir le personnage, l'acteur a rencontré Michael Burry. Un original qui travaille souvent pieds nus, en écoutant du heavy métal ou en jouant de la batterie (ce qui donne lieu à des scènes d'anthologie dans lesquelles Christian Bale est brillant). Un asocial qui communique la plupart du temps par courriel. « Même avec des gens qui sont dans la pièce voisine. »

Comprendre que Christian Bale s'est ainsi, une nouvelle fois, glissé dans la peau d'un homme... disons, psychologiquement différent. « Ce sont les plus intéressants pour moi. Je n'ai jamais vu un film où je me reconnaissais dans le leading man. Il est plus facile pour moi d'avoir de l'empathie pour des personnages "différents". Je les comprends mieux. Et ils m'intéressent. Oui, j'ai joué des leading men - mais ça m'ennuie. »

Et Christian Bale fuit l'ennui. Au point où il peut couper court à une interview qui ronronne trop. Mais quand il embarque, c'est avec sa fameuse intensité. Bref, le chrono s'est finalement arrêté quelques secondes après 18 minutes. Victoire ? Un peu. Soulagement ? Pas mal. Et, surtout, cette impression, trop rare dans ce genre de conditions, de vraie rencontre.

The Big Short (Le casse du siècle) prend l'affiche aujourd'hui.

Les frais de voyage ont été payés par Paramount Pictures.