Dans son premier long métrage, Hors les murs, le cinéaste belge David Lambert racontait une histoire passant de la lumière à l'ombre. C'est l'inverse dans Je suis à toi, son nouvel opus dans lequel joue la Québécoise Monia Chokri.

Qu'il est long, le chemin vers la lumière pour Henri, Lucas et Audrey, les trois principaux personnages de Je suis à toi, deuxième long métrage de David Lambert. Et pourtant, non seulement cette route existe-t-elle, mais elle les conduira vers une vie plus ancrée dans le vrai et le concret.

Mais attention. Ce ne sera pas une promenade dans le parc. Ce chemin de la vie sera lesté d'aspérités. Les personnages vont tomber, se relever, retomber encore. À un point tel qu'en entrevue, on n'hésite pas à demander à David Lambert lequel des trois est le plus heureux...

Au bout du fil depuis Bruxelles, le réalisateur éclate de rire.

«Je pense qu'ils sont tous les trois dans un chemin vers le bonheur, répond-il. Je suis à toi est un film qui va de l'ombre à la lumière alors que Hors les murs allait de la lumière à l'ombre. Ici, dans l'épreuve des trois personnages, le film devient de plus en plus lumineux.»

Campé dans une ville anonyme de Belgique, le film raconte l'histoire de Henri (Jean-Michel Balthazar), un boulanger homosexuel qui vit mal avec l'idée de vieillir seul. Sur l'internet, il rencontre Lucas (Nahuel Perez Biscayart), jeune escort-boy argentin qu'il fait venir en Belgique et dont il s'amourache. Apprenti dans la boulangerie, Lucas est malheureux comme les pierres. Même chose avec Henri. N'étant pas gai, Lucas se rapproche en fait d'Audrey (Monia Chokri), la vendeuse de la boulangerie qui, jeune mère veuve, garde ses distances.

«Mon film relate un parcours vers l'autonomie pour les trois personnages, plaide le cinéaste. Ils sont perdus, ils se cherchent, mais ils se trouvent à l'arrivée. J'ai aussi voulu raconter une histoire de prostitution, mais sans la criminaliser. Tous les films qui parlent de prostitution finissent par criminaliser les personnages. Moi, j'ai voulu faire quelque chose de tendre, de drôle, de dur aussi, mais sans aller dans des chemins connus.»

À propos de l'autonomie des personnages, elle se définit de façon différente chez chacun d'eux. Chez Lucas, elle s'exprime à travers la réappropriation de sa sexualité et de sa faculté d'aimer. Henri doit apprendre à aimer les autres pour ce qu'ils sont et non pour la représentation qu'il se fait d'eux. Quant à Audrey, elle doit quitter la dépendance de son deuil.

Construit à deux

Ce deuil, il est récent. On sent parfois qu'il tend à vouloir se dissiper pour laisser entrer une toute petite lumière. Mais Audrey résiste. Elle s'arc-boute au fond de son âme; elle refuse d'émerger.

«Dans l'histoire, l'amoureux d'Audrey et père de son enfant est mort depuis trois mois, explique Monia Chokri. Elle n'a pas le goût de passer à autre chose aussi rapidement. C'est la rencontre avec Lucas qui la propulse, la bouleverse et lui donne envie de réellement commencer son deuil en laissant aller son amoureux.»

Au cours d'entrevues séparées, la comédienne comme le réalisateur insistent sur le fait qu'ils ont construit ensemble le personnage d'Audrey.

«C'était important pour David que je participe à la création du personnage, dit la comédienne. Plusieurs mois avant le tournage, j'ai passé une semaine avec lui à Bruxelles pour la définir. J'ai beaucoup cherché à lui apporter de réelles couches de profondeur, de faire en sorte qu'elle ne soit pas qu'un accessoire dans l'histoire. On lui a par exemple donné beaucoup d'humour.»

Monia Chokri a été charmée d'apprendre que Lambert avait écrit le personnage en pensant à elle. «C'est toujours touchant quand quelqu'un voit en nous quelque chose qu'on peut apporter à un personnage, dit-elle. David m'a donné envie de faire le film. Le scénario, c'est important, mais la personne qui dirige l'est tout autant. Il faut pouvoir entrevoir une réelle communication et un réel plaisir dans la création du film comme du personnage. Or, je me suis rendu compte que David allait me laisser un bel espace pour développer un personnage intéressant.»

Que voit-elle dans cette histoire? «Je pense que la vraie question est de savoir si on est capable d'aimer à nouveau lorsqu'on est brisé par des événements très durs. Est-ce qu'un individu peut être brisé si fort qu'il n'est plus capable de transmettre cette énergie d'amour qu'il porte? Ce qui n'est pas toujours clair dans cette histoire, parce que ces personnages sont assez brisés.»

Je suis à toi prend l'affiche le 11 septembre.