Qu'il s'en est dit, écrit et entendu, des choses sur Marlon Brando, acteur américain de génie, homme à femmes, militant des droits civiques, casse-tête des réalisateurs et producteurs dont l'accessibilité aux gens s'est refermée peu à peu avec l'âge.

On convient que tout ce qui s'est dit sur lui n'est pas forcément vrai. Mais qu'en est-il de ce que Brando dit sur Brando? Sur l'industrie du cinéma? Sur les films qu'il a tournés? Onze ans après la mort de ce géant, le réalisateur Stevan Riley essaie de répondre à ces questions avec un documentaire, Listen to Me Marlon, bâti autour de quelque 200 heures d'enregistrements audio dans lesquels Brando s'intéresse à sa propre destinée.L'oeuvre a ceci de singulier que personne de l'extérieur n'est interviewé. La vie de Brando est ici reconstruite à partir d'extraits de films, d'entrevues et de cassettes qu'il a enregistrées. Lorsqu'on entend d'autres voix que la sienne, elles nous viennent des enregistrements.

Lancé au Festival de Sundance en janvier dernier, le film prend l'affiche au Cinéma du Parc. Joint à Londres, Stevan Riley nous parle de son projet.

Comment avez-vous eu accès à ces archives?

Dix ans après sa mort [le 1er juillet 2004], ces enregistrements ont commencé à émerger. La succession Brando avait des tonnes de boîtes de biens lui appartenant et j'en ai obtenu l'accès. Il y avait ces enregistrements audio [NDLRr: sur cassettes 4 pistes] qui s'empilaient. J'en ai trouvé aussi ailleurs. Au départ, je n'avais pas d'idée préconçue sur la manière de faire le film, mais peu à peu, en écoutant les documents, je me suis dit: pourquoi ne pas laisser Brando se raconter?»

Brando avait-il l'intention de conserver ces enregistrements secrets?

Je ne pense pas que c'était dans ses intentions. Sans que tout soit parfaitement clair, il avait l'intention de faire un documentaire sur lui-même. Il enregistrait aussi certaines de ses conversations avec des gens de son entourage. En écoutant tout ce matériel, je me suis dit que la forme que je voulais serait probablement la meilleure pour le représenter correctement et proprement. À travers sa voix, nous aurions une meilleure idée de ses pensées, de ses intérêts et de ses échecs aussi.

Devons-nous comprendre qu'il intitulait ses cassettes Self Hypnosis?

Non, c'était le cas avec seulement quelques-unes d'entre elles. Il y a toutes sortes de choses sur ces cassettes, pas seulement de profondes réflexions. On l'entend tantôt parler avec des membres de sa famille, tantôt préparer ses rôles ou encore donner des instructions aux membres de son personnel.

Pourquoi avoir choisi de ne pas faire parler d'autres personnes?

J'ai rencontré une quarantaine de personnes pour ce projet. Aussi intéressantes qu'aient été leurs visions de l'homme, de sa carrière et de sa vie, j'ai eu le sentiment que celles-ci étaient tronquées, morcelées. Personne n'avait une vraie vue d'ensemble de ce qu'il a été réellement. J'ai davantage voulu m'appuyer sur sa propre voix.

Qu'avez-vous appris de Brando que vous ne connaissiez pas?

Tout! J'étais un fan, j'ai vu ses films, j'ai lu sur lui dans les médias. Or, on a dit toutes sortes de choses sur lui. Qu'il était fou, qu'il était paresseux, qu'il n'apprenait pas ses textes, etc. Les enregistrements montrent un autre visage de lui. Par exemple, toutes ces heures où on l'entend préparer ses rôles...

Évidemment, vous deviez faire des choix. Mais pourquoi ne pas avoir abordé la controverse entourant le tournage de L'île du Dr Moreau?

À mon avis, ce n'était pas très pertinent dans l'histoire que je voulais raconter. Ça s'est passé à une époque trouble dans la vie de Marlon, celle où sa fille Cheyenne s'est suicidée. Or, dans le film, nous accordons justement du temps à cet événement dont il a beaucoup souffert.

Photo Jon Furniss/Invision, archives AP

Stevan Riley