L'amour réussit bien au tandem que forment Noah Baumbach et Greta Gerwig. Unis dans la vie comme dans l'art, ces enfants chéris du cinéma indie, qui nous ont donné le très beau Frances Ha, renchérissent avec Mistress America, délirante comédie new-yorkaise dans laquelle Gerwig s'épanouit dans la peau d'une héroïne sans peur et sans le sou.

Joint à son domicile de Brooklyn, le réalisateur Noah Baumbach explique comment a émergé le personnage de Brooke, jeune femme à la page et sans filtre, pleine d'ambitions débridées, qui réside en plein Times Square.

«Greta et moi avions en fait commencé à écrire une tout autre histoire que celle de Mistress America. Par contre, il n'y avait pas vraiment de personnage pour elle. C'est à ce moment que nous avons intégré celui de Brooke. À force de lire ses répliques, nous avons constaté qu'il s'agissait d'un personnage très drôle! C'est ainsi que nous avons reconnu qu'il y avait quelque chose de très attirant dans cette héroïne et avons alors choisi de faire un film sur elle.»

Fabuleux et invraisemblable

Le spectateur rencontre Brooke par l'intermédiaire de Tracy (Lola Kirke), étudiante en littérature qui deviendra bientôt sa demi-soeur. Auteure de nouvelles qui tente d'être publiée, mais qui se bute aux refus bidon d'éditeurs sans envergure, la toute jeune Tracy erre, un peu paumée, dans New York. Elle se laisse convaincre par sa mère d'entrer en contact avec la fille du futur mari de celle-ci.

Pour Tracy (et pour nous, spectateurs), ce coup d'iPhone est une porte qui s'ouvre sur l'univers aussi fabuleux qu'invraisemblable de Brooke.

Coach de spin cycle (du spinning vitaminé pour New-Yorkais qui ont tout essayé), utilisatrice invétérée de Twitter, designer d'intérieur à ses heures, aspirante auteure de série télé, chanteuse dans un groupe à la tombée du jour, femme d'affaires sur le point d'ouvrir un restaurant à Williamsburg, Brooke, comme le chantait Whitney Houston, contient en elle «toutes les femmes.»

Brooke et Tracy, qui sont d'âges et de mondes différents, ont tout pour se taper mutuellement sur les nerfs. Mais le miracle de l'amitié et du cinéma les soude dans une traversée où les répliques s'enchaînent à toute allure.

Un cadeau du ciel

C'est qu'en réalité, Brooke est un cadeau tombé du ciel pour Tracy qui, à l'insu de sa future soeur, se délecte du potentiel littéraire que lui procure une telle héroïne. «Nous voulions faire de Brooke un personnage plus grand que nature, et pour raconter ses péripéties, il nous fallait une structure narrative de facture classique, dans la tradition de Gatsby le magnifique», exprime le réalisateur du film The Squid and the Whale, qui plus d'une fois a donné à New York un rôle central.

«Nous trouvions amusant d'installer Brooke en plein Times Square, un lieu historiquement associé à une image romantique de New York. Jadis, c'était un endroit où se réinventer, où les gens avaient vraiment une chance de toucher au succès. Alors qu'aujourd'hui, ça prend vraiment beaucoup d'argent pour vivre à New York. Brooke, avec son esprit romantique, se bute donc à une réalité difficile, mais se dit qu'elle va au moins tenter sa chance.»

Amies improbables, Tracy la jeune écrivaine et Brooke la magnifique déambulent ainsi dans le New York d'aujourd'hui, de bars en quartiers branchés et en consultation chez un diseur de bonne aventure. Une intrigue comico-contemporaine qui les amène à prendre la route de la banlieue, avec sur la banquette arrière les copains d'université de Tracy. Bref, une apothéose absurde pour une épopée sur les errances d'une génération en quête d'authenticité.

«Je pense que, finalement, Brooke est une petite artiste de l'arnaque qui fait son chemin en profitant de toutes les apparences d'occasions qui se présentent à elle. Elle écume la surface, vit dans la marge.»

Finalement, elle est une statue de la Liberté parlante et ambulante, cette Mistress America.

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Mistress America prend l'affiche le 28 août.