Entre Turin, New York et Dakar, la réalisatrice franco-sénégalaise Dyana Gaye évoque la notion d'exil dans un monde qui emprunte de plus en plus les allures d'un village global.

Ils sont trois. Il y a d'abord Sophie (Mareme Demba Ly). Cette jeune femme quitte le Sénégal pour aller rejoindre son mari, professionnellement retenu en Italie. Abdoulaye (Souleymane Seye N'Diaye) gagne New York à l'aide d'un passeur pour tenter de se faire une nouvelle vie là-bas. Thierno (Ralph Amoussou) est un jeune New-Yorkais qui, en compagnie de sa mère, se rend à Dakar pour la première fois de sa vie afin d'enterrer son père.

Déjà remarquée grâce à des courts métrages primés un peu partout dans le monde, la cinéaste franco-sénégalaise Dyana Gaye signe ici un premier long métrage.

«Il est souvent question d'exil dans mon travail, fait-elle remarquer au cours d'une interview accordée à La Presse dans le cadre des Rendez-vous d'Unifrance. Je m'amuse à tirer toujours un peu les mêmes fils. Cette fois, j'avais envie d'évoquer la diaspora sénégalaise en ouvrant l'histoire sur trois continents. Je voulais aussi mettre de l'avant un personnage féminin en quête d'émancipation et faire cohabiter deux générations de femmes. Le monde a beaucoup changé depuis 15 ou 20 ans!»

Née à Paris d'une mère franco-italo-malienne-sénégalaise et d'un père sénégalais, Dyana Gaye, dont la langue seconde est l'italien, a mis les pieds à Dakar pour une toute première fois à l'âge de 8 ans.

«Plusieurs des scènes du film font appel à mes propres souvenirs d'enfance, explique-t-elle. Les odeurs, les parfums. Et le sentiment que tout est exacerbé. Avec la famille, nous nous y rendions tous les deux ans. À 15 ans, j'ai commencé à y aller seule. Maintenant j'y travaille. Je ne me suis jamais installée là-bas complètement, cela dit. J'aime avoir le Sénégal et la France dans le coeur. J'ai le meilleur des deux mondes. J'ai vraiment été élevée dans le partage des cultures. C'est une grande richesse à mes yeux.»

Un mélange de cultures

Le personnage de Thierno, né aux États-Unis de parents sénégalais, incarne à cet égard ce qu'a vécu la réalisatrice dans son enfance.

«Je suis très admirative de ces gens qui voyagent et qui amènent le mélange des cultures. Que porte-t-on de sa culture d'origine dans un pays d'accueil? Cet équilibre, parfois compliqué, est intéressant à explorer. Je voulais aussi proposer un contrepoint à travers le personnage de Thierno, qui, lui, ne connaît pas du tout sa culture d'origine. Le film choral permet d'aborder ces différentes facettes.»

Dyana Gaye reconnaît ne pas s'être donné une tâche facile. La logistique de ce premier long métrage était plutôt lourde. Même si le noyau des collaborateurs est le même à la base, il a quand même fallu monter, à Turin, à New York et à Dakar, trois équipes différentes, un peu comme s'il s'agissait de trois tournages différents.

Par ailleurs, la cinéaste tenait aussi à décrire le parcours d'une jeune femme qui, pensant retrouver son mari en Italie, un pays dont elle ne maîtrise pas la langue, se découvre plutôt elle-même.

«Même si la société sénégalaise est très matriarcale, il est très rare de rencontrer là-bas une femme seule, indique la réalisatrice. Les traditions sont encore bien ancrées. Sophie découvre un autre monde à Turin. De la même manière, le choc des cultures fera en sorte qu'à Dakar, un conflit éclatera très vite entre la mère de Thierno, qui n'était pas revenue au Sénégal depuis très longtemps, et sa famille.»

Cela dit, le monde change. Avec l'abolition des frontières sur le plan virtuel, la planète se transforme en gros village global. Plus que jamais, les cultures se mélangent. À cet égard, la réalisatrice voulait aussi évoquer la diaspora sénégalaise, dispersée partout dans le monde.

«Tous les Sénégalais connaissent quelqu'un qui vit à l'étranger, fait-elle remarquer. Il y a aussi beaucoup d'entraide dans la communauté. Les exilés sont très organisés.»

Le goût du cinéma

Grâce à sa mère, très cinéphile, Dyana Gaye fut initiée très tôt au cinéma. Et y a pris goût.

«Mon désir de cinéma provient surtout des films musicaux issus de ma génération: Fame, Flashdance, Footloose et tout ça. J'ai alors développé un goût pour la comédie musicale. J'ai étudié la musique et la danse pendant longtemps. Mon prochain film prendra d'ailleurs la forme d'un carnet de voyage musical entre La Nouvelle-Orléans et Saint-Louis au Sénégal.»

Les salles de cinéma étant très rares au Sénégal, Des étoiles sera surtout vu là-bas grâce à des passages à la télé. «Je sais que le film suscite là-bas des discussions très riches. Cela me touche beaucoup», conclut-elle.

Des étoiles est présentement à l'affiche.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.