Qu'est-ce que la conscience? Vaste question insoluble et obsédante, qui a accompagné Neill Blomkamp pendant toute la création de Chappie, dont les premières esquisses datent de 2003, dit-il, en soulignant qu'il s'agit, parmi tous ses films, de celui qui se rapproche le plus de sa vision première.

En gros, l'histoire de Chappie, qui se déroule dans un monde futuriste plutôt sombre, où les forces de l'ordre sont menées par des robots, est celle d'un robot qui sera reprogrammé par un génie (incarné par Dev Patel), afin qu'il puisse penser et ressentir des émotions. Un apprentissage qu'il vit dans une société très violente, entre son créateur qui veut l'amener vers l'humanité et des parents adoptifs criminels (incarnés par Ninja et Yo-Landi Visser, du groupe rap sud-africain Die Antwoord) qui ont sur lui une influence négative.

«Mon point de vue sur l'intelligence artificielle a changé pendant le tournage de Chappie, a expliqué M. Blomkamp lors d'une conférence de presse à New York. Je ne suis pas certain que les humains seront capables de donner naissance à une intelligence artificielle de la façon dont les films la mettent en fiction. Je pense que c'est quelque chose qui trouble les humains et qui nous force à y penser encore et encore depuis des siècles ou depuis que nous sommes conscients. Parce qu'il n'y a pas de réponses, pas d'explications auxquelles se raccrocher. On ne sait juste pas pourquoi nous sommes là, ni comment la conscience a été créée, ni la nature de cette conscience.»

En territoire de Dieu

Dans Chappie, l'idée même qu'un robot puisse avoir une intelligence révulse le personnage interprété par Hugh Jackman, qui, manifestement, a beaucoup aimé incarner un vrai méchant, affublé d'une mullet (qu'on surnomme «coupe Longueuil» au Québec).

Son rôle, une sorte de militaire qui veut créer des robots de plus en plus destructeurs, est en concurrence avec Dev Patel. «De la coupe de cheveux jusqu'à ses actions, personne ne l'aime vraiment», note l'acteur en rigolant.

«Le concept original du personnage de Hugh, précise M. Blomkamp, était qu'il était toujours en opposition à l'intelligence artificielle, le point de vue que si quelqu'un crée cela, il s'aventure dans le territoire de Dieu.»

Hugh Jackman se dit à l'opposé de son personnage. «En général, je suis un optimiste, a-t-il confié.

«Je sais qu'à chaque tournant majeur de l'histoire, la création du train, par exemple, il y avait beaucoup de gens qui pensaient que c'était la fin de la civilisation, la route de la damnation pour l'humanité.

«Je crois fermement que la force de la nature humaine est pour le bien, et qu'elle a plus de poids que le mal. C'est peut-être une vision naïve, le fait que peu importe la connaissance que nous gagnons, que si d'une façon ou d'une autre nous comprenons la conscience ou réussissons à la créer, ce sera pour le bien.»

Humanité

Sigourney Weaver a hérité d'un petit rôle, celui de la directrice de l'entreprise où sont fabriqués les robots, mais, comme on le sait, elle a une solide expérience des films de science-fiction, elle qui sera pour toujours la fameuse Ripley des films Alien.

Elle souligne la dimension sociale toujours présente dans les films de Blomkamp, qui lui vient beaucoup de ses racines sud-africaines.

«Ce que j'aime des films de Neill, les trois que j'ai vus, affirme-t-elle, c'est qu'alors que les gens voient souvent les films de science-fiction comme 'légers', ceux de Neill ont toujours quelque chose de vraiment important qui fait réfléchir. Je pense que le film a beaucoup à dire sur ce qu'est un être humain et, en un sens, 'humain' est un mot difficile à définir, parce qu'il y a tellement d'actes inhumains perpétrés par des humains dans ce film, et pas par les robots.»

Le robot-enfant

Tout de même, l'humain dans Chappie existe pour vrai: le comédien Sharlto Copley avait la difficile tâche non seulement d'humaniser un personnage numérique qui est un robot (donc sans les traits humanoïdes) par les miracles de la technologie, mais aussi d'incarner un enfant, puisque Chappie est en quelque sorte une conscience naissante, pure et naïve.

«C'était une expérience vraiment amusante d'incarner un enfant la plupart du temps, raconte-t-il.

«Nous avons utilisé un procédé qui, je pense, va devenir de plus en plus répandu à Hollywood, qui capture une performance alors que je porte un habit gris, et que je suis capable d'interagir avec tout le monde sur le plateau. Une incroyable équipe d'animateurs doués a seulement ajouté Chappie sur moi.

«Chappie a un visage limité; moi, je pouvais utiliser tout mon visage alors que les animateurs n'avaient que certains éléments, comme une oreille. C'était une expérience magique de voir 200 personnes donner naissance à un être totalement nouveau. À plus petite échelle, c'était comme créer une intelligence artificielle.»

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Les frais de ce reportage ont été payés par Sony Pictures.