Marion Cotillard tourne sous la direction des plus grands cinéastes du moment, mais jamais elle n'aurait cru voir son rêve de travailler avec les frères Dardenne se matérialiser un jour. L'expérience avec eux fut à la hauteur de ses attentes. Et même au-delà.

Marion Cotillard se souvient très bien de la première fois où elle a eu l'occasion de croiser Luc et Jean-Pierre Dardenne. C'était sur le plateau de De rouille et d'os. L'excellent film de Jacques Audiard était en partie produit par les frangins belges, dont l'actrice est l'une des plus ferventes admiratrices.

«On s'est croisés, se rappelait-elle au cours d'une rencontre de presse tenue à Paris il y a quelques mois. J'ai vu et adoré tous leurs films, mais nous ne nous sommes pas alors engagés dans une longue conversation. Aussi ai-je eu la surprise de ma vie quand, quelques années plus tard, ils ont demandé à me rencontrer. Jamais je n'aurais pu seulement imaginer qu'ils puissent me proposer un rôle dans un film. Dans mon esprit, leur cinéma m'était complètement inaccessible en tant qu'actrice. Grâce à mon aventure américaine, j'ai eu la chance de travailler avec des cinéastes incroyables, de qui je n'aurais même pas osé rêver, mais les Dardenne, ça me semblait vraiment impossible. Habituellement, ils travaillent seulement avec des acteurs belges. Et surtout avec des gens qui ne traînent pas déjà un passé aux yeux du spectateur.»

L'actrice, lauréate d'un Oscar grâce à La môme (La vie en rose) en 2008, a mis du temps à y croire. Lors du premier rendez-vous, organisé pour discuter de Deux jours, une nuit, elle a même dû s'excuser auprès des cinéastes tellement elle avait du mal à se concentrer.

«J'étais complètement bouleversée. À l'intérieur de moi-même, c'était comme un parc d'attractions! À partir du moment où je leur ai exprimé mon émoi, les choses se sont replacées. Je crois qu'ils ont été un peu surpris par mon émotion quand même. Je vous raconte ça de manière rationnelle, mais sur le coup, croyez-moi, c'était beaucoup plus intense! J'étais excitée comme une petite fille devant une glace au chocolat!»

L'état d'esprit d'une époque

Deux jours, une nuit passera à l'histoire comme une oeuvre ayant parfaitement su capter l'état d'esprit d'une époque, particulièrement dans le monde du travail. Et la nouvelle réalité dans laquelle ce milieu évolue. Marion Cotillard y incarne Sandra, une femme qui sort à peine d'une dépression. Un vendredi, elle apprend son licenciement, résultat d'un pacte aussi odieux que cornélien qu'a fait le patron de la boîte (Olivier Gourmet) avec ses salariés.

Ce dernier avait en effet demandé à ses employés de voter pour l'une des deux options suivantes: on licencie Sandra, et tous ceux qui restent conservent une prime de 1000 euros (1500$ environ), ou Sandra reste à son poste, mais la prime disparaît. Autrement dit, le sort de cette femme est remis entre les mains de ses collègues.

Quand le patron consent la tenue d'un nouveau scrutin le lundi suivant, Sandra entreprend alors d'aller convaincre un à un ses collègues pendant le week-end.

Les Dardenne n'ont pas hésité à plonger celle qui incarne présentement l'image très glamour de Dior dans un monde ouvrier. Pour l'actrice, rien de tout ça ne lui est étranger de toute façon.

«Je viens d'un milieu modeste, dit-elle. Je sais ce que c'est que d'avoir de la difficulté à boucler ses fins de mois. Je ne me suis pas extirpée de ce monde-là parce que je suis devenue actrice. Je suis dans la vie. En plein dedans. Pas à l'extérieur. Les Dardenne aussi. C'est la raison pour laquelle leur cinéma me touche autant. La course folle dans laquelle la société est engagée entraîne forcément des drames. Le problème aujourd'hui, c'est que c'est devenu banal. Comme une résignation presque.»

Exigence extrême

Marion Cotillard estime très enrichissante cette expérience de tournage avec des cinéastes réputés pour leur exigence extrême.

«Comme ils tournent seulement en plans-séquences, il est parfois difficile d'atteindre au bon moment les états émotionnels tumultueux requis par la scène. Pour une actrice, c'est une expérience extraordinaire, cela dit. Il faut puiser en soi l'imagination pour nourrir une scène qu'on refait 50 fois, ou même 80 fois. J'en ai appris beaucoup sur qui je suis en tant qu'actrice. Je ne croyais pas mon imagination si productive. Je me suis inventé la vie de Sandra. Je l'ai écrite sur papier. J'ai partagé certaines choses du personnage avec les Dardenne, mais pas tout. Les raisons de sa dépression par exemple.»

L'actrice l'affirme sans ambages: Deux jours, une nuit constitue un sommet dans sa carrière. L'expérience avec Luc et Jean-Pierre Dardenne fut à la hauteur de ses attentes et même bien au-delà.

«Ils sont vraiment dans une classe à part, fait-elle remarquer. J'avais déjà eu la chance de vivre des aventures de cinéma merveilleuses auparavant, mais je peux dire qu'avec eux, j'ai vécu la plus grande expérience de ma vie.»

Deux jours, une nuit prend l'affiche le 9 janvier. Les frais de voyage ont été payés par Métropole Films Distribution.