Il y a des films musicaux gentils. Et il y a Whiplash. Réalisé par Damien Chazelle, ce long métrage évoque avec la force d'un ouragan la relation toxique et destructive d'un professeur de jazz et de l'un de ses élèves, batteur dévoré par l'ambition.

À quel moment l'ambition prend-elle le dessus sur le plaisir? Jusqu'où faut-il aller pour être le meilleur? Comment peut-on s'extirper des pièges de la manipulation?

Plusieurs questions de ce genre viennent à l'esprit du spectateur de Whiplash, du réalisateur américain Damien Chazelle. Un film qui nous fait vivre des situations qu'on a souvent l'habitude de voir dans le monde du sport: l'abus, la disproportion, les dangers inhérents au désir de se surpasser.

Le film gravite autour de la rencontre d'Andrew (Miles Teller), jeune batteur de jazz soumis et ambitieux, et de Terence (J.K. Simmons), professeur et chef d'orchestre démoniaque et manipulateur. L'un comme l'autre pourtant rament dans la même direction: Andrew veut être le meilleur batteur du monde et Terence souhaite conduire le meilleur orchestre du pays, peu importe les blessures à l'âme infligées aux jeunes gens qu'il dirige.

En entrevue, tant le réalisateur Damien Chazelle que le comédien Miles Teller, musiciens de formation, affirment que la fiction n'est pas loin de la réalité.

«À l'école secondaire, j'étais batteur dans un groupe de jazz. Nous participions à des compétitions et le professeur était très dur, dit M. Chazelle. J'ai puisé dans mes souvenirs pour construire cette histoire. J'avais envie de traduire la peur et le stress vécus. Il y a eu plusieurs films musicaux joyeux. J'ai voulu montrer l'envers.»

Miles Teller, aussi, a appris la musique et a joué plusieurs instruments étant enfant et adolescent. «J'ai joué du saxophone dans un band. Mon professeur n'était peut-être pas aussi intense que Terence, mais oui, on pouvait se faire crier après.»

Au premier coup d'oeil, on pourrait détester le maître dans sa façon de traiter l'élève. Or, à bien y regarder, chacun a ses torts dans cette histoire. Damien Chazelle est d'accord.

«Pour l'histoire, je voulais avoir deux personnages qui vont dans l'excès, dit-il. Chacun fait de mauvaises choses au nom de l'art. C'était intéressant. Tu es contre quelque chose, mais tu le fais quand même. J'aime ce dilemme.»

Sous le vernis

Entre Andrew et Terence, le premier est un personnage plus intéressant en raison de son changement d'attitude à mesure que l'intrigue se déploie.

Comédien bourré de talent qui donnait la réplique à Nicole Kidman dans Rabbit Hole et qui sera Mr. Fantastic dans Les Quatre Fantastiques de Josh Trank [sortie prévue en 2015], Miles Teller dit qu'il ne pouvait laisser passer le rôle d'Andrew.

«Je venais de tourner cinq films à la chaîne et je voulais prendre un peu de repos. Mais après avoir lu le scénario, il n'était pas question de laisser filer ce rôle, dit Teller. Ce que j'aime d'Andrew, c'est de voir ce jeune homme effacé et un peu mou devenir ambitieux, froid, déterminé. Sous le vernis du bon gars, il y a un battant.»

Ayant déjà remporté de nombreux prix et encensé par la critique, Whiplash nous arrive précédé de rumeurs qui l'envoient à la soirée des Oscars. À ce propos, Damien Chazelle se montre philosophe. «C'est plaisant et c'est amusant d'espérer. Tout ce que je souhaite cependant est que les gens aillent voir le film et en discutent entre eux. Le reste, c'est du bonus.»

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Whiplash prend l'affiche le 28 novembre.