Au cours des dernières années, Maxence Bradley a signé quelques courts métrages en plus d'avoir été le producteur exécutif du film Triptyque de Robert Lepage et Pedro Pires. Or, Bradley a décidé de prendre les rênes d'une école de cinéma en Haïti. Il nous explique pourquoi.

En janvier 2014, Maxence Bradley s'est rendu à Jacmel, en Haïti, afin d'enseigner la production au Ciné Institute. Après six mois de travail, il était tellement enchanté par cette expérience qu'il a décidé d'y retourner au moins un an, peut-être deux, afin de prendre la direction de l'école.

Après avoir passé les mois de juillet et d'août à Montréal, le temps de régler ses affaires, Bradley est déjà de retour en Haïti, autant porté par ses projets personnels que professionnels.

«Jacmel est la capitale culturelle du pays et on y trouve deux écoles, le Ciné Institute et le studio d'enregistrement sonore Audio Institute [appuyé par le groupe Arcade Fire]. Les deux institutions sont en expansion et on avait besoin d'une personne avec une grande connaissance du cinéma, de la production et de la réalisation, pour pousser la Ciné Institute encore plus loin», explique Bradley dans une entrevue réalisée par Skype.

Lorsqu'on lui a offert le poste, ce dernier, qui aime bien travailler par cycle, y a vu une occasion de vivre une nouvelle expérience. «Je venais de terminer mon travail sur le film Triptyque auquel j'ai consacré quatre ans de ma vie», dit-il.

Plus fondamentalement, Bradley estime que le cinéma haïtien actuel se fait avec une forme de pureté qui lui plaît et qui ne se voit pas nécessairement ailleurs.

«Ici, je retourne à ce que j'aime, c'est-à-dire le cinéma à l'état brut, dit-il. On ne tourne pas dans la ouate comme on le fait souvent à Montréal. On tourne avec peu de moyens, dans une certaine forme d'urgence. Et en Haïti, le cinéma est en plein développement. C'est un excellent moment pour venir ici et aider l'industrie cinématographique à se construire.»

Une grande solidarité

M. Bradley estime aussi que le manque de ressources se traduit par une grande solidarité entre gens de l'industrie. «J'ai le sentiment que tout est possible ici. Il n'est pas question d'attendre après les institutions, parce qu'il n'y en a pas. Donc, tout est question de s'organiser, de mettre nos ressources en commun, de tourner avec nos amis. Tout cela donne une certaine liberté qu'on a moins dans certains autres pays.»

Le Ciné Institute accueille un peu plus d'une soixantaine d'élèves dans un programme de deux ans. À raison de 40 heures par semaine, les cours portent autant sur l'histoire du cinéma que sur l'éthique de travail, les techniques de caméra, le montage, la production, la réalisation, etc. Le corps professoral compte des expatriés, dont un autre Québécois, Vincent Toi du Centre PHI, et des Haïtiens.

«J'ai certains objectifs personnels pour mes étudiants, ajoute M. Bradley. Je veux leur apprendre à rayonner, aux niveaux national et international. Le cinéma haïtien a actuellement la cote. Il faut profiter de cet élan pour attirer l'attention.»

D'ailleurs, des oeuvres réalisées au Ciné Institute ont récemment été présentées au festival Off-Courts de Trouville, en France. D'autres le seront au Festival international du film black de Montréal, qui commence le 23 septembre.

Et qu'en est-il de vos projets personnels, M. Bradley? «J'ai le sentiment de créer plus que jamais, répond ce dernier. J'ai déjà réalisé un clip et je prépare une exposition de photos sur les métiers exercés ici. Avec ma moto, je parcours la campagne haïtienne et je photographie les gens dans leur quotidien. C'est très loin de ce qu'on voit habituellement d'Haïti avec ses catastrophes, sa misère, etc. J'aimerais aussi faire un documentaire.»