Après Sandra Bullock dans Gravity, Robert Redford dans All Is Lost, James Franco dans 127 Hours ou encore François Cluzet dans En solitaire, Mia Wasikowska se lance à son tour dans une aventure en quasi solo dans Tracks de John Curran, où elle se glisse dans la peau d'une jeune femme qui a traversé, seule, les étendues désertiques de l'Australie.

Pour le réalisateur américain, le choix de la jeune comédienne découverte dans In Treatment, qui a ensuite fait merveille dans Alice in Wonderland, s'est imposé.

«D'abord, sans une tête d'affiche australienne, je n'aurais pas fait le film, indique John Curran (The Painted Veil) en entrevue téléphonique. Et quand on cherche une actrice dans la vingtaine pouvant porter un film sur ses épaules, les noms se comptent sur les doigts d'une main.»

Mia Wasikowska était de ces noms. «Elle était celle que nous espérions tous avoir.» Et elle a accepté, très rapidement. «À cause des chameaux, je crois», pouffe le réalisateur.

Oui, les chameaux. Ils sont quatre. Comme dans la «vraie vie», alors qu'en 1977, une jeune femme de 27 ans, Robyn Davidson, s'est lancée dans la traversée des déserts de l'Ouest australien. Plus de 2700 km, d'Alice Springs à l'océan Indien. Un voyage de neuf mois. En compagnie de Dookie, Bub, Zeleika et Goliath. Les chameaux, ce sont eux. La caravane était complétée par une chienne appelée Diggity.

Au début des années 80, Robyn Davidson a relaté son aventure dans un récit autobiographique, Tracks. «À cette époque, en Australie, c'était pour ainsi dire une bible pour les amateurs de randonnée extrême», raconte le réalisateur qui venait de s'installer down under pour quelques mois, afin de se sortir de sa zone de confort - comprendre New York - et qui y est finalement resté 18 ans. «J'en ai tellement entendu parler que même si je n'avais pas lu le livre, cette histoire faisait partie de moi. Quand le projet de film m'a été présenté, j'étais prêt.»

Prêt à s'atteler à «un film australien» qui rendrait hommage aux paysages époustouflants des lieux et à l'aventurière maintenant âgée de 63 ans. «Nous tenions tous, producteur, scénariste et moi, à faire un long métrage qui soit authentique face à ce que Robyn avait vécu. Pas question d'ajouter du drame, d'adoucir les personnages, d'insérer de la romance.» Comprendre que son «film australien» ne jouerait pas des canons hollywoodiens.

Devant l'objectif

Parce que romance, il aurait pu y avoir. Pour financer son expédition, l'aventurière (qui a plus tard eu une liaison avec Salman Rushdie) a accepté d'être commanditée par National Geographic - ce, par l'intermédiaire du photographe Rick Smolan. Qui, du coup, a passé quelques jours - et quelques nuits - en sa compagnie, pour témoigner visuellement de l'épopée. Oui, ils ont eu une aventure. Mais Tracks ne l'élève pas au rang des grandes amours épiques. On sent là un besoin primaire de contact humain plus qu'autre chose.

Pour incarner le photojournaliste, Adam Driver. Oui, le petit ami plutôt... particulier, de Lena Dunham dans Girls. «Je voulais un acteur américain qui possède un genre de maladresse sociale et physique, mais qui paraisse immédiatement très intelligent et sympathique. On m'a mentionné ce «gars» qui jouait dans la série Girls, que je n'avais jamais vue et... oui, c'était lui. En plus, il ressemble vraiment à Rick.» Comme Mia Wasikowska ressemble à Robyn Davidson - qui a, au besoin, servi de consultante sur le film, sans s'imposer toutefois.

Pour ce qui est du tournage, il s'est tenu pendant huit semaines dans les étendues désertiques de l'Australie. Pas exactement là où s'est déroulée la véritable traversée, mais dans des paysages - spectaculaires - qui ressemblent à ceux que l'aventurière a traversés. Et pour toute l'équipe, le grand défi n'était pas la température - enfin, peut-être un peu pour les chiens qui incarnaient Diggity et, noirs de pelage, souffraient de la chaleur alors que les chameaux étaient là comme des poissons dans l'eau - mais le fait de devoir, chaque matin, monter à bord des voitures et tourner dans des endroits éloignés de tout.

«Nous étions constamment à la course parce que nous perdions quotidiennement des heures de tournage à cause de ces déplacements», explique John Curran qui a aussi décidé de filmer non pas en numérique, comme cela est pour ainsi devenu la norme, mais sur pellicule. «C'est une façon de faire qui disparaît et je voulais que ce qui est probablement mon dernier film tourné ainsi le soit pour de véritables raisons. C'est le cas ici puisque ça donne un look classique au résultat et que ça met en valeur les plans larges - or, je voulais beaucoup de ces plans-là.»

Parce que la quête de Robyn Davidson, sa longue marche vers elle-même, est inséparable des paysages où elle a laissé ses traces. Ce qu'elle a vécu l'a changée. Ce qu'elle a vu, aussi.

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Tracks prend l'affiche le 6 juin