Sara Forestier campe Suzanne, l'héroïne du deuxième long métrage de Katell Quillévéré. Pour ce faire, l'actrice s'est investie à fond afin de rendre le plus authentiquement possible ce personnage de mère adolescente qui abandonne tout pour suivre un type dont elle est amoureuse.

Révélée adolescente grâce au film d'Abdellatif Kechiche L'esquive, Sara Forestier mène depuis une dizaine d'années une carrière florissante au cinéma. Lauréate du César de la meilleure actrice il y a trois ans (pour Le nom des gens de Michel Leclerc), la jeune femme n'hésite jamais à plonger au coeur d'aventures où se trouvent de véritables défis d'actrice.

Dans Suzanne, qui avait fait l'ouverture de la Semaine de la critique à Cannes l'an dernier, Sara Forestier incarne - sur une durée de 25 ans - une femme ayant été mère dès l'adolescence. Elle vit modestement avec son père routier qui fait du mieux qu'il peut (François Damiens) et une soeur à laquelle elle est très liée (Adèle Haenel).

La vie de Suzanne bascule le jour où cette dernière quitte les siens pour aller suivre un petit malfrat dont elle est tombée amoureuse.

Les visages

Cette histoire de cavale, bien que classique, n'est pas traitée de manière habituelle par la réalisatrice Katell Quillévéré (Un poison violent).

S'intéressant d'abord et avant tout aux personnages, la cinéaste préfère filmer les visages plutôt que les actions des protagonistes. Elle filme aussi ceux qui restent à la périphérie de cette histoire mais qui en subissent néanmoins les conséquences.

«Katell est une réalisatrice audacieuse, faisait remarquer Sara Forestier lors d'une rencontre de presse organisée dans le cadre des Rendez-vous d'Unifrance à Paris. Elle a un goût pour l'absolu et cette histoire possède un beau souffle romanesque. Il n'y a aucun cynisme dans sa démarche.

«En revanche, elle ne craint pas les partis pris forts. On trouve des choses traitées en creux dans son film mais aussi des choses très frontales. Katell préfère être audacieuse et afficher un certain goût du classicisme plutôt que de montrer sa jeunesse à tout prix pour faire partie des modernes. Cela tombe bien car sur certaines choses, j'ai aussi des goûts à l'ancienne!»

L'actrice affirme en outre que le fait d'avoir été dirigée par une réalisatrice a fait une différence cette fois-ci.

«Je dirais qu'une grande sensibilité féminine traverse ce film, dit-elle. De par l'idée de déductions, de traiter de choses qui se jouent dans les détails. Le personnage est profondément romantique mais la structure du film n'est pas du tout figée dans un romantisme bien huilé, comme certains réalisateurs seraient peut-être tentés de faire. Nous sommes ici loin de Roméo et Juliette. C'est beaucoup moins glorieux.»

Une approche physique

Pour rendre justice au personnage, Sara Forestier s'est beaucoup investie sur le plan émotif. Au point où elle a vécu le dernier jour de tournage comme une «libération».

«J'essaie toujours d'avoir une approche très physique quand j'aborde un rôle, explique-t-elle. Pour Suzanne, j'avais envie d'être tellement chargée sur le plan émotif que mon visage s'en est trouvé transformé de l'intérieur. Je voulais que cette émotion-là puisse être ressentie par le spectateur. Et je ne souhaitais surtout pas être dans la démonstration.

«Alors oui, c'est vrai, poursuit-elle. La fin de ce tournage fut une libération. J'étais habitée par ce personnage lourd à porter. Suzanne est probablement le film qui a exigé le plus de concentration. C'est ce que je voulais. Aucun metteur en scène ne m'avait encore laissée m'emparer d'un personnage à ce point-là. Pour atteindre une certaine vérité, il faut toujours convoquer des douleurs très sourdes, même si elles ne nous appartiennent pas. Un acteur prend plaisir à l'idée de vivre quelque chose d'intense. J'ai vécu le truc en même temps que le personnage. Cela parfume le tournage. Et ça se voit à l'écran je crois.»

Communauté d'esprit

Si la démarche qu'emprunte Katell Quillévéré diffère de celle d'Abdellatif Kechiche, l'actrice reconnaît néanmoins une certaine communauté d'esprit entre les deux cinéastes.

«Katell et Abdel sont des cinéastes qui transcendent le réalisme. Abdel essaie de filmer l'âme des comédiens. Il cherche une vérité à travers le mystique. Sa quête s'exprime à travers la sexualité, la nourriture. Il essaie de capter la quintessence de ce qu'est la vie. De son côté, Katell transcende le réel à travers le romantisme. C'est ce que j'aime au cinéma.»

Sara Forestier compte par ailleurs se lancer dans la réalisation d'un premier long métrage. Un prolongement naturel pour une actrice qui, depuis toujours, s'intéresse à tous les aspects de l'art cinématographique. Adèle Exarchopoulos (La vie d'Adèle) en sera la tête d'affiche.

Suzanne prend l'affiche le 30 mai.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.