Le réalisateur français Jean-Paul Salomé était de passage à Montréal récemment pour faire la promotion de sa comédie policière Je fais le mort, extrêmement bien accueillie à sa sortie en France, en décembre dernier. La Presse l'a rencontré.

Pour Jean-Paul Salomé, il s'agit d'un retour à la comédie. Ses deux premiers films, Les braqueuses et Restons groupés, étaient en effet des satires, mais depuis une dizaine d'années, le réalisateur n'a tourné que des drames, dont Belphégor, Les femmes de l'ombre et Le caméléon (qui mettait en vedette Marc-André Grondin).

Cette fois, Jean-Paul Salomé, qui a aussi signé l'adaptation d'Arsène Lupin, de Maurice Leblanc, a décidé de mélanger les genres avec cette comédie policière. Est-ce risqué de puiser à la fois dans les codes de l'humour et du polar? «Oui, je pense, répond-il. Je m'en aperçois maintenant...»

«Je me suis dit qu'il fallait que je fasse un cocktail où il y a deux tiers d'humour, un tiers de polar. Mais pour que ce cocktail fonctionne, je devais trouver une intrigue policière assez complexe de manière à ce qu'on ne dise pas «pourquoi la justice n'a pas compris», mais sans qu'elle ne vampirise le film et tue la comédie.»

Truffaut et Chabrol

Jean-Paul Salomé avoue avoir été inspiré par le ton du film Vivement dimanche!, de François Truffaut, ainsi que par les films L'inspecteur Lavardin et Poulet au vinaigre, de Claude Chabrol. «Ce sont des comédies policières qui ont réussi à marier la comédie et l'intrigue policière et qui m'ont guidé.»

La matière de son film Je fais le mort lui a été fournie par le journal Libération, il y a de cela quelques années. Le réalisateur y avait lu les témoignages d'acteurs au chômage, qui avaient participé à des reconstitutions de scènes de crimes en présence des présumés coupables.

Les acteurs disaient en somme avoir été troublés par l'expérience de ces prestations faites pour la justice.

«Les reconstitutions de scènes de crimes sont fréquentes en France, nous dit Jean-Paul Salomé. C'est dans la loi française. Ce qui l'est moins, c'est d'embaucher des acteurs pour jouer le rôle du mort dans des cas de meurtres. C'est une pratique expérimentale qui a été faite à la suite du refus de certains policiers de se prêter à ce jeu-là...»

C'est ainsi qu'est né le personnage de Jean Renault (clin d'oeil à l'acteur Jean Reno). Un comédien au chômage avec qui personne ne veut travailler tellement il est pointilleux. Une façon polie de dire que le comédien, interprété par François Damiens, est chiant et malcommode.

Ce Jean Renault bourru acceptera donc - pour des raisons alimentaires - de travailler avec la police de Megève, qui procédera à la reconstitution d'un triple meurtre commis un an plus tôt. Son obsession des détails jettera un éclairage nouveau sur l'enquête un peu bâclée menée par la juge d'instruction (Géraldine Nakache).

Jean-Paul Salomé s'est dit qu'il y avait «quelque chose de drôle à faire avec ça». «Les reconstitutions sont des tournages en soi, explique-t-il. Une scène qui se passe la nuit dehors, on la rejoue la nuit dehors. S'il pleuvait le soir du meurtre, on attend qu'il pleuve pour faire cette scène!»

Le centre de ski hors saison

Pourquoi avoir tourné le film à Megève, en Haute-Savoie? «J'avais depuis longtemps envie de tourner à la montagne, mais hors saison. Je trouvais qu'il y avait quelque chose d'absurde dans ces stations de ski où tout est arrêté. Une fête foraine où il n'y a personne. Ça crée une ambiance propice au drame policier.

«Megève aussi, poursuit Jean-Paul Salomé, pour le côté Chabrol, avec ce village bourgeois, riche, avec ses magouilles, ses notables, son trafic d'influence. Megève regroupait tout ça. La montagne, la station. Je cherchais un lieu qui soit à la fois joli et snob...»

Le succès du film repose bien sûr sur la performance des acteurs, François Damiens au premier chef.

Il a fait appel à l'acteur belge après avoir écrit le scénario. «François a cette capacité à porter la comédie sur un terrain un peu décalé, à créer quelque chose d'assez humain. Je pense qu'il avait ce corps, cette manière de bouger, ce visage pas commun qui font que ce personnage occupe l'espace et l'écran de manière originale.»

Quant au rôle de juge d'instruction, Jean-Paul Salomé souhaitait qu'il soit interprété par une femme.

«Les femmes juges d'instruction que nous avons rencontrées nous ont toutes dit qu'au début de leurs carrières, elles devaient faire preuve de beaucoup d'autorité pour affirmer leur pouvoir, parce que c'est un milieu un peu machiste dominé par les hommes. Je trouvais donc intéressant de confier le rôle à une femme.»

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Je fais le mort prend l'affiche le 18 avril.