Depuis Antichrist, Charlotte Gainsbourg est la muse d'un cinéaste qui cherche à pousser la provocation toujours plus loin. L'actrice n'hésite pas à suivre Lars von Trier dans son univers, un être fascinant qui, à ses yeux, reste très mystérieux.

Dans Nymphomaniac - Volume 1, dont la version «censurée» prend l'affiche au Québec vendredi simultanément avec Nymphomaniac - Volume 2, Charlotte Gainsbourg ne fait essentiellement que parler. Le personnage qu'elle interprète, Joe, se raconte en effet à Seligman (Stellan Skarsgård), un inconnu qui vient de la recueillir blessée dans une ruelle. Et qui l'a ramenée chez lui afin de l'aider à panser ses blessures. Cette femme qui ne s'aime pas, nymphomane autoproclamée, déballe alors tout son passé sexuel devant ce célibataire endurci sans libido. La vie de Joe défilera ainsi en huit chapitres distincts, livrés en deux films (le Volume 1 fait 110 minutes; le Volume 2 en fait 130).

Joe étant interprétée par la jeune Stacy Martin dans les retours en arrière du Volume 1, Charlotte Gainsbourg fait sa véritable entrée au début du Volume 2, alors que le personnage entame sa vie de femme plus mûre. C'est alors que l'actrice est impliquée dans des scènes de nature plus sexuelle, lesquelles font écho à la quête sans fin d'une femme dont l'appétit ne peut jamais être rassasié. Des acteurs pornos ont été réquisitionnés pour doubler les personnages dans les scènes explicites, mais l'actrice a quand même dû se prêter à des séances au cours desquelles elle a dû sortir de sa zone de confort.

«Je me suis retrouvée dans des situations un peu humiliantes, un peu gênantes, mais je suis heureuse de l'avoir fait, a-t-elle déclaré devant quelques journalistes lors d'une rencontre de presse tenue à Copenhague. À vrai dire, j'ai aimé ça! lance-t-elle dans un grand éclat de rire. Comme ce ne sont pas mes fesses ni mes parties génitales qu'on voit à l'écran, j'ai eu l'impression de voir quelqu'un d'autre à ma place quand j'ai vu le film!»

Une grande confiance

La seule limite que l'actrice s'impose est la représentation de l'acte sexuel à l'écran. Pour le reste, elle n'hésite pas à s'abandonner quand elle se sent en confiance. C'est le cas avec Lars von Trier.

«Même si j'ai eu des scènes de nature sexuelle à jouer, j'ai eu l'impression d'être beaucoup plus vêtue dans Nymphomaniac que dans Antichrist, dit-elle. Quand j'arrive, le personnage est déjà établi. Joe entreprend alors de nouvelles étapes dans sa vie sexuelle. Qui sont de nature différente.»

Avant que Lars von Trier lui propose ce film, Charlotte Gainsbourg avait pourtant à l'esprit une autre image de la «nymphomane».

«À mes yeux, une nymphomane était une femme qui aimait beaucoup le sexe et qui prenait plaisir à multiplier les rapports sexuels avec de nombreux partenaires. Il y avait quelque chose de joyeux là-dedans. Or, la vision de Lars ne correspond pas du tout à cette image préconçue. Je sais qu'il a rencontré plusieurs femmes accros du sexe. Leur désespoir profond l'a beaucoup marqué, je crois. Ces femmes doivent organiser toute leur vie autour d'un appétit sexuel qui ne peut jamais être satisfait. Elles souffrent beaucoup, n'ont plus aucune estime d'elles-mêmes, et sont souvent complètement détruites de l'intérieur. Je n'ai strictement rien de commun avec Joe, mais je la comprends et j'ai de l'empathie pour elle. D'autant qu'il y a beaucoup de Lars dans ce personnage. En fait, Joe et Seligman sont les deux faces de Lars.»

Comme un instrument

Même si elle est sa muse depuis trois films, Charlotte Gainsbourg a encore du mal à cerner un cinéaste fascinant qui, à ses yeux, reste toujours aussi mystérieux.

«À l'époque où je l'ai rencontré pour Antichrist, Lars était mal en point, explique-t-elle. Il n'allait vraiment pas bien. Il était d'une extrême vulnérabilité et il était souvent atteint de crises d'angoisse. Pour Melancholia, il allait beaucoup mieux. Il semblait plus heureux. Dans le cas de Nymphomaniac, il y a des choses tellement extrêmes à jouer que son soutien m'était essentiel. Il a été très présent, très sensible, très attentif. Il m'a bien accompagnée dans les scènes plus difficiles à jouer.

«Depuis le premier jour, poursuit-elle, la relation de confiance qui s'est installée entre nous n'a jamais été mise en doute, même quand Lars a recours à la manipulation pour obtenir ce qu'il veut. Ça tombe bien, j'aime être utilisée comme un instrument. Lars sait absolument tout de moi. Autant sur le plan physique que sur le plan psychologique. Je ne peux pas en dire autant sur lui. À mes yeux, il demeure très mystérieux et toujours aussi imprévisible. C'est ce que j'aime!»

Quant à l'éventualité d'une autre collaboration avec le cinéaste danois, l'actrice préfère ne rien prévoir.

«Après Antichrist, je n'aurais jamais cru que Lars ferait de nouveau appel à moi, fait-elle remarquer. Puis, il y a eu Melancholia. Et maintenant celui-ci. Mais je n'ai aucune idée s'il me voit comme une muse. Je préfère même ne pas y penser. Je ne sais pas du tout s'il compte me donner un rôle dans un prochain film. Il en a sans doute eu déjà assez. Mais avec lui, moi, je suis toujours partante!»

Une déception

Charlotte Gainsbourg est par ailleurs «déçue» que la version «censurée», d'une durée de quatre heures, gagne les écrans plutôt que la version intégrale (d'une durée de 330 minutes).

«Cela dit, la substance du film est maintenue dans la version plus courte, précise l'actrice. J'espère que les gens auront quand même envie de voir la version intégrale éventuellement. Et à partir du moment où Lars est d'accord avec la version plus courte, je le suis aussi. Je comprends bien qu'un film d'une durée de cinq heures et demie pose des problèmes sur le plan de la distribution.»

Rappelons qu'outre Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin, Stellan Skarsgård et Shia LaBeouf, qui incarnent les personnages principaux, le film compte aussi sur des participations d'Uma Thurman, Jamie Bell, Christian Slater, Willem Dafoe, Jean-Marc Barr et Udo Kier.

________________________________________________________________________________

Nymphomaniac - Volume 1 et Volume 2 (Nymphomaniaque en version française) prennent l'affiche le 21 mars. Les frais de transport ont été payés par Métropole Films.

Photo: fournie par Mongrel/Métropole Films

Charlotte Gainsbourg et Jamie Bell