Avec un budget minuscule, Jean-Marc Vallée a créé un film qui pourrait bien décrocher quelques nominations à la prochaine cérémonie des Oscars. Et lui valoir une réputation enviable auprès des ténors du cinéma américain.

Il n'a pas eu l'idée de ce film, mais il en a fait un projet personnel très vite.

Quand Jean-Marc Vallée a été pressenti pour réaliser Dallas Buyers Club, Matthew McConaughey était déjà de la partie. À vrai dire, l'acteur était aussi «en mission». Ayant franchi le cap de la quarantaine, McConaughey souhaitait aller au-delà des personnages plus ou moins frivoles qu'il a incarnés au fil des ans. Et offrir au monde une autre facette de sa personnalité d'acteur. Aussi tenait-il à ce que ce film se fasse. Coûte que coûte.

«Au départ, nous disposions d'un budget de 7,5 millions de dollars, ce qui est déjà très peu, explique le cinéaste au cours d'un entretien accordé à La Presse. Mais un investisseur plus frileux a retiré ses billes à la dernière minute. Comme le rôle exigeait une transformation physique importante de la part de Matthew, nous avions peu de marge de manoeuvre. Ou bien on tournait le film à l'automne 2012 malgré tout, ou bien on abandonnait. C'était la seule fenêtre possible, tant pour Matthew que pour moi. Alors on s'est dit qu'on ferait ce film quand même, quitte à le tourner avec 3 millions de dollars en moins, en 25 jours seulement, et à La Nouvelle-Orléans plutôt qu'à Dallas. Je leur ai dit: donnez-moi ma gang - Yves Bélanger à la photo et Marc Côté aux effets visuels, entre autres - et on va tenter de faire des miracles!»

Homophobe atteint du sida

Écrit par Craig Borten et Melissa Wallack, qui en sont pratiquement à leurs premières armes, le scénario de Dallas Buyers Club est inspiré d'une histoire vraie. Campé dans les années 80, à une époque où l'on savait encore peu de choses sur le sida, le récit relate le combat que mène un homme pour prendre sa santé en main, et qui voit également là une occasion d'affaires à saisir.

Le diagnostic tombe pourtant sur Ron Woodrof comme une véritable condamnation à mort. Son médecin lui a en effet indiqué que la maladie ferait son oeuvre en 30 jours. Ce cowboy homophobe, atteint dans sa masculinité même (la maladie était fortement liée aux rapports sexuels entre hommes à l'époque), décide de se battre.

Il met ainsi sur pied un réseau de distribution clandestin de médicaments qui n'ont pas encore été autorisés par la Food and Drug Administration américaine (FDA). De façon complètement intéressée, Woodrof se retrouve à brasser de grosses affaires tout en prolongeant sa vie de quelques années.

Mais pour atteindre la clientèle qu'il vise, l'homme doit solliciter - à son corps défendant - la collaboration de Rayon (Jared Leto), un transsexuel rencontré à l'hôpital, très représentatif d'un «style de vie» qui le dégoûte.

Une collaboration étroite

«Pendant tout le processus [de création] du film, Matthew a été un collaborateur hors pair, indique le cinéaste québécois. Il n'était pas impliqué dans la production du film, mais il en a suivi toutes les étapes. Tous les soirs, il pouvait regarder les scènes que nous avions tournées pendant la journée. Je lui ai même ouvert la salle de montage. C'est un artiste complet. Il a le sens de l'écriture, s'intéresse à tous les aspects du cinéma... Vraiment, nous n'aurions pas pu avoir un meilleur rapport. On veut retravailler ensemble, ça, c'est sûr.»

Le caractère modeste de la production a contribué, d'une certaine façon, à installer une ambiance particulière sur le plateau.

«Je ne peux pas dire que l'absence de ressources était une source de motivation, fait remarquer Jean-Marc Vallée. Mais cela constituait certainement un défi à relever. Cela nous a forcés à trouver des solutions. Aussi, les acteurs étaient tellement incroyables que tout le monde a mis les bouchées doubles pour être à leur hauteur.»

Même si sa réputation s'est accrue dans le milieu du cinéma américain depuis le lancement de Dallas Buyers Club au festival de Toronto, Jean-Marc Vallée garde les pieds sur terre. «Je ne m'attends jamais à rien, dit-il. J'aime les films que je fais. Après, ça ne m'appartient plus.»

Trois nouveaux longs métrages sont déjà en chantier. Le cinéaste tourne depuis le 5 octobre, en Oregon, le film Wild, dont la tête d'affiche est Reese Witherspoon. Il enchaînera ensuite avec Demolition, une autre production américaine, pour ensuite aller en France réaliser un film dont il signera le scénario avec l'écrivain Tonino Benacquista.

«Je compte tourner mon prochain film québécois en 2016!», précise Jean-Marc Vallée.

Dallas Buyers Club prend l'affiche à Montréal le 1er novembre en version originale et en version française. Sortie élargie au Québec le 22 novembre.