Un coup d'oeil à la filmographie de Johnny Depp suffit. On se rend vite compte que celle-ci regorge de rôles atypiques, issus d'univers singuliers, à travers lesquels l'acteur a la possibilité de se transformer physiquement. Qu'il s'agisse des films de Tim Burton, avec qui il a travaillé huit fois, de Terry Gilliam ou d'autres, l'interprète du pirate Jack Sparrow - son personnage le plus populaire - se glisse rarement dans la peau de l'homme de la rue. Visiblement, Johnny Depp n'aime pas les choses « ordinaires « au cinéma.

Sa cinquième collaboration avec le réalisateur Gore Verbinski (Rango) ne fait pas exception. Dans la nouvelle mouture cinématographique de The Lone Ranger, Johnny Depp incarne Tonto, un personnage amérindien qui, dans la série d'origine, n'était pratiquement qu'un faire-valoir du justicier masqué. Quand il a su que Verbinski s'intéressait au projet que lui a soumis le producteur Jerry Bruckheimer en tenant à faire de Tonto un héros à parts égales, l'acteur a pris l'initiative de composer l'apparence de son personnage.

« J'ai vu une peinture montrant un guerrier amérindien et je m'en suis inspiré, a-t-il expliqué lors d'une conférence de presse tenue à Santa Fe, l'un des endroits où The Lone Ranger fut tourné. J'ai demandé à mon maquilleur, Joel Harlow, qui est un magicien, de participer à la création du look. Nous avons pris des photos. Cette étape a été déterminante, je crois. »

Un vieux projet

Jusque-là, le projet d'adaptation de cette série vieille de 80 ans (radio d'abord, télé ensuite) flottait dans l'air sans se concrétiser vraiment. Gore Verbinski, qui a réalisé les trois premiers volets de la série Pirates des Caraïbes, fut d'ailleurs préssenti une première fois il y a plusieurs années.

« Ted Elliott et Terry Rossio, les scénaristes de la série des Pirates, m'ont proposé cette idée avant même le tournage du deuxième volet, confie le réalisateur à La Presse. Johnny n'était pas encore lié au projet à l'époque. Quand je lui en ai parlé, il a eu la même réaction que moi et il a posé la même question : pourquoi ? Nous en sommes venus très vite à la conclusion que le personnage de Tonto devait être plus étoffé, et élevé au même rang que celui du Lone Ranger. Les scénaristes ne voulaient pas trop aller dans cette direction au départ, mais au bout de quatre versions qui ne fonctionnaient pas, ils se sont ralliés. Les photos de Johnny en Tonto ont aussi eu un impact certain. Le désir de tout le monde fut attisé à partir de ce moment. Le mien, surtout. »

Le scénario emprunte ainsi le point de vue de Tonto. Qui, vieux à un point où on l'expose maintenant dans un musée, raconte son histoire à un jeune admirateur. Il relate du coup comment son comparse de circonstance, John Reid (Armie Hammer), est passé du côté du pouvoir à celui de la justice clandestine, histoire de combattre la collusion et la corruption.» Quand j'étais enfant, je regardais les émissions du Lone Ranger à la télé - c'était déjà des rediffusions - et je m'identifiais bien davantage à Tonto, révèle Johnny Depp. Je me demandais toujours pourquoi il n'était qu'un faire-valoir. C'est peut-être dû au fait que très jeune, on m'a dit que du sang indien coulait dans mes veines. Très peu sans doute, je n'en sais rien à vrai dire. Mon arrière-grand-mère ressemblait à une Indienne en tout cas. Il se trouve que je me suis toujours intéressé à cette culture-là. Et la façon dont on a traité ces peuples au cinéma ou à la télé m'a souvent rendu mal à l'aise. Plus tard, mon ami et mentor Marlon Brando m'a fait réaliser à quel point Hollywood s'est toujours fourvoyé en faisant d'eux des « sauvages «. En fait, Christophe Colomb s'est trompé d'endroit et les a nommés « Indiens ». C'est notre histoire, et c'est passablement étrange. »

Une question de respect

Tant du côté de Johnny Depp que de celui du réalisateur Gore Verbinski, l'une des premières préoccupations était de traiter la culture amérindienne avec respect.

« À mes yeux, la seule façon d'incarner ce personnage était de faire écho à sa dignité et à son intégrité, précise l'acteur. Comme il y a beaucoup d'humour dans ce film, on pouvait aussi s'amuser avec la mythologie. Nous avons utilisé les clichés de façon à ce que le spectateur se rende compte à quel point sa vision a été conditionnée par la façon avec laquelle on a toujours dépeint les Amérindiens à l'écran. «

Même s'il est question que The Lone Ranger se transforme en franchise (tout dépendra de l'accueil public), Johnny Depp ne délaisse pas Jack Sparrow pour autant. Un cinquième volet de la série Pirates des Caraïbes est déjà en chantier, cette fois sous la direction de Joachim Ronning et Espen Sandberg, le tandem norvégien à qui l'on doit Kon-Tiki. Sortie prévue le 10 juillet... 2015 !

The Lone Ranger (The Lone Ranger : Le justicier masqué en version française) prend l'affiche le 3 juillet.