Bien conscient du risque que comporte le fait de se glisser dans la peau d'une figure légendaire comme Jackie Robinson, Chadwick Boseman a surtout voulu faire écho au parcours du joueur sur le plan humain.

«J'avoue avoir ressenti un immense sentiment de fierté, mais aussi le poids d'une très grande responsabilité.» -Chadwick Boseman

Depuis maintenant 16 ans, le numéro 42 est retiré de toutes les équipes de la Ligue majeure de baseball. Seuls les joueurs le portant déjà au moment de l'application de ce décret ont pu l'arborer jusqu'à leur retraite. Une seule exception est toutefois faite chaque année. Le jour du 15 avril étant consacré à la mémoire de Jackie Robinson, tous les joueurs - peu importe leur équipe - arborent alors fièrement le 42 sur le terrain, histoire de rappeler le parcours héroïque du premier joueur afro-américain qui a franchi la barrière raciale du sport professionnel américain.

«À l'école, on apprend évidemment l'histoire des droits civiques», rappelle Chadwick Boseman, qui incarne le célèbre joueur dans 42, le film biographique qui prendra l'affiche vendredi dans les salles nord-américaines. «Très jeune, on est conscient de la place immense qu'occupe Jackie Robinson dans l'évolution des mentalités. Dans l'imaginaire collectif américain, il est aussi important que Martin Luther King, Malcolm X ou Muhammad Ali.»

Recruté en 1945 par le directeur général des Dodgers de Brooklyn Branch Rickey (Harrison Ford), le joueur de deuxième but, qui a commencé en jouant au premier, a fait le saut dans le «grand club» deux ans plus tard. Auparavant, il aura fait ses preuves lors d'un passage fulgurant avec les Royaux de Montréal, filiale des Dodgers à l'époque dans la Ligue internationale AAA.

«C'est incroyable, ce qui s'est passé à Montréal! reconnaît l'acteur au cours d'un entretien accordé à La Presse. Surtout quand on replace les choses dans le contexte de l'époque. Les partisans montréalais ont vite adopté Jackie. Ils l'ont célébré à un point où il y a eu parfois des débordements d'enthousiasme. Quand l'équipe se retrouvait sur la route pour affronter les clubs américains, c'était tout le contraire. Il était toujours accueilli avec hostilité et essuyait les pires insultes!»

Une histoire d'amour

Réalisé par Brian Helgeland (Payback, A Knight's Tale), qui travaille aussi beaucoup à titre de scénariste (L.A.Confidential, Robin Hood), 42 décrit les deux premières années de la glorieuse carrière de Jackie Robinson au sein des ligues professionnelles, soit 1946 et 1947. Bien qu'il soit beaucoup question des Royaux de Montréal, aucune scène de 42 ne se déroule toutefois concrètement à Montréal. L'épisode se concentre en effet sur le camp d'entraînement en Floride et sur la première partie de la saison dans l'uniforme des Royaux, disputée sur la route à Jersey City. La veuve du joueur, Rachel Robinson, interprétée par Nicole Beharie, a par ailleurs été consultée. L'histoire d'amour qu'elle a vécue avec son mari et les épreuves qu'ils ont traversées ensemble à cette époque ségrégationniste figurent en outre au premier plan du récit.

«J'ai tenu à rencontrer Rachel avant le tournage», raconte Chadwick Boseman, un acteur qui, jusqu'ici, a fait sa marque au théâtre en tant que comédien et dramaturge. «Tout ce qu'elle pouvait me dire sur son mari, je voulais l'entendre. Ses habitudes de vie, sa façon de manger, de bouger, de parler. Tout. Je voulais aussi qu'elle me parle de leur histoire d'amour parce que, si Rachel n'avait pas été là, je ne suis pas convaincu que Jackie serait parvenu à passer au travers.

«D'ailleurs, poursuit-il, j'aimais beaucoup le scénario pour ça. L'histoire d'amour est très présente, très authentique, sans qu'elle soit abordée de façon insistante. Il est très rare qu'un grand film hollywoodien nous montre une vraie histoire d'amour entre deux personnes afro-américaines. Denzel Washington et Will Smith ont des femmes qui les accompagnent à l'écran, bien sûr, mais elles ne sont jamais au centre de l'histoire. Là, si.»

Un acteur peu connu

L'acteur, qui a été entraîné pendant quatre mois par de vrais entraîneurs de baseball, est bien conscient du poids qui pèse sur ses épaules. Puisque Brian Helgeland tenait à faire appel à un comédien peu connu afin de laisser toute la place au personnage dans l'esprit du spectateur, Chadwick Boseman s'est tout simplement présenté à une audition.

«Je devais retourner à New York pour une pièce quand mon agent a insisté pour que je reste à Los Angeles un peu plus longtemps que prévu. Une fois l'audition faite, la proposition est arrivée. J'avoue avoir ressenti un immense sentiment de fierté, mais aussi le poids d'une très grande responsabilité. Les plus jeunes générations auront beau lire les livres d'histoire, il reste que plusieurs d'entre elles apprendront ce que Jackie Robinson a été à travers le portrait que j'en fais à l'écran. Parce qu'il n'y a rien comme de le voir en action. Son statut d'icône fait aussi en sorte que ceux qui connaissent déjà son histoire ont déjà leur vision en tête. Cela dit, j'ai tenté de jouer Jackie Robinson en tant qu'être humain d'abord et avant tout. Et je me suis donné pour seul objectif d'être à la hauteur des attentes de Rachel. C'est surtout cela qui compte à mes yeux. Maintenant, si le film obtient du succès et qu'il m'impose parmi les acteurs de cinéma, ce sera bien tant mieux!»

Le film 42 prend l'affiche le 12 avril en version originale anglaise.

Les frais de voyage ont été payés par Warner Bros.

Une sortie en anglais seulement?

Considérant l'importance qu'occupe Jackie Robinson dans l'imaginaire collectif montréalais, on peut s'étonner de la stratégie empruntée par le studio Warner Bros. À moins d'un revirement de dernièreminute, 42 prendra l'affiche au Québec en version originale anglaise seulement.

Chez Warner Bros. Canada, dontle siège social est situé à Toronto, on nous indique que plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans la décision de réaliser un doublage expressément destiné au public québécois. Dans le cas de 42, on compterait mettre éventuellement le film à l'affiche en version française au Québec, dès qu'un doublage réalisé en France sera prêt.

Vérification faite auprèsde Warner Bros. France, tout semble indiquer que cette volonté risque d'être reléguée au rayon des bonnes intentions. Le film 42 ne figure pas encore dans le calendrier des sorties prévues sur le territoire français, donc aucun doublage ne serait en cours de réalisation là-bas.

 

Photo fournie par la production

Chadwick Boseman et Nicole Beharie.