Le réalisateur français de L'été meurtrier, Les enfants du marais et Deux jours à tuer, Jean Becker, nous revient avec Bienvenue parmi nous, film sur le mal de vivre en 2012, qu'il a adapté du livre éponyme d'Éric Holder après avoir connu une phase dépressive.

«Ça ne prévient pas quand ça arrive», chantait Barbara. Le mal de vivre peut frapper tout le monde, même un réalisateur comme Jean Becker. Son dernier long métrage, Bienvenue parmi nous, est une autre de ses adaptations d'oeuvre littéraire, celle-ci abordant les affres de la dépression causée par l'environnement social.

«Le livre d'Éric Holder m'avait "parlé", car je sortais d'une petite dépression, dit Jean Becker, en entretien téléphonique depuis la France. Dans le film, je cite une phrase de Lévi-Strauss qui résume bien ce que je vivais. Il disait qu'il allait mourir dans un nouveau siècle qu'il n'aimait pas. Aujourd'hui, les choses vont trop vite et sont de plus en plus superficielles. Les médias nous entraînent dans une spirale où on se rend compte que tout ça, c'est du blabla. On parle de gens un jour et, le mois d'après, on les jette comme des kleenex...»

Dans Bienvenue parmi nous, Taillandier (Patrick Chesnais) est un peintre dans la soixantaine qui, justement, en a marre du blabla. Tout l'emmerde: sa femme (Miou-Miou), sa famille, sa peinture et la monotonie de sa vie. Même si, a priori, il a tout pour être heureux, il a la gueule en coin. Un jour, il pète les plombs: il s'achète une arme et ce n'est pas pour chasser le sanglier. Alors qu'il est à deux doigts de commettre l'irréparable, Taillandier rencontre fortuitement Marylou (Jeanne Lambert), adolescente de 17 ans rejetée par sa mère et qui vient de fuguer.

Après Deux jours à tuer, Jean Becker tourne un autre film ayant comme personnage central un homme au bout du rouleau. Dans les deux cas, avec raison: la maladie du corps ou celle de l'esprit.

«Un psychiatre m'a déjà dit qu'il arrivait à bien des gens nantis de considérer, tout à coup, que la vie n'a plus d'intérêt, se souvient-il. Ils tombent dans une dépression qui, si elle n'est pas soignée à temps, peut les entraîner jusqu'au suicide.»

Une rencontre salvatrice

Dans Bienvenue parmi nous, ces deux êtres qui se croisent n'ont rien en commun. La différence d'âge aidant, le choc de leur rencontre est sec et brutal. Pourtant, ils vont finir par s'apprivoiser avant de se donner mutuellement la courte échelle pour s'en sortir.

Aux côtés de Patrick Chesnais (qui, dans ce film, retrouve Miou-Miou, avec qui il a joué dans La lectrice il y a 24 ans), on découvre, dans la peau de Marylou, la jeune et belle actrice Jeanne Lambert qui joue le rôle d'une ado sans soutien parental et donc à la dérive.

Âgé de 79 ans, Jean Becker dit avoir voulu décrire à travers ce personnage une dérive de la jeunesse française qui l'inquiète particulièrement.

«Je n'ai pas voulu que Marylou vive dans une cité, car ce genre de comportement est maintenant partout chez les jeunes, même dans des familles aisées, explique Jean Becker. La jeunesse actuelle est très violente dans son comportement et cela ne relève pourtant que de nous, de la façon dont on a évolué. Les jeunes en subissent les conséquences.»

Si Bienvenue parmi nous critique la société française (et occidentale), il n'a pas totalement convaincu dans l'Hexagone, reconnaît Jean Becker. «Ce n'est pas mon meilleur film, mais j'ai été très déçu de l'accueil, car j'ai toujours fait un million d'entrées ou plus et là, j'ai pris une claque sur le plan commercial. Mais il est sorti en même temps que le bac, les élections et la Coupe d'Europe. Ça n'a malheureusement pas été flamboyant...»

«Ça reste un film valable, juge le réalisateur. Quand mon père a fait Casque d'or, il n'y avait pas un client... J'espère que le film aura une meilleure écoute chez vous.»