Après avoir joué devant les caméras et sur scène, écrit deux pièces de théâtre, Zoe Kazan signe son premier scénario, Ruby Sparks, réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris - le tandem derrière Little Miss Sunshine. Elle y campe le rôle-titre en compagnie de Paul Dano, qui partage sa vie depuis cinq ans. Conversation.

Un peu comme Sofia Coppola ou Josh Brolin, Zoe Kazan (Revolutionary Road) a grandi dans le «milieu». Petite-fille du réalisateur Elia Kazan, fille des dramaturges Nicholas Kazan et Robin Swicord, elle y évolue avec un naturel et une simplicité qu'il fait bon voir. Ainsi, lorsque le téléphone sonne à l'heure convenue, sans retard ni report, c'est elle qui est au bout du fil. Pas un agent ou un relationniste, comme c'est généralement le cas. «Mais ils ne sont pas loin», dit-elle en rigolant. N'empêche. Aucun «plus que trois minutes» ou «ce sera la dernière question» ne viendra ponctuer l'entrevue téléphonique. La jeune femme de 28 ans prendra le temps de répondre aux questions posément, avec intelligence et confiance.

Zoe Kazan, donc, est depuis longtemps fascinée par le mythe de Pygmalion, sculpteur qui tombe à tel point amoureux d'une de ses oeuvres qu'elle prend vie. Le hic, c'est qu'il la voit comme sa chose à lui et non comme une entité dotée de sa propre personnalité. «Cela résonne psychologiquement en moi, ça me ramène à une ancienne relation avec une personne qui avait une idée de moi assez éloignée de ce que je suis vraiment», raconte la jeune femme. Zoe Kazan a décidé d'explorer cela dans son premier scénario, Ruby Sparks, une comédie (pas si) romantique. Elle y est aussi en vedette, ainsi que Paul Dano, son compagnon des cinq dernières années. Le film a été réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris, le tandem derrière Little Miss Sunshine.

La création faite femme

L'histoire commence avec Calvin (Paul Dano), écrivain qui a connu, très jeune et dès ses débuts, un immense succès littéraire. «Depuis, il ne se sent pas à la hauteur de ce que les gens attendent de lui, ou de ce qu'il pense que les gens attendent de lui. Il vit seul, son frère est son seul ami, même son chien est plus un fardeau qu'un compagnon, raconte Zoe Kazan. Et il n'écrit plus. Jusqu'au jour où il se met à rêver d'une fille, Ruby, qui est ouverte aux gens et aux émotions, qui n'est pas tellement ambitieuse et ne porte donc pas sur ses épaules le poids des attentes des autres.» Inspiré par sa liberté et son insouciance, Calvin se remet à l'écriture et «raconte» Ruby. Et un beau matin, il la trouve installée chez lui, en chair et en os.

«Je voulais aussi explorer le processus créatif. Mais mon principal désir était d'étudier la manière dont on se définit l'un et l'autre dans une relation, avec tous ces idéaux romantiques des débuts qu'il faut apprendre à séparer de la réalité pour vraiment aimer», résume-t-elle. Un thème plus universel, donc, et plus riche sur le plan émotionnel que celui, plus intellectuel, de la pure créativité.

Un tandem derrière la caméra

Dès le début de l'écriture, comme c'est son habitude, Zoe Kazan, qui a aussi signé deux pièces de théâtre, a montré le fruit de son travail à Paul Dano. «Il est d'excellent conseil et il comprend ce que je fais. Il a lu mes cinq premières pages et m'a demandé si j'écrivais pour nous. En fait, je n'y avais pas pensé, mais quand je me suis remise au travail, je nous avais en tête, lui et moi.» Ils ont donc été attachés très tôt au projet. Jonathan Dayton et Valerie Faris sont arrivés par la suite.

Paul Dano avait travaillé avec eux sur Little Miss Sunshine, et Zoe Kazan les avait rencontrés à quelques reprises. Ils semblaient les personnes idéales pour réaliser Ruby Sparks. «Comme ils travaillent en couple, ils apportent une perspective féminine et masculine, ce qui est un très bel outil. Ils possèdent aussi une délicatesse qui équilibre les moments risqués.» Il y en avait dans Little Miss Sunshine, une comédie assombrie à mi-parcours par une mort. Il y en a dans Ruby Sparks, lorsque Calvin perd les pédales et veut contrôler sa «créature».

On le comprend, cette comédie n'est pas que romantique. Et on n'est pas surpris que Zoe Kazan se dise inspirée par Annie Hall, Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou When Harry Met Sally. Des films «dont la construction va plus loin que «un gars rencontre une fille»», explique Zoe Kazan. Elle précise par ailleurs qu'elle a aimé l'expérience d'écriture pour le grand écran, puis celle de la réécriture qui a suivi l'arrivée des réalisateurs dans le paysage.

Jonathan Dayton et Valerie Faris ont en effet travaillé neuf mois avec elle pour peaufiner le scénario. «Comme ça, pour le tournage, j'ai pu me concentrer uniquement sur mon rôle d'actrice», conclut-elle... avant d'admettre qu'il aurait quand même été «intéressant» que son ego de comédienne et son ego de scénariste entrent en conflit sur le plateau. Peut-être une autre piste à explorer...

***

Ruby Sparks prend l'affiche le 10 août.