Le cinéaste Rémi Bezançon a fait équipe avec l’animateur Jean-Christophe Lie pour raconter dans un dessin animé un conte inspiré par l’histoire de la toute première girafe émigrée en France!

L’histoire de Zarafa remonte au début du XIXe siècle. Dans la tête de Rémi Bezançon, elle trotte aussi depuis un bon moment. À vrai dire, le réalisateur du film Le premier jour du reste de ta vie a écrit une première ébauche du scénario de Zarafa il y a maintenant plus de 10 ans, soit avant même la sortie de son premier long métrage, Ma vie en l’air.

« Je l’ai vite mis de côté à l’époque, car je n’avais pas encore tourné de film, explique le cinéaste au cours d’un entretien accordé à Paris. Des années plus tard, j’ai fait lire le scénario à la productrice Valérie Shermann. Enthousiasmée, elle a soumis l’idée de m’adjoindre un cinéaste spécialisé en animation. J’ai alors vu L’homme à la Gordini, le court métrage que Jean-Christophe Lie a présenté en compétition à Cannes il y a trois ans. Ça a cliqué tout de suite entre nous. »

Au final, Bezançon est crédité en tant que « réalisateur – scénariste », tandis que Lie agit à titre de « réalisateur – concepteur graphique des personnages ». Ce dernier, dont la carrière d’animateur a commencé aux studios Disney de Montreuil, est arrivé au moment où Zarafa en était à l’étape du story-board, c’est-à-dire, cette étape où toutes les scènes du film devaient être dessinées sur des planches afin que rien ne soit laissé au hasard sur le plan de la mise en scène.

« C’était très stimulant, dit celui qui a notamment travaillé avec Sylvain Chomet pour Les triplettes de Belleville, et aussi Michel Ocelot [Kirikou et les bêtes sauvages]. Toute la création graphique restait à faire. Le scénario m’offrait de très belles pistes ! »

Un fait historique

Zarafa est un conte fantaisiste dont l’histoire trouve quand même ancrage dans un fait historique. Un vieux sage raconte aux enfants du village l’histoire d’une amitié indéfectible entre un jeune garçon et une girafe orpheline promise en cadeau par le pacha d’Égypte au roi de France Charles X.

Le récit s’attarde ainsi à décrire les efforts que déploiera le jeune Africain pour suivre son amie girafe jusqu’en France. Et peut-être pouvoir la libérer de son enclos parisien du Jardin des plantes, et la ramener sur sa terre natale.

En 1827, la Ville lumière fut véritablement saisie d’une véritable « girafomania ». La girafe – animal inédit dans l’Hexagone à l’époque – devint en effet une attraction des plus populaires et attira les foules. L’engouement dura trois ans.

« Les thèmes que véhicule cette histoire m’ont interpellé, précise Rémi Bezançon. Cette histoire parle de liberté, de promesse tenue une fois la parole donnée, de transmission. Elle évoque aussi le passage de l’enfance au monde des adultes. Ces thèmes m’intéressent et traversent aussi mes films en prises de vues réelles. Cela dit, j’ai sciemment emprunté la forme du conte afin de pouvoir me détacher de l’Histoire avec un grand H. On ne peut ainsi me reprocher d’avoir trafiqué la réalité. Bien évidemment que la vraie girafe n’a pas traversé la Méditerranée en ballon ! »

À contre-courant

Les deux réalisateurs ont conçu leur dessin animé en s’éloignant volontairement des effets de mode. Ainsi, Zarafa est un film d’animation « traditionnel », en 2D, et emprunte un style narratif plus classique.

« Chaque production appelle sa forme, fait remarquer Rémi Bezançon. Pour nous, la question ne se posait même pas. La conception du film, qui évoque un peu un livre d’images dont les illustrations s’animent, n’aurait pas convenu du tout à la 3D. La 3D n’est pas une finalité en soi, et il n’y a pas lieu de voir une rivalité entre les deux formes non plus.

La technologie évolue à une vitesse folle, surtout dans le domaine des images de synthèse. Or, l’animation en 2D, c’est la base de tout. S’il n’y a pas l’amour du dessin au départ, ce n’est pas la peine.

« Et puis, ajoute Jean-Christophe Lie, nous aimions faire écho à des choses auxquelles s’intéresse un public déjà attiré par la bande dessinée franco-belge. Par ailleurs, et de façon plus large, nous nous situons peut-être davantage dans l’esprit naturaliste de Hayao Miyazaki. »

Les coréalisateurs expliquent la nouvelle popularité du cinéma d’animation par les différentes formes empruntées, mais aussi par l’émergence de plusieurs écoles spécialisées dans le domaine, particulièrement en France.

« On peut aussi l’expliquer par le Net, note Rémi Bezançon. On vit dans un monde marqué par une surenchère. Il y a de moins en moins de livres et de plus en plus d’images. La frontière entre le cinéma en prises de vues réelles et le cinéma d’animation est aussi en train de tomber. Steven Spielberg et Peter Jackson font Tintin en capture de mouvements pendant que Brad Bird passe de Ratatouille à Mission impossible 4! Les images de synthèse s’approchent tellement de la réalité qu’on a maintenant du mal à faire la différence ! »

Sans se consacrer désormais uniquement au cinéma d’animation, Rémi Bezançon aimerait remettre le couvert avec son complice de Zarafa.

« Je suis en train d’écrire le scénario d’un nouveau film d’animation, annonce-t-il. J’aime bien l’idée d’en faire deux. Après, on verra! »

Auparavant, le réalisateur d’Un heureux événement aura proposé Nos futurs, « franche comédie » sur la crise de la quarantaine.

Zarafa prend l’affiche le 3 août.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.