Il fut un temps où Kevin Costner était le roi de la colline, le fantasme de ces dames, le chouchou des critiques. En ces temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, Kevin Costner était l'homme beau, fort, incontournable. Une succession malheureuse de navets dans les années 90 et une mauvaise blague de Madonna a transformé l'homme aux Oscars en has been. Mr. Brooks marquera-t-il le retour en grâce de M. Costner?

Aucun doute: Kevin Costner est un homme de contrastes. L'acteur a gravi des sommets dans les années 80. Mafioso chez de Palma (The Untouchables), joueur de baseball qui côtoie les légendes (Field of Dreams), avocat chez Stone (JFK): rien n'est hors de portée pour lui, pas même les deux Oscars que décroche en 1991 sa première réalisation, Dances with Wolves.

Et puis les choses se gâtent. Il y a d'abord Bodyguard, puis Waterworld, et enfin, des réalisations qui font flop (The Postman, en 1997, et Open Range, en 2003). Après trois prix et cinq nominations aux Razie Awards, la série noire ne s'est pas encore arrêtée pour Kevin Costner.

Après son dernier fait d'armes, The Guardian, revoici donc Kevin Costner dans un rôle plutôt à contre-emploi, celui d'un brillant homme d'affaires psychopathe dans Mr. Brooks, un long métrage qu'il a également produit. «Mr. Brooks est un personnage très compliqué, mais aussi très inhabituel pour moi», convient M. Costner au bout du fil.

Mr. Brooks est le Dr Jekyll et Mr. Hyde de la bourgeoisie américaine. Le jour, il est un homme d'affaires admiré de tous. Le soir, alors que sa charmante femme Emma le croit dans son atelier de poterie, Mr. Brooks se transforme en un tueur maniaque et schizophrène.

«Mr. Brooks est surtout un être humain. C'est un tueur en série, et cela, je ne pourrais pas lui pardonner, mais c'est aussi un homme qui a beaucoup de problèmes. Il essaie de les combattre, ou de les gérer. Comme la dépendance (aux crimes, NDLR), qui prend une grande place dans sa vie», estime Kevin Costner.

Marshall, le double maléfique qui chuchote à l'oreille de M. Brooks, n'est interprété par nul autre que William Hurt, son partenaire de The Big Chill. «L'une des raisons pour lesquelles je pense que le film est tellement divertissant, c'est leur relation. Ils jouent le même personnage. Marshall est mon alter ego, mon instinct de survie. Les scènes entre eux sont vraiment inhabituelles», raconte Kevin Costner.

Au téléphone, Kevin Costner n'est pas le genre de comédien, ni de producteur, à se lancer dans des tirades infinies sur son jeu, son personnage, son film. Une chose lui paraît acquise, le film est bon. «C'est une histoire touffue, et à mon avis, c'est le genre de choses vers lesquelles le cinéma américain devrait aller, dit-il. Mr. Brooks est presque un film indépendant, ou un film européen.»

Avec Demi Moore et Dane Cook dans le casting, les chances pour que les cinéphiles abondent dans le sens de Kevin Costner sont plutôt minces. Qu'importe, l'acteur, s'il est sûr de lui, prétend se contrefoutre du box-office. «Je n'essaie pas d'attirer ou de manipuler un public en particulier, dit-il. J'y vais avec ce qui m'allume, avec ce qui, je crois, est le meilleur matériel pour moi, et surtout ce qui fera en fin de compte le meilleur film, ou des films qui deviendront des classiques.»

Pour la postérité, Kevin Costner devrait produire une comédie sur les élections américaines, Swing State, et y jouer. Quant au réalisateur, il espère reprendre prochainement du service, pour un genre qu'il affectionne particulièrement: le western.

«Je n'en sais pas encore beaucoup là-dessus, puisque je ne sais pas qui va payer pour le faire», avoue en toute franchise Kevin Costner. Comprenne qui pourra: il semblerait que Costner le producteur se refuse à financer les films de Costner réalisateur.