Après bientôt 30 ans de cinéma, François Cluzet a obtenu l'ultime reconnaissance de ses pairs en décrochant cette année le César du meilleur acteur grâce à sa performance dans Ne le dis à personne. L'accolade est arrivée à point nommé dans la vie de celui qui a toujours préféré la course de fond au sprint.

Quand Guillaume Canet est monté sur la scène du Théâtre du Châtelet à Paris pour mettre la main sur le César de la meilleure réalisation, l'acteur cinéaste a dit, avec beaucoup d'émotion dans la voix, avoir fait la rencontre «d'un génie absolu». Il parlait évidemment alors de François Cluzet, la vedette de son film Ne le dis à personne. Plus tard, l'acteur devait d'ailleurs monter à son tour sur la tribune à titre de lauréat du César du meilleur acteur.

Après bientôt 30 ans de cinéma, François Cluzet fut enfin consacré. Et cela n'est peut-être pas l'effet du hasard. Rencontré récemment à Paris, l'acteur déclarait en outre avoir beaucoup cherché, ces dernières années, à provoquer les occasions.

«À vrai dire, j'en avais un peu marre de voir passer tous les autres devant moi pendant toutes ces années, confiait-il au cours d'une interview accordée à La Presse. Je me suis dit qu'il devait y avoir un problème. J'ai aussi compris que personne ne me donnerait d'office cette place; qu'il fallait que j'aille la chercher moi-même en m'associant aux meilleurs artisans de ce métier.»

Remarquez qu'il n'a pas eu à travailler bien fort pour décrocher le rôle de ce médecin qui, huit ans après le meurtre de sa femme, découvre que sa bien aimée serait peut-être encore en vie. Guillaume Canet tenait en effet à lui donner le rôle principal de son adaptation cinématographique du roman de Harlan Coben.

«Je ne connaissais pas Guillaume avant cette première rencontre, mais comme j'aime bien ce qu'il fait, je me suis évidemment rendu disponible, même si j'étais déjà pris par un autre projet. Il est de ces choses qu'on ne peut se permettre de laisser passer. Dans le cas de Ne le dis à personne, le scénario était déjà magnifique. Il s'est très vite établi une relation de confiance entre nous.»

Au-delà du scénario, Cluzet affirme que la relation entre un metteur en scène doit d'abord s'établir sur un plan humain. «Un cinéaste qui arrive avec une casquette de chef, c'est foutu», dit celui qui a tourné sous la direction de nombreux cinéastes, dont André Forcier. De son expérience sur le plateau du Vent du Wyoming, l'acteur ne garde d'ailleurs pas un souvenir très heureux.

«La grande force de Forcier, c'est l'écriture. J'admire l'auteur, moins le cinéaste. Son scénario était remarquablement beau mais je suis arrivé sur le plateau d'un réalisateur qui, visiblement, ne savait pas trop quoi faire. C'est très dommage. Quand j'ai vu le film, je l'ai trouvé loupé...»

Des exigences

Cluzet est un acteur exigeant, cela dit. Alors que sa filmographie compte déjà quelques films importants à la fin des années 80 (dont Round Midnight de Tavernier, Trop belle pour toi de Blier), il estime que le premier film véritablement important à ses yeux est L'enfer, un film de Claude Chabrol dans lequel il donnait la réplique à Emmanuelle Béart. On peut d'ailleurs tracer un parallèle entre le personnage de jaloux maladif de L'enfer et celui, inconsolable, de Ne le dis à personne.

«Ce sont en effet deux hommes éperdus d'amour, commente l'acteur. Et ce sont de loin les personnages que je préfère incarner car le sentiment amoureux est le plus beau vecteur de l'émotion. Dans le film de Guillaume, cet aspect de l'histoire est contrebalancé par des éléments de film d'action. Ce genre de rôle, très physique, est très rare dans le cinéma français. Et quand, par hasard, ce rôle existe, il ne m'est habituellement pas offert!»

Ayant aussi tourné beaucoup de comédies au fil des ans (France Boutique, Janis et John, Quatre étoiles), Cluzet croit aussi fermement à la notion de l'abandon. «J'estime qu'un acteur doit tout donner de lui-même, ouvrir tout grand son jardin secret, sinon, il joue tout seul. Et cela n'est pas intéressant.»

Comme beaucoup de ses collègues, il envisage aussi l'idée de la réalisation. Il n'est d'ailleurs guère étonné par le grand nombre d'acteurs qui passent derrière la caméra.

«Le cinéma d'effets spéciaux n'est pas attrayant pour un acteur. S'il y en a autant qui s'adonnent aujourd'hui à la réalisation, c'est peut-être parce que les acteurs en ont marre de travailler sous la direction de metteurs en scène qui se foutent complètement d'eux. Et qui ne se concentrent que sur la technique.»

Son expérience avec Guillaume Canet fut marquante à cet égard. Ce dernier avait à coeur la valorisation du travail de ses acteurs.

«Guillaume nous regarde vraiment. Il sait communiquer son enthousiasme. Forcément, cela crée une ambiance où tout le monde a envie de se surpasser.»

François Cluzet et Guillaume Canet ont eu de nouveau l'occasion de travailler ensemble récemment puisqu'ils se sont donné la réplique sur le plateau de tournage du nouveau film de Jacques Maillot. Dans Les liens du sang, ils incarnent deux frères. Faut-il s'en étonner?

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VOUS L'AVEZ VU : Dans Round Midnight de Bertrand Tavernier; dans Le vent du Wyoming d'André Forcier.

VOUS LE VERREZ : Dans Paris de Cédric Klapisch.

Ne le dis à personne prend l'affiche demain. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.