Katia Paradis, documentariste, vit entre le Belize, en Amérique centrale, et le Québec. C'est tout naturellement que la jeune femme s'est laissée imprégner par la culture de son deuxième pays pour en ramener Trois rois, un premier film qui laisse le temps au temps.

Il aura fallu quatre années à Katia Paradis pour réaliser son premier documentaire. Un délai qui tient tant au montage financier, toujours laborieux, qu'au sujet du film lui-même : la vie de trois musiciens béliziens. Contrairement à bon nombre de documentaristes ulcérés par la multiplication des complications, Katia Paradis affiche une sérénité toute surprenante.

«Il y a les barrières culturelles qu'il faut surmonter, et j'avais envie de trouver le temps. Je voulais passer du temps avec eux (les «trois rois»), d'entrer dans leur intimité. Au bout d'un moment, ils finissent par faire leur vie devant moi. Il ne savent pas ce que je cherche, et il y a une naïveté par rapport à cela », dit Katia Paradis.

Katia Paradis vit une histoire d'amour avec le Bélize, pays où vit son conjoint. En 2000, ce dernier lui présente Paul Nabor, compositeur et guitariste garifuna. «Il m'a tout de suite fascinée par sa simplicité. Je l'ai vu partir en voyage en n'emportant que son passeport et un baluchon», sourit Katia Paradis.

La jeune femme comprend la passion de Paul pour sa guitare, à qui il est fidèle depuis plus d'un demi-siècle. «J'ai joué longtemps de la guitare classique, et je comprends quand cela devient un sérum de vie. Paul partage sa vie avec sa guitare, c'est sa femme, sa compagne», dit-elle.

Katia Paradis décide de consacrer un film à Paul. Puis le destin lui amène le deuxième roi, Florencio Mess, un harpiste maya. «Il fait ses violons à la machette. Il pourrait se louer une scie électrique, mais il a toujours fait ça comme ça. Il a appris par la tradition, raconte la réalisatrice. La musique maya semble venir de la conquête espagnole, mais pour eux, la harpe et les violons, c'est la musique maya, qui leur vient des dieux.»

Le troisième roi, Wilfred Peters, est le dernier accordéoniste du Bézile. Pour Katia Paradis, réunir ces trois êtres exceptionnels dans le même documentaire est une idée qui s'est imposée d'elle-même. «Ces trois hommes-là vivent la même situation, le même déclin de la musique et de la tradition», estime-t-elle.

Katia Paradis est une jeune immigrante au Bélize, où elle vit quelques mois chaque année. Elle dresse un pont entre la musique et les traditions de ce pays, que l'on connaît peu, et les traditions musicales québécoises. Elle évoque la culture d'un pays «très tranquille» : «Tout va lentement là-bas, on a le temps de respirer, et de regarder autour de nous. C'est l'un des derniers endroits où l'on vit hors du temps.»

La réalisatrice, née en Espagne, d'une mère espagnole et d'un père canadien, aime la bourlingue. «Mon terrain de jeu, c'est le monde, considère-t-elle, avant de préciser: Mes racines, c'est le Québec. Je suis une immigrante du nord vers le sud. C'est dur de se rendre compte à quel point on sera toujours considéré comme différent, et que l'on ne sera jamais accepté à 100%.»

Katia Paradis chérit la liberté que le documentaire peu lui offrir, quand il se tient loin du formatage télévisuel. «J'ai l'impression qu'une voix, ça s'explore, ça se crée, justifie-t-elle. Un peu comme un écrivain, à qui l'on ne dit pas quelle tournure de phrase utiliser.»

La voix de Katia Paradis, c'est celle des autres, à qui elle demande de raconter leurs histoires. «J'ai l'impression que je ferai plus des films à personnages que des films à thèmes. Moi, j'ai envie de laisser les gens me raconter des choses. J'essaie le moins possible d'imposer mon scénario. J'essaie d'être attentive», dit la jeune réalisatrice.

Notre critique des Trois rois en page 10.