Une jeune religieuse diaphane, un couvent, l'apprentissage de la vie terrestre. Le premier long métrage de Gérald Hustache-Mathieu s'est distingué dans le paysage cinématographique français. La Presse a rencontré lors du Festival du nouveau cinéma de Montréal un jeune cinéaste de l'épure.

Avril (Sophie Quinton) n'a jamais rien connu d'autre que les quatre murs du couvent où elle a été élevée. Elle se prépare à renoncer à toute vie terrestre en prononçant ses voeux. Une révélation va bouleverser la vie de la jeune fille, qui, au détour d'une crise existentielle, va délaisser le spirituel.

Avril est un film suspendu hors du temps, tant l'ambiance dans le couvent y est « vieille France », et tant Avril est un bijou de pureté. «C'est complètement volontaire, assure le réalisateur. Pour montrer le couvent, j'avais envie que le temps soit arrêté. J'aime bien que les films ne soient pas datés, cela crée un décalage», revendique Gérald Hustache-Mathieu.

Tout comme son héroïne, Avril est un film chaste, pur, sobre, hors du temps, mais aussi presque hors du monde. «Les documentaires au cinéma m'ennuient. On a beaucoup encensé le cinéma social et réaliste, comme si c'était un devoir de parler de la réalité. Je crois que j'ai le goût de la fiction», poursuit le réalisateur, âgé de 39 ans.

Gérald Hustache-Mathieu a fait une première incursion remarquée dans le milieu du cinéma français, avec son deuxième court métrage, La chatte andalouse (2002), primé notamment au festival du court de Clermond-Ferrand. Le court et le long comptent plusieurs points en commun.

Comme dans Avril, on retrouve dans La chatte andalouse la muse Sophie Quinton. Gérald Hustache-Mathieu ne dissocie en rien son travail de réalisateur de celui de la comédienne bretonne. «Nos films existent parce que c'est elle, parce que c'est moi. Je n'imagine pas faire un film sans Sophie», dit-il.

Dans les deux films, Sophie Quinton enfile d'ailleurs la robe d'une religieuse. «Ce n'est pas un hasard si Bunuel et Almodovar ont beaucoup parlé des soeurs. Ils ont fouillé du côté de la transgression. Quand tu colles à ce thème, tu n'es pas loin de la soeur, qui est une femme sans désir. Ce sont forcément des personnages intéressants», explique-t-il.

Gérald Hustache-Mathieu l'avoue: il a fait du cinéma son sacerdoce. «Je suis entré dans le cinéma comme d'autres entrent en religion. Il y a dans les deux cas l'idée de la vocation. Il y a une foi dans le cinéma, et quand j'écris, j'ai l'impression d'être un moine», dit-il, filant joliment la métaphore.

Pour son premier long, Gérald Hustache-Mathieu avoue s'être inspiré d'une image aussi touchante que séduisante. «Une image m'est apparue un jour. J'étais en voiture, je m'ennuyais, quand j'ai vu une religieuse qui roulait en solex. Elle s'est arrêtée plus loin pour se baigner, nue, dans la mer. J'ai été saisi par la force évocatrice de ce bout d'histoire», se souvient-il.

L'ambiance du couvent, auster, silencieux, froid, n'est pas sans rappeler un célèbre monastère, celui des Pères Chartreux (vu dans Le grand silence), niché dans les montagnes surplombant Grenoble. Ce hasard n'en est pas un non plus, concède le réalisateur, originaire de la région grenobloise.

«On peut voir dans ce couvent une métaphore de nous-mêmes. On est tous dans un couvent. C'est le catholicisme qui a inventé la culpabilité, la fidélité, l'idée aussi que le bonheur se perd. On oppose aussi l'âme et le corps, le corps et la morale», considère-t-il.

L'épure sied fort bien à Avril, un film sensible et silencieux. «J'aime les plans séquences, les cadres fixes. C'est simple en apparence, mais derrière cela, il y a quelque chose de très fort. Je trouve ça poignant», explique-t-il.