Le général n'en revenait pas. Au lendemain de la première projection officielle de Shake Hands with the Devil, l'adaptation cinématographique du récit autobiographique qu'il a publié en 2003, Roméo Dallaire disait même être «exceptionnellement troublé» par ce qu'il a vu.

«À plus d'une occasion, j'avais carrément l'impression de me voir à l'écran! confiait hier le général à La Presse. C'est dire à quel point Roy Dupuis a su bien traduire les déchirements intérieurs qui m'ont habité. Non, mais vous avez vu ses yeux?»

Visiblement, le courant est passé entre les deux hommes. Qui n'hésitent pas à parler de «communion d'esprits» pour décrire les liens qui les ont unis dès leur première rencontre.

Shake Hands with the Devil est l'un des nombreux films à caractère politique à faire partie de la sélection torontoise. Réalisé par Roger Spottiswoode, le film repart à la trace des événements qui ont mené au génocide rwandais en 1994, à travers le regard du général Dallaire, alors commandant d'une mission des Nations unies. Surtout, le récit s'attarde aux efforts d'un homme à qui on refuse, pour des raisons politiques, les ressources nécessaires pour mener à bien sa mission.

«J'estime que ce film est profondément actuel pour deux raisons, affirme de son côté Roy Dupuis. D'abord, il y a le Darfour. Le monde ne peut se permettre de laisser aller les choses. Ensuite, le Rwanda est encore aujourd'hui très présent dans la vie du général. J'admire énormément cet homme qui, après avoir vécu de telles horreurs, est parvenu à tirer de son drame des enseignements positifs. Et qui agit de façon très concrète. Le général est un exemple pour l'humanité entière.»

Roméo Dallaire, qui est aujourd'hui sénateur, est d'ailleurs l'instigateur du projet de cette adaptation cinématographique. Il y voyait une façon de prolonger la démarche entreprise avec la rédaction de ses écrits autobiographiques. Et de faire en sorte que la tragédie rwandaise ne tombe pas dans l'oubli.

«C'est une manière de poursuivre la mission, dit-il. Le cinéma peut atteindre des millions de spectateurs et peut aussi servir d'outil pédagogique. Une fois l'accord donné et le contrat signé, tu n'as toutefois plus aucun contrôle sur le produit final.»

Le général est ainsi resté discret pendant le tournage du film. Il n'a d'ailleurs pas voulu accompagner l'équipe de tournage au Rwanda, où les endroits où il a vécu lui-même ont servi de décors. Il a toutefois été consulté au fil le l'écriture des différentes versions du scénario. «Un de mes officiers a servi de conseiller technique pendant le tournage, précise le général. On m'a aussi téléphoné à l'occasion pour vérifier certaines choses.»

Shake Hands with the Devil est, sauf erreur, le cinquième film traitant du génocide rwandais. Hotel Rwanda et, plus près de nous, Un dimanche à Kigali ont notamment marqué les esprits.

«Ce sont des films de fiction avec, en toile de fond, une base historique, fait remarquer Roméo Dallaire. Il est malheureux que notre film n'arrive pas le premier mais je crois que les gens apprendront quand même beaucoup de choses car nous replaçons les événements dans leur contexte. Voir les autres films, c'est bien, mais le nôtre est plus près de la réalité. Surtout, on propose une réflexion au spectateur, notamment sur la façon dont nous avons laissé les politiciens prendre de si mauvaises décisions par rapport au Rwanda.»

«C'est un film sur l'Occident, ajoute Dupuis. On y expose les mécanismes des grandes puissances qui prennent des décisions uniquement pour soutenir leurs propres intérêts. Dans ce film, on raconte la tragédie des Rwandais, mais nous racontons aussi notre propre histoire à travers eux.»

Shake Hands with the Devil, qui prendra l'affiche en salle le 28 septembre, souffre sans doute d'arriver quelques films plus tard (d'autant plus que la réalisation de Spottiswoode ne casse rien), mais la prestation de Roy Dupuis est carrément exceptionnelle. Le général avait bien raison d'être troublé...

Soie sur un fil

Dire du nouveau film de François Girard qu'il est attendu est un euphémisme. Le cinéaste québécois n'avait en effet rien tourné depuis Le violon rouge. Il a choisi de surcroît de porter à l'écran un roman très estimé, dont l'écriture très fine, subtile et délicate, semblait difficilement adaptable sur le plan cinématographique. Alors? Alors Silk est un beau film. Mais il n'est «que» beau. Chaque image est en effet minutieusement composée. Et somptueuse de beauté. Mais l'émotion passe mal. Ou carrément pas. On a en tout cas beaucoup de difficulté à croire au bouleversement intérieur - et apparemment profond - de ce Français qui, au XIXe siècle, se rend régulièrement au Japon pour s'approvisionner en oeufs de vers à soie. Et qui tombe amoureux. Keira Knightley est magnifique dans le rôle de l'épouse qui sent bien le trouble qui atteint son homme. Il n'est toutefois pas dit que Michael Pitt était l'acteur idéal pour rendre justice au personnage imaginé par l'auteur du roman Alessandro Baricco. Soie prend l'affiche le 21 septembre.