Au cours de sa carrière de 20 ans dans la police française, Franck Mancuso a souvent été confronté à des affaires difficiles. Il s’est servi de ces souvenirs douloureux pour son premier long métrage, Contre-enquête, avec un Jean Dujardin flic, confronté à l’assassinat de sa fille par un tueur en série.

Le scénariste de 36, Quai des orfèvres, d’Olivier Marchal, et de la télésérie Commissaire Moulin, a puisé à même un fait divers qui a défrayé la manchette en France, au milieu des années 80. L’histoire d’un individu condamné pour le meurtre de deux enfants. La police devait découvrir, une quinzaine d’années plus tard, qu’un autre meurtrier d’enfants, condamné à quatre reprises, se trouvait à l’époque dans les parages du double assassinat. Le véritable meurtrier se trouvait-il derrière les barreaux ou en liberté? La question reste entière...

«Après avoir coécrit le scénario de 36, Quai des orfèvres, je me suis demandé si je pouvais écrire une histoire tout seul», explique Mancuso, en entrevue dans un hôtel de la Place de l’Opéra, à Paris.

Cette terrible histoire, et l’imbroglio médiatique autour de la culpabilité de l’assassin, lui sont alors revenus en tête. «Je me suis dit : “Et si ça m’arrivait, à moi, en tant que policier et papa... S’il fallait que ma fille se fasse tuer...” Je me suis projeté dans ce type (Malinowski, joué par Jean Dujardin) et me suis demandé : “Qu’est-ce que je pourrais bâtir comme scénario machiavélique qui lui permettrait d’assouvir sa vengeance?”»

Du fond de sa cellule, le présumé coupable (Laurent Lucas) fera parvenir régulièrement des lettres à Malinowski, enquêteur à la police criminelle. Le doute s’insinuera dans l’esprit du policier sur la culpabilité du condamné. Et si la justice s’était trompée? Envers et contre tous, il décidera alors de mener une contre-enquête en solitaire.

«Je ne voulais pas que l’interprétation verse dans une sorte de Justicier dans la ville (Death Wish, avec Charles Bronson), précise Mancuso. C’est autant le père que le flic qui passe à l’action, peut-être davantage le père.»

Pas le goût d’un retour

En raison de son ancien métier, Mancuso est porté à être plus critique à l’égard des polars français. «À une certaine époque, les films étaient écrits par des gens qui n’y connaissaient pas grand-chose. Beaucoup de scénaristes faisaient du copier-coller de feuilletons américains. Ils ne tenaient pas la route, il y a eu beaucoup de conneries...»

Depuis une vingtaine d’années, ajoute-t-il, il sent une volonté chez les scénaristes et réalisateurs de faire des polars plus rigoureux. Il cite en exemple L.627, de Bertrand Tavernier, et Le petit lieutenant, de Xavier Beauvois.

Maintenant qu’il a goûté au métier de réalisateur, Franck Mancuso se verrait mal retourner à son ancienne vocation. «C’est quelque chose qui ne s’oublie pas. Mais tous mes potes sont partis ou ont changé de service. Moi ce que j’aimais dans la police, c’était faire la chasse aux voyous, aux braqueurs, aux terroristes. Très honnêtement, à 47 ans, quand on a quitté depuis plusieurs années, je ne me vois pas retourner dans un bureau, ou enseigner le métier aux autres. Ça ne me plairait pas des masses...»

Un contre-emploi pour Dujardin

On a pris l’habitude de voir Jean Dujardin faire le comique. Ses personnages de Brice de Nice et d’OSS-117 l’ont poussé dans le temps de le dire dans le club sélect des rares acteurs français capables de faire grimper le box-office par son seul nom.

Mais être un acteur comique, c’est aussi se demander parfois si l’on est capable de faire autre chose. Dans Contre-enquête, Dujardin se paye le luxe d’un contre-emploi. On le retrouve dans la peau d’un capitaine de la police criminelle confronté au viol et à l’assassinat de sa fillette.

«Ce n’est pas un film très optimiste. C’est mon rôle le plus noir», explique Dujardin, à l’occasion d’une rencontre tenue avec quelques journalistes québécois, le mois dernier, à Paris. «Il faut dire aussi que je sortais de six mois de théâtre. J’étais usé et ça se voyait. J’avais envie de jouer un personnage qui s’efface devant l’histoire.»

Dans Contre-enquête, tourné sous la direction de Franck Mancuso, Dujardin doit non seulement vivre avec la mort de son enfant, mais aussi avec le soupçon que le présumé auteur du meurtre (Laurent Lucas), condamné à 30 ans de prison, puisse être innocent... ou vraiment coupable.

«C’est une histoire de vengeance froide, très crue. Dès la quinzième page, ç’a m’a remué. On voyait que c’était un flic qui avait écrit l’histoire. Et puis, il y a aussi le fait que j’avais envie de tourner avec Laurent Lucas.»

«Mon personnage est un flic, alors il a les moyens d’aller jusqu’au bout pour se faire sa propre justice. C’est aussi un film qui va jusqu’au bout et nulle part en même temps...», ajoute-t-il, en référence à son personnage qui, quoi qu’il arrive, ne retrouvera jamais la paix de l’esprit.

OSS-117 au Brésil

Contre-enquête ne fera pas de Dujardin un abonné des films noirs. Chassez le naturel, il revient au galop. Le mois prochain, il enfilera à nouveau son costume d’agent secret des années 50, pour la suite de OSS-117: le Caire, nid d’espions, toujours sous la direction de Michel Hazanavicius.

Dans OSS-117 : c’est la faute à Rio, l’espion gaffeur partira à la chasse aux nazis — «De toute façon, ce seront toujours eux les méchants...» — avec l’aide d’agents secrets du Mossad israélien.

Dujardin sent une certaine nervosité à l’idée de reprendre un personnage qui a fait fureur au box-office. «La première fois, on a bénéficié de l’effet de surprise. Il faut trouver autre chose. En même temps, ça m’excite. C’était courageux de porter à l’écran un personnage comme OSS-117, avec son humour méchant, son racisme et toutes ses caricatures des musulmans. Mais OSS, c’est comme un enfant de six ans, on lui pardonne tout. C’est un idiot intelligent...»