Célébrant cette année ses 20 ans de cinéma, Benoît Magimel met désormais sa notoriété au profit de projets qui lui tiennent à coeur. L'acteur a mis en chantier L'ennemi intime, un film qui se penche sur la guerre d'Algérie.

Au départ, il y a eu cette idée de mettre sur pied un projet sur le modèle des films de guerre qu'il a vus - et appréciés - quand il était adolescent. Six ans plus tard, le souhait de Benoît Magimel s'est réalisé en prenant la forme de L'ennemi intime, un drame de guerre qu'a réalisé Florent-Émilio Siri, un cinéaste avec qui l'acteur partage une grande complicité depuis très longtemps.

«À partir du moment où nous avons eu la volonté d'aborder le genre, le thème de la guerre d'Algérie s'est imposé très vite, a expliqué l'acteur au cours d'une entrevue récemment accordée à La Presse à Paris. L'Algérie est à la France ce que le Vietnam est aux États-Unis. Si les Américains n'hésitent pas à revisiter cette partie de leur histoire au cinéma, nous, en revanche, souffrons d'amnésie quand vient le moment d'évoquer le passé colonial de notre pays.»

Par un pur hasard, Benoît Magimel croise un jour l'historien Patrick Rotman, grand spécialiste de la question, qui s'apprêtait justement à mettre ses 30 ans de recherches au service d'un documentaire.

«Je ne savais même pas que Patrick avait coréalisé avec Bertrand Tavernier, en 1990, La guerre sans nom, un film important, avoue candidement l'acteur. Après notre discussion, j'ai essayé d'écrire une ébauche de scénario, mais je me suis vite aperçu que je n'irais nulle part sans lui. J'ai été ravi qu'il accepte de travailler avec nous.»

Aujourd'hui âgé de 33 ans, Magimel fait évidemment partie d'une génération de Français qui n'a pas connu cette guerre directement. Or, le silence qui entoure cet épisode pour le moins traumatisant de l'histoire nationale a pour effet de piquer la curiosité des nouvelles générations. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1999 que le gouvernement français a utilisé pour une première fois le mot «guerre» pour décrire les «événements» qui se sont déroulés en Algérie 40 ans plus tôt.

«L'omerta est tellement importante qu'elle donne justement envie d'en savoir plus, fait remarquer l'acteur. Pourquoi ce silence? Pourquoi met-on tant d'énergie à cacher des choses? Pourquoi a-t-on autant de mal à reconnaître les responsabilités de part et d'autre?»

Ainsi, le titre, L'ennemi intime, résume assez bien l'enjeu d'un film où, pour reprendre une expression que Patrick Rotman a utilisée en cours d'entrevue, «la complexité des êtres est coincée dans la complexité d'une guerre qui elle-même n'était pas simple».

Dans L'ennemi intime, Magimel prête ses traits à un lieutenant idéaliste qui, en 1959, prend le commandement d'une section qui vient de perdre son chef au cours d'une mission dans les montagnes de Kabylie. Les convictions humanistes du lieutenant seront évidemment ébranlées très vite sur le terrain, d'autant plus que le sergent qui le seconde (Albert Dupontel) n'emprunte pas du tout la même approche.

«Notre intention était d'offrir un grand spectacle de cinéma tout en explorant une thématique importante. Un peu comme l'ont fait tous ces grands films américains sur la guerre du Vietnam, mais aussi des chefs-d'oeuvre comme Les sentiers de la gloire de Kubrick, ou, plus près de nous, La bataille d'Alger de Pontecorvo. L'ennemi intime ne pouvait se faire que dans ce registre-là.»

L'envie de durer

Mine de rien, Benoît Magimel célèbre cette année ses 20 ans de cinéma. En 1988, le public découvrait en effet le petit Momo Groseille de La vie est un long fleuve tranquille d'Étienne Chatiliez. À l'époque, le gamin aux envies d'acteur avait tout simplement répondu à une petite annonce.

«Tout était simple, alors. Je ne faisais que m'amuser. Ce n'est qu'à l'âge de 16 ans que j'ai compris que l'art dramatique était un vrai travail. C'est à cette étape que j'ai décidé de m'y consacrer entièrement. L'important - et le plus difficile - est de durer. Rares sont les acteurs ayant commencé leur carrière dans leur enfance qui persistent jusque dans l'âge adulte. Rares aussi sont ceux qu'on voit encore des années plus tard. Du côté des hommes, les plus beaux rôles arrivent vers l'âge de 30 ou 35 ans. Il faut trouver le moyen de tenir jusque-là!»

Magimel a tenu bon. Il est à même de constater la richesse des rôles qu'on lui offre maintenant.

«Je préfère de loin ma vie à 30 ans plutôt qu'à 20, dit-il. Je me sens plus libre, j'ai plus d'expérience, et je choisis mes projets en fonction de ce qui me plaît. Vraiment, je crois avoir atteint un très bel âge!»

L'acteur a notamment tourné sous la direction de Claude Chabrol pour une troisième fois (La fille coupée en deux devrait en principe prendre l'affiche au Québec au cours des prochaines semaines), et il est aussi la tête d'affiche de La possibilité d'une île, une adaptation cinématographique que Michel Houellebecq a tirée de son propre roman. Magimel est aussi allé tourner au Japon Inju, la bête de l'ombre, un thriller réalisé par Barbet Schröder.

«Je souhaite maintenant aborder les personnages d'une façon différente, commente-t-il. J'ai aussi davantage envie de me fier à mon instinct plutôt que de trop réfléchir. Je me méfie des certitudes. Tout est toujours en mouvement dans ce métier. C'est ce que j'aime.»