Réalisatrice, scénariste et cofondatrice de Vidéo Femmes, Helen Doyle présente avec Birlyant, une histoire tchétchène, le destin de Birlyant Ramzaeva, musicienne, mère de famille, réfugiée d'une guerre qui lui a déjà enlevé son mari.

De 2004 à aujourd'hui, Helen Doyle suit la femme, la réfugiée et l'artiste, dans sa vie au Canada, mais aussi, grâce aux documents d'archives, en Tchétchénie.

Helen Doyle a réalisé Les rendez-vous de Sarajevo, Les messagers, et Soupirs d'âme. Elle a aujourd'hui deux nouveaux projets, en documentaire et en fiction.

Q : Comment est né le documentaire?

R: J'étais en train de tourner en 2002 mon documentaire, Les messagers. Je suivais l'un de mes personnages en ex-Yougoslavie, Nigel Osborne. Il a beaucoup travaillé avec les gens de l'ex-Yougoslavie, et il m'a dit, il faut absolument que je te présente quelqu'un. Il faut savoir qu'il y a seulement quatre familles de Tchétchènes au Québec. Alors, les probabilités pour qu'une Québécoise rencontre une Tchétchène étaient plutôt minces. Tout de suite, elle m'a dit «il faut absolument que tu fasses un film sur notre peuple en voie d'extinction, et sur les femmes».

Q: Dans le film, vous montrez vraiment le combat des Tchétchènes en exil pour la survie de leur culture.

R: C'était la suite logique d'une réflexion. C'est ça aussi que l'on voit dans les guerres: des gens qui se mobilisent pour la survie de leur culture. En Tchétchénie, on assiste vraiment, sinon à un génocide, car il faut être prudent avec les mots, mais à un ethnocide. En premier lieu, les Russes ont détruit tous les lieux de culture. Et après, les hôpitaux, les écoles. C'est très présent chez les Tchétchènes, la menace de disparition, d'autant plus que les Tchétchènes ont été déportés par Staline au Kazakhstan en 1944. Quand ils sont revenus en 1956 et 1957, ils n'avaient même pas le droit d'apprendre leur langue. Leur culture est en danger, parce qu'elle est orale, et malheureusement, peu de Tchétchènes parlent la langue.

Q: Vous montrez dans Birlyant, une histoire tchétchène, deux histoires. Celle de Birlyant, une musicienne aujourd'hui réfugiée au Canada, et celle de son pays. Pourquoi?

R: Birlyant a 50 ans. Elle est née à l'étranger, est revenue en Tchétchénie, a connu la guerre. En racontant l'histoire de cette femme, une amoureuse, une mère de famille, je pouvais raconter l'histoire de la Tchétchénie. Quand le mouvement d'indépendance a fait jour, elle a pris les textes de son mari, pour chanter.

Q: Dans le documentaire, vous utilisez des archives sur la Tchétchénie. D'où viennent ces documents?

R: Il y a d'abord des archives de la famille elle-même, comme telle, pour les fêtes d'anniversaire, des images qui ont pu être retrouvées parce qu'elles étaient cachées dans des ruches. Il n'y avait plus d'abeilles, à cause de la guerre, mais les Russes n'ont jamais pensé à chercher là. Birlyant a aussi enterré certaines images dans le jardin de sa mère. Il y a, enfin, les images de la journaliste tchétchène Tamara Kalaeva et de la journaliste française Mylène Sauloy.

Q: Comment Birlyant voit-elle ce film?

R: Elle est très contente. On est devenues amies au fil des ans. Elle m'a dit: j'ai compris ce que tu voulais faire, parler au coeur des gens. Je partais de la réalité des Québécois, de ce que les Québécois connaissent du documentaire, et j'ai essayé, par cela, de suivre une porte pour que l'on se reconnaisse là-dedans. Pour Birlyant, c'est aussi une façon de garder son mari vivant. Il fait partie des 6000 ou 7000 personnes disparues. C'est 5 % de la population tchétchène. C'est douloureux, parce que Birlyant se fait toujours une idée qu'il va peut-être revenir. Ces gens-là attendent toute leur vie.

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Birlyant, une histoire tchétchène, au Cinéma Parallèle (Ex-Centris) et au cinéma Le Clap dès vendredi.